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Protection fongicide céréales

Dernière campagne pour le chlorotalonil, quelles conséquences ?


TNC le 03/12/2019 à 13:06
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Toutes les spécialités contenant du chlorothalonil ne pourront plus être vendues, ni distribuées à partir de février 2020. Leur utilisation reste possible jusqu'au 20 mai 2020. (©TNC)

Deuxième molécule la plus utilisée sur blé et sixième sur orges, le chlorothalonil vit actuellement sa dernière campagne suite à son non-renouvellement au niveau européen. Selon Jean-Yves Maufras d'Arvalis, « sa disparition pourrait avoir moins de conséquences à court terme que l’on pourrait le redouter. [...] À condition, bien sûr de faire progresser les pratiques vers une plus forte intégration des leviers disponibles, notamment la génétique, les OAD et le biocontrôle. »

Actif sur septoriose, le chlorothalonil « présente, depuis plus de 40 ans, l’un des meilleurs rapports qualité/prix du marché », présente Jean-Yves Maufras, ingénieur Arvalis-Institut du végétal. Paradoxalement, peu de conséquences sont à attendre au moment du premier traitement (T1), même « si l’essentiel des utilisations de cette molécule se font au T1 ». Une exception toutefois : « si la pression de septoriose est forte et précoce, le gain de rendement peut représenter jusqu’à 10 q/ha », ajoute Jean-Yves Maufras.

Pas plus de répercussions concernant le second traitement (T2) : « l’apport n’est ni fréquent ni déterminant à cette période ». Sur orges, le chlorothalonil est beaucoup moins utilisé. « Il est le plus souvent justifié pour contrôler la rhynchosporiose, en association avec d’autres molécules en début de montaison (T1). »

Les conséquences pourraient, par contre, être « beaucoup plus sérieuses sur le long terme. En supprimant un mode d’action actif sur toutes les souches y compris les souches résistantes aux triazoles, aux QoI comme aux SDHI, on se prive d’un outil de protection particulièrement utile et qui a démontré sa capacité à ne pas générer de souches résistantes […] Le non-renouvellement du chlorothalonil représente aussi et surtout la disparition d’un mode d’action d’une grande durabilité face au problème des résistances. En plus de 40 ans d’utilisation, aucune souche résistante à cette molécule n’est apparue, sur aucune culture et vis-à-vis d’aucun pathogène ». Cela pourrait parallèlement entraîner « l’augmentation de l’utilisation des autres modes d’action, et donc plus de pression de sélection sur les autres familles chimiques ».

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Quelles alternatives possibles ?

Face à cette disparition, deux types d’alternatives sont envisageables, selon les essais réalisés par Arvalis. Première option : remplacer le chlorothalonil par « une autre molécule fongicide, tout aussi efficace contre la septoriose et disposant d’un mode d’action multisite de préférence, si possible sans augmenter le coût de la protection ». Parmi les molécules candidates :

– Le folpel est « la molécule qui présente le plus de points communs avec le chlorothalonil », d’après les essais Arvalis. Récemment commercialisée sous le nom de Sesto avec une homologation sur la septoriose du blé, cette matière active pourrait être utilisée dès le printemps 2020. Contrôlant partiellement la ramulariose, une autorisation sur orges permettrait « d’enrichir le nombre de solutions disponibles » d’ici 2021 voire 2022. Des travaux sont en cours sur le plan de gestion des risques de résistance (Réseau Performance). « Les premiers résultats indiquent que si les souches MDR semblent aussi bien contrôlées qu’après utilisation de chlorothalonil, en revanche les souches de type Tri HR le sont beaucoup moins. »

– Le mancozèbe, un autre multisite disponible et déjà autorisé sur céréales. Par contre, « son efficacité (par comparaison au folpel, et au chlorothalonil) semble a priori insuffisante pour justifier de (re)développer son utilisation sur céréales ». De plus, la molécule, en cours de réexamen, pourrait bien être reclassée CMR.

– Le soufre, multisite classé dans la liste des produits de biocontrôle. «  Son efficacité ne peut pas, non plus, rivaliser avec celle du chlorothalonil », note Arvalis. Il montre toutefois une bonne efficacité, « associé avec un triazole ou une autre molécule de biocontrôle (comme les phosphonates) au moment des T1 ». Des travaux sont également en cours sur le plan de la gestion des risques de résistance. D’après les résultats, «  si les souches MDR semblent moins bien contrôlées qu’après utilisation de chlorothalonil, en revanche les souches de type Tri HR (non MDR) le sont tout aussi bien ». « Sur orge, l’intérêt du soufre n’a pas été démontré ».

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La seconde option consiste, elle, à traiter moins en mobilisant d’autres leviers de protection : « utilisation de variétés résistantes et d’outil d’aide à la décision, et si besoin utilisation de produits alternatifs de biocontrôle ». L’objectif est de limiter voire supprimer le recours au premier traitement. « Supprimer le T1 enlève, du même coup, la question du remplacement du chlorothalonil. En diminuant le nombre de traitement, la pression de sélection diminue parallèlement, et devrait permettre (au moins aussi bien que pourrait le faire une application de chlorothalonil) de réduire la pression de sélection et la progression de la résistance. »

Comme conclut Arvalis : « le chlorothalonil n’est pas irremplaçable, même si aucune solution alternative ne lui est véritablement équivalente aujourd’hui. Aucune catastrophe n’est donc à redouter sur le court terme ». Pour atténuer les effets de sa disparition, « les programmes devront être adaptés en modulant les doses ou en mobilisation d’autres modes d’action, ou plus simplement en mobilisant d’autres leviers de protection pour supprimer le T1 ».