Une ration à base denrubannage de méteil totalement autonome pour 150 vaches
Alimentation et fourrages le 20/05/2016 à 07:25
En Loire-Atlantique, la famille Bakker affine son système de polyculture-élevage pour produire du lait à moindre coût et des céréales en semis direct. Elle nachète pas de tourteau pour nourrir ses 150 vaches laitières et mise sur lenrubannage de méteil de protéagineux et de fourrages riches en protéines.
« On est à la recherche d’un système gagnant-gagnant entre l’élevage et les cultures. Une vache laitière pour deux hectares, ça me parait un bon équilibre que ce soit d’un point de vue agronomique, de l’autonomie et de la sécurité fourragère, et financièrement selon les aléas des cours du lait et des céréales », estime Wybe Bakker. A 29 ans, après des études d’ingénieur agricole à Rouen et une première expérience dans la grande distribution aux Pays-Bas, Wybe est venu rejoindre la ferme de ses parents à Grand Auverné, près de Chateaubriant en Loire-Atlantique. En 1995, Sikke et Augustina Bakker ont quitté leur ferme de 30 ha en Hollande pour trouver trois fois plus grand à 1 000 kilomètres de chez eux. Le Gaec de l’Alverne produit aujourd’hui 1,1 million de litres de lait avec 250 animaux, dont 115 vaches à la traite. Il vient d’investir dans un bâtiment pour accueillir les génisses et la nouvelle salle de traite 2×12 postes SAC.
La famille Bakker mise sur une stratégie alliant productivité (9 237 kg lait/VL) et économies de charges avec un coût alimentaire avoisinant les 70 /1 000 litres de moyenne sur l’année. La ration est quasiment en zéro achat à part quelques coproduits (purée de chips) et le traitement du blé autoconsommé au Maxammon. Elle insémine et fait les contrôles laitiers elle-même (avec auditelevage.fr). Le passage au semis direct a permis de limiter les achats de matériels et la fertilisation ne dépasse pas 90 unités d’N/ha sur les blés.
L’exploitation de 275 ha compte de grandes surfaces de légumineuses : 20 ha de luzerne, 30 ha de méteil de protéagineux récolté avant les semis de maïs et 45 ha de fèveroles d’hiver (~35 q/ha) qui a pris progressivement la place des pois fourragers, jugés plus difficiles à cultiver.
Au fil des années, les éleveurs sont partis sur une ration à base d’enrubannage. Aujourd’hui, ils pressent près de 2 000 boules de fourrage par an, dont environ 1 700 sont enrubannées en monoballes (RGI, fétuque, luzerne, méteil, couverts,..). « Nous avons misé sur l’enrubannage plutôt que sur l’ensilage car nous avons des parcelles éloignées et cela nous évite de faire appel à de la main d’uvre extérieure, précise Sikke Bakker. Nous venons de faire 330 boules de méteil sur 60 hectares en répartissant le chantier sur trois jours, de la fauche au pressage. Il n’y a besoin que d’une seule personne et une fois que les bottes sont plastifiées, on peut les laisser dans les champs et venir les chercher plus tard. »
Plutôt que de refaire leurs silos couloirs d’ensilage, les éleveurs ont préféré investir dans du matériel efficace pour l’enrubannage. Ils ont opté pour un châssis enrubanneur de marque autrichienne Göweil (G5040 Kombi) sur lequel est directement montée la presse à balles rondes Lely Welger RP 535, pour un total d’environ 70 000 euros. « Ça forme un combiné très efficace puisqu’on enrubanne pendant l’avancement et ça permet de grouper les bottes deux par deux pour faciliter le ramassage. J’arrive à presser et enrubanner jusqu’à 45 bottes à l’heure quand les andains sont gros. C’est polyvalent, on s’en sert aussi pour le foin ou la paille », fait remarquer Wybe.
Il distribue chaque jour quatre boules d’enrubannage, dont trois dans la mélangeuse double vis Triolet de 24 m3. Pour gagner du temps, les agriculteurs ont aussi acheté la pince Göweil RBS. Elle permet de piquer dans la balle pour la transporter puis une pince coupe la balle en deux tandis que le film plastique et le filet restent accrochés par des crochets. Tout cela sans avoir besoin de descendre du tracteur.
