Accéder au contenu principal
Conseil stratégique phytosanitaire

15 % des agriculteurs ont réalisé leur premier CSP obligatoire avant fin 2023


TNC le 10/02/2023 à 18:05
fiches_Champ

Le conseil stratégique phytosanitaire a été mis en place dans le cadre de la séparation du conseil et de la vente des produits phytos. (©Pixabay)

Suite à la séparation du conseil et de la vente des produits phytos, le conseil stratégique phytosanitaire (CSP) sera obligatoire pour renouveler son Certiphyto décideur à partir de janvier 2024. Une « contrainte administrative » pour les agriculteurs et un délai qui semble compliqué à tenir pour les institutions agricoles... Selon un sondage publié récemment sur Terre-net, seuls 15 % des agriculteurs ont réalisé leur premier CSP.

Pour rappel, le CSP, conseil stratégique phytosanitaire a pour objectif « d’établir pour chaque exploitation un diagnostic des problématiques sur les bioagresseurs (adventices, insectes, maladies) et un plan d’action personnalisé pour intégrer plus de pratiques alternatives dans la protection des cultures. Il est composé de recommandations de leviers à mettre en œuvre, définies en concertation avec l’agriculteur », explique Philippe Touchais, directeur innovations et développement de la Ferme pilote du Groupe Carré.

« Indispensable pour renouveler le Certiphyto en 2024 »

Le groupe organise, par exemple, des sessions de formations tous les vendredis en ce début d’année avec deux organismes de conseil agrémentés. L’idée est de « faire de cette contrainte une ouverture. Le panel de solutions phytosanitaires ne va pas aller en augmentant dans les années, autant réfléchir ensemble à des solutions alternatives et combinatoires ». Deux possibilités sont ouvertes pour les agriculteurs : « le réaliser en individuel avec un technicien d’un organisme de conseil qui se déplace sur votre exploitation, effectue un diagnostic d’une demi-journée et vous remet par la suite un plan d’action personnalisé (coût estimatif : 500 €). Ou bien en collectif, lors d’une journée de formation avec d’autres agriculteurs, vous réalisez une partie des étapes. Le CSP est complété par la suite, avec un temps individuel (coût estimatif : 350 €) ».

Dans tous les cas, « vous aurez besoin au préalable d’avoir calculé vos IFT (indice de fréquence de traitement) sur les 3 dernières années, le détail de votre assolement en cours et la liste des principaux produits phytos utilisés sur votre exploitation ».

L’AGPB demande « une adaptation des délais »

« Indicatif, le plan d’actions n’a pas de caractère obligatoire de sa mise en œuvre », rappelle Philippe Touchais. Le CSP est, en revanche, indispensable pour pouvoir renouveler le Certiphyto décideur à compter de janvier 2024. Et selon un sondage publié sur terre-net.fr, seuls 15 % des agriculteurs l’avaient réalisé au 7 février 2023 (2 023 votants). 

Le 11 janvier dernier, Sébastien Windsor, président de l’APCA, alertait alors sur le sujet : « 300 conseillers des chambres d’agriculture ont été formés au CSP, mais on n’a pas les agriculteurs en face. L’Etat n’a pas suffisamment communiqué et on ne pourra pas réaliser l’ensemble de ces CSP dans le temps imparti ». Lors de son point de début d’année, l’AGPB a également demandé une adaptation des délais car « le report sera inévitable », selon Éric Thirouin, son président. « On va dans le mur. Aujourd’hui, on n’a pas la capacité, humainement, de faire passer ces conseils stratégiques, on ne va pas être en adéquation avec la demande. Les agriculteurs vont se réveiller en fin d’année et on ne pourra pas fournir », a-t-il déclaré.

Pour Éric Thirouin, également président de la chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir, certains agriculteurs n’ont d’ailleurs aucune idée du moment auquel ils doivent passer leur CSP. Une liste des agriculteurs concernés avait été demandée au ministère (liste disponible dans les Draaf et à FranceAgriMer), « pour prévenir individuellement ceux qui sont concernés en 2023 », mais cette liste n’a jamais été donnée par le ministère.

À noter  : « Un seul conseil stratégique phyto est nécessaire par structure pour le renouvellement du Certiphyto des exploitations agricoles rattachées. À terme, chaque exploitation devra passer 2 CSP tous les 5 ans (durée de validité d’un Certiphyto). Ils devront être espacées au minimum de 2 ans et au maximum de 3 ans. Seules les exploitations certifiées en agriculture biologique, en conversion ou HVE sont exemptées de CSP.»

« Une contrainte supplémentaire au mille-feuilles administratif »

Céréalier en Charente-Maritime sur 200 ha, Thomas Poinot, a passé son premier CSP la semaine dernière avec la chambre d’agriculture locale, en session collective afin de réduire les coûts. Pour lui, « cette obligation n’a aucun sens et ne représente qu’une contrainte supplémentaire au « mille-feuilles administratif ». […] On veut infantiliser les agriculteurs ! ». 

Le seul point positif pour Thomas Poinot : « les moments de discussion » avec ses collègues. « Mais on n’a pas attendu le CSP pour ça… » L’agriculteur fait notamment partie d’un Geda, et participe ainsi à des tours de plaine avec des voisins, l’occasion d’échanger sur leurs pratiques. Parmi les solutions alternatives évoquées lors du CSP : le désherbage mécanique par exemple, une pratique que Thomas Poinot emploie depuis 4 ans sur son exploitation. 

Il relaie également l’inquiétude de plusieurs agriculteurs présents lors de la formation : « aujourd’hui, le plan d’actions qui découle du calcul des IFT et du diagnostic est seulement indicatif. Mais quand sera-t-il dans quelques années ? » « En zone intermédiaire, avec un rendement de 55 q/ha en blé tendre, on n’a pas le droit à l’erreur ! » 

« Quitte à nous faire payer, ils auraient pu nous faire adhérer à un groupe d’échange entre agriculteurs : cela aurait été plus enrichissant », estime Thomas Poinot.