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Filière bio en difficulté

« On se sent abandonnés », s’inquiète un éleveur de porcs bio


AFP le 24/02/2023 à 19:05

Face à la désaffection des consommateurs qui malmène ces derniers mois la filière de l'agriculture biologique, Jérôme Jacob, éleveur de porcs à Quimper, a dû comme d'autres réduire la voilure, diminuant sa production en attendant des jours meilleurs.

« Je n’ai que 55 truies actuellement, contre 60 en temps normal », explique à l’AFP cet agriculteur installé depuis 14 ans. Sur ses 85 hectares, il cultive des céréales et aussi des protéagineux (pois, féveroles, lupins) pour nourrir ses animaux, limitant ainsi au maximum les achats extérieurs nécessaires à leur alimentation.

Mais ce qui inquiète l’éleveur, également président de Bretagne Viande Bio (BVB), un groupement qui réunit 450 producteurs toutes viandes bio confondues, ce sont les jeunes en cours d’installation.

« Il faut un certain temps entre la décision d’installation et le début de la production » de porcelets. « On a des jeunes, installés il y a quelques années qui arrivent à production mais, là, on ne peut pas prendre leurs animaux (…) C’est ça les arbitrages que nous avons à faire en ce moment. Et on en a plusieurs sur le carreau », se désole-t-il.

Quant aux adhérents à BVB, « on a eu un peu de casse ces derniers temps et certains ont arrêté le bio, par exemple pour passer à la vente directe », en abandonnant le strict cahier des charges imposé par le label bio.

Pour les adhérents en difficulté, jusqu’à présent, « c’est la structure qui encaisse », expose le président du groupement. Les animaux qui ne peuvent être vendus sur le marché bio saturé sont déclassés et écoulés sur le marché conventionnel, soit un important manque à gagner pour l’éleveur, compensé actuellement par BVB. « Quand on déclasse, ça coûte à BVB 180 euros par porc », constate M. Jacob.

En fonction d’une grille de prix « revue une ou deux fois par an », BVB achète le porc au producteur « entre 3,50 et 3,80 euros le kilo », selon les caractéristiques techniques des animaux.

Sur le marché conventionnel, le prix est fixé deux fois par semaine. A la dernière cotation jeudi, son prix s’établissait à 2,24. Un nouveau record historique après des années de vaches maigres (1,27 en février 2022) compensées par des aides substantielles de l’Etat.

« Le bio, pas leur priorité »

Mais, rappelle Jérôme Jacob pour justifier ce différentiel de prix à un poids similaire (95 kg), « un porc bio a un tiers de vie en plus » qu’un porc standard et il faut donc le nourrir plus longtemps. Sans compter que « nos cochons ne mangent que du bio ! », contrairement à leurs concurrents, largement nourris au soja importé.

Autre paramètre, le bio requiert davantage de main d’oeuvre : pour s’occuper de ses 55 truies, deux emplois à plein temps et un mi-temps sont nécessaires, « contre un salarié pour 100 à 120 truies en conventionnel », dit-il.

Mieux encore, fait-il valoir, le bio, qui n’utilise ni engrais chimiques ni pesticides, évite à la collectivité les coûts financiers provoqués par la pollution des eaux ou encore les frais de santé liés aux maladies en lien avec ces molécules.

« J’ai choisi le bio pour sortir de tout ça. Le bio répond à des enjeux environnementaux, climatiques, il crée des emplois… Le gouvernement, il le sait tout ça », s’exclame-t-il. « Mais le ministre, le président, le bio, c’est pas leur priorité ».

« Que les particuliers achètent moins de bio, c’est une chose ; mais il y a une loi pour augmenter la part du bio dans la restauration collective et, si le gouvernement ne fait rien pour la faire respecter, c’est dramatique ! », argumente encore M. Jacob.

L’éleveur fait référence à la loi Egalim dont les objectifs prévoyaient 20 % d’alimentation bio dans la restauration collective publique (écoles, hôpitaux, etc.) en 2022. Or, selon un rapport de la Cour des comptes en juin dernier, le pourcentage n’est que de 6,6 %.

« Si la loi était appliquée, il n’y aurait pas de surproduction, assure-t-il. Mais là, on nous laisse tomber, on se sent abandonnés (…) Si ça continue, on va tous disparaître, il ne restera que les plus gros. »