Mais l’enrubannage a aussi ses contraintes. Sikke a calculé que l’ensemble des enrubannages coûte 0,007 /kg MS tout compris, ce qui est assez raisonnable. Habituellement, en passant par un prestataire, il faut plutôt compter 0,011 /kg MS. « D’autre part, la qualité des bottes peut être assez variable selon les coupes et les fauches. Nous devons noter sur un papier à quelle coupe correspond chaque lot de bottes, sinon, on ne s’y retrouve plus. La mélangeuse, c’est la clé du système, j’aurais du mal à m’en passer. Grâce à elle, on peut équilibrer la ration en fonction de la qualité de chaque botte. Nous ne faisons pas d’analyse de fourrage et on ne calcule pas vraiment les rations, car c’est beaucoup trop hétérogène selon chaque fourrage. Par contre, nous passons du temps à observer nos animaux. Pour moi, ça vaut n’importe quel logiciel de nutrition ! Le niveau du tank est un bon indicateur, mais lorsqu’on cherche une ration économe, il faut savoir accepter certaines variations et ne pas chercher à les corriger à coup de concentré d’un jour sur l’autre. »
Les éleveurs cherchent à limiter les achats et parviennent à produire plus de 9 000 kilos de lait sans acheter un kilo de tourteau. L’exploitation autoconsomme tout de même 330 tonnes de blé par an. La céréale est traitée au Maxammon avec de l’urée pour gagner 6 à 7 points de MAT. « Nous en faisons la moitié à la récolte avec un camion lamineur et la mélangeuse. Ça donne un très bon produit, au pH basique, qui permet de bien faire ruminer la vaches et de produire du lait, mais attention au prix ! Il faut bien calculer l’intérêt car le Maxammon est plutôt élevé (17 /t) auquel il faut ajouter l’urée et le camion lamineur (18 /t). Si le prix du blé est bon, il faut mieux le vendre et acheter des coproduits ». L’élevage est à l’affût des bonnes affaires et a ainsi acquis 50 tonnes de purée de chips à 40 /t, stockées dans un silo couloir non bâché. « Auparavant, nous achetions souvent des coproduits, mais les bonnes opportunités deviennent de plus en plus rares dans notre région. Je me fixe pour objectif de ne pas acheter de coproduits à plus de 0,10 /kg MS », précise Sikke.
Avec beaucoup de fourrages riches en protéines dans la ration, l’énergie fait davantage défaut que l’azote, surtout que les maïs 2015 ont été très mauvais à cause de la sécheresse. « Cette année, j’espère pouvoir tout ensiler en maïs épis plutôt qu’en plante entière. Cela me permettrait de densifier la ration des vaches en énergie et de laisser les cannes au sol afin de ramener de la matière organique et de booster la vie du sol », explique le jeune agronome.
En non labour depuis 20 ans, les agriculteurs sont passés au semis direct depuis quelques années avec l’achat d’un semoir de SD à disques Tume (Nova Combi 4000). C’est désormais le seul matériel de travail du sol. Les couverts fourragers prennent toute leur place dans la rotation. Le blé moissonné en août est suivi d’un semis de « petit méteil » à base de trèfle d’Alexandrie et de moha, une graminée africaine qui résiste bien à la sécheresse. « Le moha a bien poussé, mais le trèfle nettement moins ! » Ce couvert de fin d’été a été enrubanné en octobre, suivi d’un semis de méteil enrubanné en mai. Le maïs est semé à suivre, dans le courant du mois de mai. Wybe vient de dégoter une variété de maïs très précoce venue d’Angleterre avec un indice 140 (Zeta 140 S de Forsem) qu’il prévoit de récolter en maïs épis.
L’automne dernier, Wybe a semé 30 hectares de méteil à base de protéagineux (féverole, pois, vesce et un peu d’avoine) en un seul passage au semoir de SD en deux profondeurs : les rangs de féveroles à 5 cm de profondeur et le reste des graines à 3 cm. « sans fertilisation, ni désherbage nous avons fait de beaux méteils ce printemps avec beaucoup de féverole. Néanmoins, le rendement n’était pas exceptionnel : 3,8 tMS/ha.
Le maïs est lui aussi semé en direct, mais en deux passages successifs : le premier passage permet de déposer l’engrais et de faire un premier effet « strip-till », puis le maïs est semé dans le rang au second passage grâce au positionnement GPS. C’est Wybe, le fils, qui s’occupe dorénavant des cultures et il aime faire de nouveaux essais : « Par exemple, j’ai fait du sursemis de moutarde à la volée au distributeur à engrais dans les champs de blé environ un mois avant la moisson. Ça a très bien marché, alors cet été, j’essaierai de faire pareil en semant à la volée des couverts fourragers avec du pois, de la vesce et un peu de moutarde. On verra ce que ça donne. La limite pour cette technique, c’est la petite taille des graines. De manière générale, en semis direct sous couvert, plus les graines sont petites plus c’est difficile de réussir ses semis. C’est pour ça que la féverole fonctionne bien chez nous », explique Wybe. « Dans notre système en semis direct ou l’on cherche à récolter un maximum de fourrages riches en protéines et à limiter l’usage du maïs plante entière, on sait que chaque année est une nouvelle expérience. Il nous reste toujours beaucoup à apprendre mais on avance petit à petit dans la bonne direction, j’en suis convaincu. »