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Viande cellulaire

Une start-up parisienne s’emploie à mettre au point du foie gras de culture


AFP le 21/07/2021 à 10:07

Après les faux burgers de bœuf et les faux nuggets de poulet produits en laboratoire, du foie gras sorti de tubes à essai ? À Paris, une start-up s'emploie à en développer un prototype version artificielle.

Hébergée dans un centre de recherche universitaire, la startup, baptisée Gourmey, travaille depuis deux ans à mettre au point du foie gras en cultivant des cellules de canard en laboratoire. À l’occasion d’une levée de fonds de 10 millions de dollars, elle dévoile ce premier projet français de viande cellulaire.

« Nous voulons montrer que la viande de culture ne se limite pas au burger mais que l’on peut faire aussi des produits gastronomiques », revendique à l’AFP Nicolas Morin-Forest, l’un des trois jeunes fondateurs de Gourmey. De plus « il y a un besoin très fort pour un produit alternatif au foie gras conventionnel, produit controversé qui va devoir se réinventer ».

La chasse au foie gras a été lancée aux Etats-Unis il y a quelques années : sa vente y est interdite en Californie et le sera à partir de 2022 à New York. La startup entend proposer aux restaurants concernés par ces interdictions l’option de son foie gras artificiel.

« Avec plus de 9,5 milliards d’être humains à l’horizon 2050, il va falloir produire beaucoup plus de viande. Les modèles conventionnels, très exigeants en ressources, ne suffiront pas. Il faudra faire feu de tout bois et mettre en place des méthodes de production plus frugales », déclare Nicolas Morin-Forest.

« Comptez sur moi pour qu’en France la viande reste naturelle et jamais artificielle ! »

Après le foie gras, le trio veut développer la viande cellulaire de poulet, de dinde, de canard. Grâce à sa levée de fonds, Gourmey va installer un atelier de production de production en plein Paris pour produire son foie gras de culture. Il va aussi étoffer son équipe, qui compte actuellement une vingtaine de personnes.

Mais quelle est la recette de ce foie gras de labo ? Commencer par prélever des cellules dans un œuf de cane fertilisé. Les installer dans une cuve en aluminium (le « cultivateur ») où elles baignent dans un liquide nutritif maintenu à environ 37 degrés. Les cellules se divisent alors et se multiplient. Les spécialiser ensuite en cellules de foie en ajustant leur nourriture. Et les récolter au bout de deux à trois semaines.

Pour peaufiner la texture, ajouter de la matière grasse végétale. Reste le défi du goût. « Cela a nécessité plus de 600 essais. Plusieurs fois par semaine, nous goûtons des formules différentes. Nous sommes arrivés à une recette assez satisfaisante même si elle n’est pas encore parfaite », déclare Nicolas Morin-Forest. L’équipe travaille aussi avec des chefs.

« Sur le plan du goût et de la texture, nous avons fait 90 % du chemin », estime Victor Sayous, originaire du Sud-Ouest. « À Noël dernier, j’ai servi à ma famille des toasts Gourmey avec des toasts de foie gras conventionnel sans les prévenir. Certains ont été bluffés et n’ont pas perçu la différence ».

« Désormais, notre défi principal c’est l’industrialisation à grande échelle de notre production et la réduction des coûts », relève Antoine Davydoff. Autre point crucial : obtenir des autorités sanitaires l’autorisation de commercialiser ce produit. Jusqu’à présent seule Singapour a donné son feu vert pour des nuggets de poulet produits en laboratoire par une société américaine.

Gourmey va se tourner en priorité vers des pays où il y a « à la fois un besoin évident et un environnement réglementaire plus avancé ». Donc « dans un premier temps vers les Etats-Unis et l’Asie », souligne Nicolas Morin-Forest. Dans l’UE, c’est l’Autorité européenne de sécurité des aliments qui étudiera les dossiers de viande artificielle.

« Comptez sur moi pour qu’en France la viande reste naturelle et jamais artificielle ! », a d’ores et déjà tweeté le ministre français de l’agriculture Julien Denormandie en décembre 2020.

Sur le site theconversation.com, Eric Muraille, biologiste, immunologiste et maître de recherches à l’université libre de Bruxelles, pointe du doigt cette viande « cultivée ». Selon lui, la viande « cultivée » en laboratoire pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Notamment un coût environnemental, sur le long terme, bien plus mauvais que celui de la production de viande naturelle.