Un Sommet de l’élevage sans vaches ni ministre, dans l’ombre de la dermatose bovine


TNC le 07/10/2025 à 11:33
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Le Sommet de l'élevage de Cournon a ouvert ses portes le 7 octobre, sans bovins pour cause de dermatose nodulaire contagieuse. (© TNC)

Mardi 7 octobre s’est ouvert un Sommet de l’élevage sans bovins. Dix ans après l’annulation des concours en raison de la propagation de la FCO, c’est un cas de dermatose bovine à quelques 130 km de Clermont-Ferrand qui sème le trouble. Mais au-delà du contexte sanitaire, le contexte politique est dans tous les esprits. Les trois principaux syndicats agricoles regrettent de ne pas avoir d’auditoire pour évoquer les questions sanitaires, voire économiques sur le volet des accords de libre-échange

Si la coutume veut que la ministre de l’agriculture inaugure l’évènement réputé pour rassembler pas moins de 2 000 bovins, cette année, ni vaches ni ministre n’étaient au rendez-vous. Entre crise sanitaire et politique, le Sommet de l’élevage 2025 prend une dimension inédite.

Pourtant, dans les allées, la foule se presse. Pour Pascal Lepère, président de la Coordination rurale Couronne parisienne et Île-de-France, « les salons restent un moyen pour les agriculteurs de se rencontrer, l’occasion d’échanger sur le syndicalisme et la politique, et le contexte offre de quoi faire ! »

Sur toutes les lèvres : le contexte sanitaire. La détection d’un foyer de dermatose nodulaire contagieuse dans le Rhône, à 130 km de la Grande Halle d’Auvergne, a eu raison des concours bovins. Une décision que saluent la plupart des syndicats. « On ne peut pas demander d’énormes sacrifices à certains territoires, et rassembler 2 000 bovins à Cournon. D’autant qu’on sait très bien que ce sont des mouvements d’animaux qui sont à l’origine de la dermatose », insiste Alice Courouble, porte-parole de la Confédération paysanne de l’Ain, et également éleveuse au sein de la zone réglementée.

Une tribune pour les revendications syndicales

Le Sommet constitue également une occasion, pour les principales organisations syndicales, de porter leurs doléances. À l’occasion d’une conférence de presse, la FNPL a ouvert le Salon avec le témoignage de Nicolas Arpin, éleveur en Haute-Savoie et touché par les dépeuplements d’élevage. « Le 10 juillet s’est déroulé l’abattage d’un premier lot d’animaux sur la ferme. Le second lot a suivi, quelques semaines plus tard », lance l’éleveur, encore sous le choc.

Une manière pour le syndicat de rappeler le « sacrifice » consenti par certains pour « protéger la ferme France »,renchérit Stéphane Jouandel, vice-président de la FNSEA. « C’est une maladie fourbe, avec un temps d’incubation très long et entre 10 et 45 % de mortalité. Lorsqu’il s’est agi d’abattre le troupeau, nous avons assez vite pensé à nos voisins. On ne peut pas imaginer que la France perde 10 % de son cheptel, sans parler des conséquences de la maladie sur la production laitière », poursuit Nicolas Arpin.

Les espaces réservés aux bovins restent vides cette année. (© Terre-net Média)

Mais pour les syndicats, la réaction des services de l’Etat n’est pas à la hauteur des « sacrifices » acceptés par les éleveurs. Si la ministre de l’agriculture a octroyé une aide de 2 € par vache et par jour pour les bovins coincés en zone réglementée, pour la FNPL comme pour la CR, le compte n’y est pas. « Nous attendons des pouvoirs publics le versement du solde des aides octroyées pour les exploitations touchées par les abattages, mais surtout l’extension de la durée d’indemnisation pour la perte d’exploitation qui se limite en l’état à 3 mois », lance Antonio Da Cruz, éleveur en zone réglementée et membre de la Coordination rurale.

« Si aucun nouveau foyer n’est détecté, les éleveurs pourront repeupler à compter du 22 octobre. Il semble peu probable que les vaches affluent ce jour-là, ce qui veut dire que la plupart des éleveurs auront à encaisser une perte d’exploitation de plus de 3 mois. Mais nous avons eu fin de non-recevoir par le ministère sur ces questions », détaille Yohann Barbe pour la FNPL. La FNSEA milite également pour la prise en compte par l’État du manque à gagner pour les éleveurs ayant des animaux bloqués en zone réglementée, avec par exemple des veaux laitiers vaccinés interdits à l’export.

Le sanitaire n’est pas le seul enjeu pour les filières d’élevage. Dans les allées, les macarons « Non au Mercosur » sont sur de nombreuses vestes et les différents syndicats compte bien se servir de l’évènement comme d’une tribune contre la ratification de ces accords de libre-échange. Mais tous l’admettent : le contexte politique n’aide pas à porter la cause des éleveurs. « Il n’y a pas de ministre au Salon aujourd’hui. Nous ne savons pas ce qu’il en sera les jours suivants, mais le contexte montre l’échec d’une politique de sachants, qui ne prend pas en compte les réalités des gens d’en bas » poursuit l’élu de la Confédération paysanne.

« Depuis le départ d’Attal, nous sommes dans une instabilité permanente, et ça n’est pas bon pour nos filières », constate Yohann Barbe. « Lorsqu’on parle de repeuplement, comme avec Nicolas Arpin, on se pose la question du contexte politique, et la situation actuelle n’aide pas à avoir confiance en l’avenir, alors que l’élevage s’inscrit dans des cycles longs », sans parler de la nécessité de voir émerger des trajectoires sanitaires claires. « Il y a eu les assises du sanitaire il y a quelques mois. Aujourd’hui, avec l’apparition de la dermatose, difficile de voir quel a été l’impact de ces rassemblements », ajoute-t-il.