Accéder au contenu principal
Dans l'Yonne

Vent de fronde contre les méga-poulaillers


AFP le 22/03/2023 à 09:44

« 22 poulets au m2, soit un poulet sur une feuille A4 » : dans l'Yonne, des habitants se dressent contre le groupe Duc, qui veut implanter 80 méga-poulaillers en invoquant la « souveraineté alimentaire » d'une France « submergée » par les importations.

« Ces bêtes ne verront même pas le jour une fois dans leur vie » : comme plus de 40 000 personnes, Michel Pernot a signé la pétition contre « le poulailler industriel » en cours d’implantation à Sergines, un village de 1 300 habitants aux confins de la Bourgogne, dans l’Yonne. Le projet, approuvé par la préfecture, vise l’élevage de 39 600 bêtes sur 1 800 m2, soit « un poulet sur une feuille A4 », selon la pétition.

« Pour nous, c’est un retour en arrière, équivalent à de la malbouffe », s’indigne Edwige Jacquet, une militante RN présidente de « Sergines à contre-vent », l’association à l’origine de la pétition. Ailleurs en France, et notamment en Bretagne, d’autres projets de méga-poulaillers ont rencontré la même opposition, alors que l’interprofession de la volaille évoque une France « submergée » par les importations de volailles à bas prix de Pologne, des Pays-Bas ou du Brésil.

« On nous reproche de produire du poulet standard, mais c’est ce que le marché nous demande », se défend auprès de l’AFP le porteur du projet, Éric Bourdon, un agriculteur du village.

« On a des normes »

Le cultivateur y voit le moyen de pérenniser son exploitation pour la transmettre à son fils. « Évidemment, ce ne sont pas des poulets élevés en plein air, mais on a quand même des normes », assure-t-il.

« Cela bafoue à la fois le bien-être animal et le respect de l’environnement, au nom d’une course à la rentabilité », s’indigne pour sa part Julien Odoul, député RN de la circonscription de Sergines.

Les opposants s’inquiètent en particulier d’un type d’élevage grand consommateur d’eau. « Chaque année, le volume maximal d’eau baisse. Avec un poulailler, je crains qu’on finisse vraiment par manquer », abonde Gérard Michaut, le maire de Michery, commune voisine qui a la même source d’eau que Sergines.

Le projet de Sergines n’est que la pointe de l’iceberg. Dès octobre 2021, Damien Calandre, le directeur de Duc, annonçait dans le journal L’Yonne républicaine le développement de « 80 » méga-poulaillers autour de l’abattoir de Chailley (Yonne), siège social de Duc. Le numéro deux de la volaille en France refuse depuis toute interview.

L’abattoir de Chailley doit de ce fait augmenter de 60 % sa capacité pour la porter à plus d’un million de poulets abattus par semaine. « On développe un modèle vraiment local. Tout est produit de A à Z » à Chailley et autour, se défendait Damien Calandre dans L’Yonne républicaine.

Argument « local »

Un argument « local » qui plaît à André Villiers, député Horizons de la circonscription de l’abattoir. « Nous sommes un département agricole, avec des céréales produites sur le territoire pour nourrir les animaux », argue-t-il. L’élu est donc « favorable » à l’extension de l’abattoir « à condition que l’entreprise effectue les mesures » demandées par la préfecture, dont un meilleur traitement des eaux.

Les opposants ont en effet dénoncé des « non-conformités majeures » qui, selon eux, subsistent depuis une première autorisation d’extension donnée en 2017. Répondant aux accusations d’élevage industriel, Damien Calandre estime que « cela dépend à quoi on se compare », en évoquant les exploitations immenses en Pologne ou au Brésil et en prônant le besoin de retrouver « la souveraineté alimentaire de la France ». « 45 % de la volaille consommée en France est aujourd’hui importée », abonde Arnaud Delestre, président de la chambre d’agriculture de l’Yonne, également favorable à l’extension de l’abattoir.

Les opposants soulignent, eux, que le groupe « français » Duc appartient au néerlandais Plukon, et rappellent les images de maltraitance animale, tournées en 2019, notamment à Chailley, et diffusées par l’association L214. Un recours a été déposé contre l’autorisation de l’extension de l’abattoir, donnée par la préfecture malgré deux avis défavorables de l’Agence régionale de santé et du Conseil de l’environnement et des risques sanitaires. L’opposition a déjà fait capoter un autre projet de méga-poulailler dans l’Yonne, à Neuvy-Sautour, mais l’exploitant a trouvé un autre plan sur une autre commune.