Accéder au contenu principal
Reportage chez D. Renard (60)

Des doses phytos réduites de 25 % en 4 ans avec le traitement de l’eau


TNC le 04/03/2024 à 05:00
796bb94a-0-des-doses-phytos-reduites-de-25-en-4-ans-avec-le-traitement-de-l-eau

En 2019, Damien Renard démarre une réflexion autour de la pulvérisation, et investit dans une station de traitement de l'eau pour son exploitation. (© TNC)

Agriculteur dans l’Oise avec son épouse, Damien Renard s’est équipé d’un système de traitement de l’eau il y a 4 ans. Une action supplémentaire intégrée dans une réflexion globale sur la protection des cultures pour réduire le recours aux produits phytosanitaires. Il nous partage son retour d’expériences.

Installé en grandes cultures et cultures légumières à Saint-Just-en-Chaussée (Oise), Damien Renard observe au fil des années « des soucis de compaction sur ses parcelles et une baisse de productivité ». Il entame alors en 2019 une réflexion globale de son système, autour du travail du sol ainsi que sur la protection des plantes.

Dans le cadre des formations organisées avec son GIEE Ecophyt, il participe notamment à une présentation de la société Eqo sur le traitement de l’eau pour réduire les doses de produits phytos utilisées, tout en conservant la même efficacité d’action. Damien Renard s’intéresse alors au sujet et se lance en même temps que 10 autres agriculteurs du groupe, cultivant également des pommes de terre et des légumes.

Plus d’informations sur l’exploitation:
– Deux associés : Damien Renard et son épouse, Nathalie Renard
– SAU : 140 ha
– Assolement : 40 ha pommes de terre pour l’industrie, 15 ha d’oignons, 20 ha de betteraves rouges, 15 ha de colza, 50 ha de blé tendre.
– Types de sols : limons argileux
– Irrigation depuis 1977
– Gestion d’une ferme à façon de 120 ha

Pourquoi le traitement de l’eau ?

Selon sa nature, l’eau peut être un facteur limitant dans l’efficacité des produits phytos. L’objectif consiste donc à la conditionner en fonction des applications et cela passe par plusieurs étapes, que détaille l’entreprise Eqo :

– filtration et déminéralisation : « pour éliminer les éléments qui peuvent détruire ou neutraliser les matières actives, déstabiliser certains mélanges et limiter l’efficacité des tensio-actifs » ;

– adaptation du pH : « pour permettre une durée de vie optimum du produit sans dégradation de la matière active » ;

– augmentation de la température : « pour favoriser un meilleur mélange et une meilleure pénétration du produit » ;

– variation de la conductivité : « pour stimuler l’échange produit/plante ».

Ainsi Damien Renard se reporte pour chaque traitement aux données de la fiche de sécurité (FDS) des produits concernés afin de configurer les paramètres de sa station de traitement. « Au fur et à mesure, j’ai simplifié le processus notamment pour le choix de la température en cas d’association de produits, elle est comprise entre 15 et 18°C », témoigne-t-il.  

L’agriculteur prépare généralement son eau la veille pour être prêt à partir tôt le lendemain matin. Avec sa station, il est équipé de deux cuves de 6 000 l pour un pulvérisateur automoteur Condor de 5 000 l. « Il faut compter environ 30 min de préparation pour une cuve, c’est assez simple d’utilisation », précise Damien Renard. Il utilise de l’eau de forage, « l’eau de pluie implique plus de contraintes au niveau du stockage ».

Quels résultats ?

Après quatre années d’utilisation, le producteur met en avant « une meilleure qualité de pulvérisation grâce à l’eau filtrée, on n’a plus du tout de phénomène de dérive ». « L’efficacité améliorée de la bouillie nous a également permis de réduire les doses de produits phytos épandues de 25 % en 4 ans ».

« L’autre point, qui me paraît très intéressant, concerne la sélectivité, ajoute-t-il. On travaille sur du vivant : quand vous êtes amené à faire un désherbage ou même un fongicide sur un légume, c’est très important. On observe beaucoup moins de dégâts dus aux herbicides et de marquages des fongicides sur les céréales aussi. Cela concourt également à l’efficacité globale du système et l’augmentation de nos rendements. »

Avec une utilisation sur son exploitation et en prestation, Damien Renard estime ainsi un retour sur investissement en 2 ans du système de traitement de l’eau. « La station m’a coûté 40 000 euros et a été subventionnée à 40 % par un PCAE, donc cela représente un investissement de 25 000 € au final. Tout est une question de choix, ce montant peut représenter parfois une option sur un tracteur ou la différence entre deux modèles », illustre l’agriculteur.

