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Climat et agriculture

Comment le changement climatique menace l’agriculture


AFP le 11/05/2023 à 10:25
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La perte de rendement agricole due à la sécheresse est estimée à 25 % entre 1961 et 2006, selon le Giec. (©Jody Davis de Pixabay)

De la Corne de l'Afrique aux Pyrénées-Orientales en France, la sécheresse et les vagues de chaleur font souffrir hommes, bêtes et plantes. Dès aujourd'hui, le bouleversement du climat accentue les menaces sur les rendements agricoles mondiaux, jusque dans les zones tempérées autrefois épargnées.

Tous les continents concernés

Aucun continent n’est à l’abri et la menace est sérieuse. La sécheresse a déjà contribué à la disparition d’une civilisation, comme l’a récemment montré une étude publiée dans Nature sur le déclin de l’empire hittite d’Anatolie à la fin du 12e siècle avant notre ère.

Le réchauffement climatique multiplie les sécheresses et leur durée, dont celle record qui sévit dans la Corne de l’Afrique, où la hausse des températures a tué des millions de têtes de bétail et où 22 millions de personnes sont menacées par la faim, selon l’ONU.

Au total, plus de 3 milliards de personnes vivent déjà dans un environnement « très vulnérable » au changement climatique.

Ce changement conduit à une augmentation des événements de précipitations extrêmes, avec des conséquences dévastatrices : destruction des cultures, impossibilité des semis ou des récoltes, aggravation de l’érosion des sols dont les couches fertiles supérieures sont emportées par les flots. Des phénomènes constatés ces dernières années au Pakistan ou en Australie.

S’y ajoutent les phénomènes climatiques océaniques El Niño et La Niña, récurrents mais irréguliers, qui accentuent la sécheresse en Indonésie, premier producteur mondial d’huile de palme) ou en Argentine (gros exportateur de maïs et de soja), affectent la mousson en Inde, vitale pour le pays le plus peuplé du monde, ou encore favorisent l’activité cyclonique.

Moins de blé, moins de lait

« Si l’eau vient à manquer au moment de la germination – ou croissance des plantes – ou juste avant la floraison, cela aura un impact majeur sur la production de céréales », souligne Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement de l’institut français de recherche Inrae, qui travaille sur l’adaptation au changement climatique de l’agriculture. « Une température élevée, avec ou sans eau, va favoriser un phénomène d’échaudage, c’est-à-dire un arrêt du remplissage du grain », ajoute-t-il.

Schématiquement, explique-t-il, l’eau aura un impact sur la quantité des épis – et donc du volume de la récolte – et la température sur sa qualité – taux de remplissage du grain.

Le manque d’eau entraîne aussi un déficit du fourrage, des pâturages de montagne aux champs de luzerne – les agriculteurs catalans ont renoncé à en semer en avril alors que l’Espagne subit une sécheresse historique.

L’assèchement de points d’eau et le manque d’herbe déciment régulièrement les troupeaux des éleveurs au Sahel ou dans la Corne de l’Afrique. Même dans les zones tempérées, le rendement des races laitières diminue par forte chaleur.

« Les ruminants, dont l’intérieur de la panse chauffe pendant la fermentation, y sont particulièrement sensibles. Un pic de chaleur à 40°C peut tuer une vache », explique Thierry Caquet.

Ce que prévoit le Giec

Dans le monde, 60 % de l’alimentation mondiale est fournie par l’agriculture pluviale (non irriguée), le reste venant de l’agriculture irriguée.

Avec le réchauffement climatique, la demande d’irrigation augmente : les cultures ont besoin de plus d’eau car elles en perdent davantage par évapotranspiration. A fortiori pour le maraîchage : une tomate ou un melon sont constitués à 90 % d’eau.

La perte de rendement agricole due à la sécheresse est estimée à 25 % entre 1961 et 2006, selon le Giec (février 2022). D’ici 2071-2100, si la planète se réchauffe d’1,5 à 2°C, cette perte liée à la sécheresse augmentera de 9 à 12 % pour le blé et de plus de 18 % pour le riz, par rapport à la période 1961-2016.

Les solutions existent : fin de l’artificialisation des terres, gestion améliorée et durable des forêts, préservation des écosystèmes à forte capacité de stockage de carbone comme les tourbières, développement de l’agroécologie.

Mais le Giec met aussi en garde contre la « maladaption », soulignant par exemple que « la surextraction » de l’eau, que l’on cherche à stocker pour irriguer des zones arides, peut « entraîner l’épuisement des eaux souterraines », ce qui aura des effets délétères à moyen terme.