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Transition de l’agriculture

Comment concilier exigences économiques agricoles et impératifs climatiques ?


TNC le 02/11/2023 à 14:19
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Le CGAAER insiste sur la nécessité de rénover l'accompagnement des agriculteurs pour un réel changement de modèles agricoles. (© Mirko Fabian, Pixabay)

Devant l’accélération du changement climatique, l’évolution des pratiques agricoles est en cours, mais la transition n’est pas assez rapide, relève le CGAAER dans un rapport concluant une mission d’appui auprès du délégué interministériel au Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique. Pour monter en puissance, différents leviers devront être combinés, notamment en matière d’accompagnement financier, pour réduire la prise de risque des agriculteurs.

Inéluctable, le changement climatique impose déjà ses contraintes à l’agriculture, augmentation des températures et diminution de la ressource en eau ayant des conséquences directes sur les rendements. Pour autant « force est cependant de constater que, malgré une réelle prise de conscience, la réponse du secteur agricole n’est pas encore suffisante. La raison principale est l’antagonisme entre les impacts d’une adaptation « transformante », qui comporte des risques et s’inscrit dans un pas de temps long, et la réalité économique à court terme des entreprises agricoles », souligne le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), dans un rapport publié fin octobre.

Les leviers de résilience sont aujourd’hui connus : génétique, travail sur la ressource en eau, adaptation et transformation des techniques culturales, mais il s’agit de les mobiliser dans des conditions qui maintiennent un minimum de rentabilité. Le CGAAER recommande notamment d’évaluer « précisément la viabilité économique des changements de modèles agricoles en intégrant la recherche fondamentale dans un « continuum recherche – innovation – développement » ».

Un « signal prix » qui reste déterminant

Car les agriculteurs peuvent tout à fait s’adapter pour produire, à condition que la rentabilité soit au rendez-vous, souligne le rapport, citant par exemple « la campagne 2022 pour les céréales et le tournesol dans le contexte du conflit russo-ukrainien, ou encore l’inflexion du marché des produits issus de l’agriculture biologique depuis deux ans ».

« La priorité, au demeurant fort compréhensible, des agriculteurs, des semenciers et des coopératives, est en effet de dégager un revenu en prenant le moins de risque possible, ou un risque calculé. Ceci d’autant plus que leurs décisions s’inscrivent dans un contexte d’incertitudes croissantes à tous égards (climatiques, géopolitiques, variabilité des politiques publiques). Or, tout changement présente forcément des risques agronomiques et économiques avec également, pour les cultures de diversification, un risque de saturation de l’outil aval si un trop grand nombre d’agriculteurs commence la même production au même moment », indique le CGAAER.

Dans ce contexte, la production de grandes cultures « traditionnelles » reste sécurisante pour les agriculteurs français.

Vers une baisse annoncée des rendements

Face au réchauffement du climat et à ses conséquences, deux options s’opposent, rappelle le CGAAER : « un niveau élevé de rendement, avec le risque d’une plus grande exposition aux aléas climatiques et économiques ; ou bien une production plus résiliente et constante, avec des rendements plus faibles ». Cependant, l’accélération du changement climatique risque d’entraîner une baisse et une irrégularité des rendements, pour un certain nombre de productions agricoles, dans la plupart des régions françaises.

Cette tendance est confirmée par la plupart des études, le Centre d’études et de prospectives (CEP) du ministère de l’agriculture évoquant « un plateau de rendements », l’Iddri estimant de son côté que « les rendements actuels dans la majorité des systèmes sont proches des potentiels agronomiques maximums ; maintenir, en moyenne, ces rendements sera déjà une performance remarquable ».

La mise en place de systèmes agricoles plus résilients semble donc indispensable mais pour le moment, les effets environnementaux positifs des transitions n’ont pas de traduction économique à court terme, et les systèmes alternatifs restent très dépendants des aides publiques. La difficulté à augmenter la production française en protéines végétales en est un bon exemple : « malgré leur intérêt agronomique indiscutable et un marché potentiel, leur production n’est en effet pas compétitive », rappelle le CGAAER.

Sécuriser la prise de risque

Un accompagnement mieux adapté et de grande ampleur reste ainsi incontournable pour « absorber » le choc et sécuriser la prise de risques inhérente aux changements. Le CGAAER liste en ce sens une combinaison de leviers : contractualisation entre acteurs économiques, financements complémentaires privés, financements publics (notamment la Pac et des plans d’investissements nationaux), avec l’objectif de rémunérer à leur juste niveau les services environnementaux rendus par l’agriculture.

Pour ce faire, une rénovation de l’accompagnement public sera indispensable, à travers les paiements pour services environnementaux, une fiscalité incitative, ou encore la taxation du carbone. Il faudra mobiliser également l’accompagnement privé, souligne le CGAAER, en parallèle d’un accompagnement technique, au plus près du terrain.

Le changement d’échelle va nécessiter « un accompagnement financier massif de la part des pouvoirs publics, notamment par la réorientation des moyens financiers existants », afin de susciter également un effet levier pour un investissement des acteurs privés, résume le rapport. Au-delà de l’accompagnement, ce changement nécessitera la prise en compte des externalités positives de l’agriculture « et de leur juste rémunération par la société », insiste le CGAAER.