Une démarche globale

« Au-delà de l’aspect économique, cela nous a permis aussi de faire évoluer notre façon de travailler. C’est un levier supplémentaire pour répondre aux cahiers des charges et aux exigences de nos clients. L’exploitation est certifiée Global Gap pour les légumes, ainsi que Haute valeur environnementale depuis 3 ans. »

« Bien sûr, on ne peut pas tout miser sur le traitement de l’eau. Diminuer l’utilisation des produits phytos reste un travail de fond, une démarche globale », note Damien Renard. « Et ça commence par se demander : est-ce qu’il faut vraiment traiter ? Est-on qu’on ne dispose pas d’autres alternatives ? » L’agriculteur travaille avec des produits de biocontrôle dès que cela est possible, du purin d’ail… Il envisage également de se former sur l’utilisation de thé compost oxygéné.

« Quand il est nécessaire de traiter, on reste vigilant à le faire dans de bonnes conditions, très souvent le matin, et au bon moment, avec l’appui d’outils d’aide à la décision comme Mileos en pommes de terre ou xarvio Field Manager pour le blé. En amont, on reste également attentif au choix variétal quand le cahier des charges ne l’impose pas, ainsi qu’à la prophylaxie, notamment pour le mildiou. Dans le secteur, j’ai « la chance » d’avoir un seul voisin qui cultive aussi des pommes de terre, cela limite les contaminations. La rotation de l’exploitation est également bien diversifiée. »

Autre piste de travail prévue : « une réflexion sur le désherbage mécanique avec le binage des oignons et le buttage des pommes de terre, à adapter en fonction des conditions météo du printemps. On souhaiterait mettre en place un essai de buttage tardif au printemps prochain ».

Aussi, Damien Renard se forme sur la nutrition des plantes : « on peut admettre qu’une plante en bonne santé est moins malade, explique-t-il. Et sur ce point, le traitement de l’eau pourrait être également un appui, pour permettre d’appliquer les produits foliaires dans de bonnes conditions et les faire pénétrer au mieux dans la plante ».

Retrouvez un exemple de l’itinéraire technique du blé tendre d’hiver 2022/23 :

Date

Intervention

Précisions

Dose

12/10/2022

Semis

KWS Extase

105 kg/ha

 

Traitement phyto

Karaté Zéon

Minarix

Compil

0,05 l/ha

1,981 l/ha

0,198 l/ha

21/11/2022

Traitement phyto

Daiko

Voltage SC

Mix-In

1,981 l/ha

0,495 l/ha

0,495 l/ha

15/02/2023

Fertilisation minérale

Urée technique

100 kg/ha

15/02/2023

Fertilisation minérale

TMS

100 kg/ha

15/03/2023

Fertilisation minérale

Urée technique

120 kg/ha

20/03/2023

Fertilisation minérale

TMF

Azosoufre

1,327 l/ha
24,223 l/ha

29/03/2023

Traitement phyto

Profi Az 250 SC

Heliosol

Moddus Evo

0,154 l/ha

0,095 l/ha

0,25 l/ha

06/04/2023

Traitement phyto

Profi Trinex 250 ME

Heliosol

Tazer 250 SC

0,24 l/ha

0,095 l/ha

0,154 l/ha

13/04/2023

Fertilisation minérale

Solution 390

100 l/ha

17/04/2023

Traitement phyto

Artina

Heliosol

Tazer 250 SC

0,231 l/ha

0,095 l/ha

0,308 l/ha

06/05/2023

Traitement phyto

Effigo

Aptrell 90

Questar

1,384 l/ha

0,308 l/ha

0,615 l/ha

08/05/2023

Traitement phyto

Cythrine Max

0,05 l/ha

26/05/2023

Traitement phyto

TMF

Prepare Duo

Lambdastar

0,615 l/ha

0,923 l/ha

0,049 l/ha

20/07/2023

Récolte

Rendement : 110 q/ha

 

IFT herbicide : 3,23
IFT fongicide : 2,49
IFT insecticide : 2,32
IFT autre : 1,08
IFT semences : 0,00
IFT biocontrôle : 0,00

*PCAE : Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles