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Chez F. Normand, éleveur laitier (62)

Un nouveau bâtiment pour passer de 80 à 130 vaches d’ici fin 2023


TNC le 30/12/2022 à 05:02
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François Normand (au centre) est épaulé de Laurent son salarié et Héloïse son apprentie, tous les deux passionnés d'élevage comme lui. (©TNC)

S'agrandir en vaches laitières, est-ce une bonne idée dans le contexte actuel ? François Normand est confiant. L'éleveur du Pas-de-Calais compte investir 600 000 € pour agrandir sa stabulation, monter un roto et produire 500 000 litres de plus.

C’est dans le Pas-de-Calais, à une vingtaine de kilomètres de Boulogne-sur-mer, que François Normand ouvrait récemment les portes de son exploitation à l’occasion des journées de l’élevage et du bâtiment organisées par la chambre d’agriculture. Sa particularité ? Un projet d’agrandissement pour passer de 80 à 130 vaches laitières et produire 1,3 million de litres.

Passionné et confiant en l’avenir du lait

François Normand s’est installé en 2001 sur l’exploitation familiale. Puis il s’est associé avec un tiers en 2007 et ce jusqu’en 2020. Ils se sont séparés en bons termes, car ils n’étaient tout simplement plus en phase l’un avec l’autre. L’associé est reparti avec ses hectares et quelques vaches à engraisser. « Je me suis retrouvé avec 70 vaches seulement pour produire 750 000 litres. En 2021, j’en ai livré 678 000 litres. Je remonte petit à petit les effectifs, mais uniquement par renouvellement. Ça met un peu de temps, mais je préfère ne pas prendre le risque d’acheter des animaux et ramener des maladies dans le troupeau. »

François a déjà commencé les modifications dans l’agencement des logettes (suppression du couloir central et ajout d’une rangée contre le mur du fond) pour passer de 80 à 110 places. (©TNC)

Passionné par son métier, qu’il devrait d’ailleurs prochainement partager avec son fils, il a la volonté de s’agrandir. « Je fais tout ça car mon fils est intéressé par la production. Il devrait s’installer d’ici deux ans. On récupérera alors 350 000 litres, c’est aussi pour ça qu’on augmente les effectifs. »

François Normand se veut positif. Il est surtout très heureux de voir une suite derrière lui. « Je n’ai jamais critiqué mon métier, ni parlé négativement du troupeau. J’aime ce que je fais et je pense que mon fils le ressent. Aujourd’hui ma préoccupation se porte surtout sur le temps passé au travail. » Administrateur au sein de sa laiterie, il reste confiant : « Même si la hausse du prix du lait compense tout juste les charges, je suis persuadé qu’il va se maintenir, et même augmenter en 2023. En tout cas c’est ce que j’espère ! Il faudra encore du lait à l’avenir, on aura besoin de nous… »

Réduire le temps de traite

Le projet d’agrandissement doit répondre à plusieurs objectifs : garantir du confort pour les vaches (et les éleveurs), conserver l’accès au pâturage, et surtout optimiser le temps de traite. Sur ce dernier point, le changement sera radical : François et son salarié Laurent traient au quotidien sur l’ancienne salle de traite 2×6 en épi qui a fait son temps. Pour 80 vaches, ils y passent 2 heures à chaque traite.

« Traire 80 vaches en 2×6 c’est déjà très (trop !) long, mais ça ne sera plus possible avec plus de 100 vaches. On ne va pas passer nos journées à traire », plaisantent François et Laurent. (©TNC)

Le chef d’entreprise, après plusieurs visites, a fait le choix du roto : un Boumatic 28 places en traite intérieure. « Il faut compter 1 heure pour 100 vaches, on devrait être à 1h30 grand maximum à une seule personne. »

Et la question que beaucoup lui posent : pourquoi pas deux robots ? C’était incompatible avec le système de pâturage où les vaches tournent en dynamique sur 25 ha environ à raison de 23 ares/VL au printemps et 30 ares/VL l’été. Et François complète : « J’ai préféré investir dans de la main d’œuvre plutôt que dans la robotique. » Peu adepte de l’informatique, il craignait d’être trop souvent dérangé par les alarmes. « Avec Laurent, on trait un week-end sur deux chacun. Que ce soit lui ou moi, lorsqu’on est de service le dimanche, une fois la traite finie on peut passer du temps en famille, on ne risque pas d’être rappelé. Je n’avais pas du tout envie de partir dans un système robot avec plus d’astreintes. »

Valoriser le bâti existant

Pour augmenter la taille du troupeau, l’éleveur va pousser les murs du bâtiment (ou plus exactement en rajouter un morceau). Mais avant ça, il a déjà fait quelques modifications…

Historiquement, la stabulation comptait 84 places de logettes en face à face avec couloir de paillage au milieu. L’éleveur a fait le choix de supprimer le couloir central pour rapprocher les deux rangées de logettes et ainsi ajouter une rangée supplémentaire contre le mur du fond. Cela lui a permis de gagner une trentaine de places sans rogner sur le confort. Et il y tient : « La paille dans les logettes, c’est très confortable pour les vaches. Je peux y rester car j’en produis assez. Les vaches sont propres (en salle de traite, on les nettoie au papier uniquement et on a supprimé le post trempage). Cela me permet aussi, en paillant fort, de racler un lisier qui se tient pour le stocker dans la fumière en bout de bâtiment. »

François a aussi déjà agrandi les silos pour pouvoir y mettre un peu plus de maïs et de pulpes. (©TNC)

Un second bâtiment à 90 degrés

La stabulation est déjà longue et elle ne peut pas être agrandie en pignon (fumière d’un côté et parcelle du voisin de l’autre). Alors François Normand va y adosser un bâtiment en perpendiculaire pour faire un L.

Le futur agrandissement viendra se positionner sur un espace libre entre la stabulation (à droite sur la photo) et le bâtiment matériel (à gauche). (©TNC)

Le projet, monté avec la chambre d’agriculture, prévoit une construction de 48 m de long sur 18 m de large. Au bout des logettes donc, viendront dans l’ordre :

– une aire d’attente sur caillebotis de 250 m2 équipée d’un chien électrique,

– à côté, des parcs paillés pour isoler les vaches en sortie de traite si nécessaire,

– le roto,

– et dans le fond un espace de stockage de 7 m de long pour de la paille ou du matériel.

Une fosse sera créée sous l’aire d’attente pour gérer le lisier car les deux petites fosses existantes à l’heure actuelle seront insuffisantes. Le seul bémol dans ce projet concerne le nombre de places à l’auge qui risque de diminuer. Mais l’éleveur a la solution : « On va reserrer les cornadis. Actuellement, on a 7 places sur 5 m. On va passer à 8 places pour 5 m. Ce n’est pas gênant tant qu’on ne descend pas sous les 60 cm/VL. Et si besoin, on ajoutera dans l’angle un tapis avec une petite table d’alimentation supplémentaire. »

Le nouveau bâtiment s’implantera au niveau de l’ouverture actuelle. Les 20 logettes manquantes (pour arriver à 130 places) se situeront à la place du stockage de paille actuel dans le fond de la stabulation. (©TNC)

Quant à l’ancienne salle de traite, elle sera transformée en nurserie pour les génisses de 0 à 1 an. « On sera à l’autre bout par rapport au roto mais je comptais de toute façon passer au taxi-lait pour soulager le port de charges tout en restant au lait entier. » Le lieu sera peut-être à rouvrir pour en améliorer la ventilation, l’éleveur ne s’y est pas encore penché.

La parcelle située derrière le futur bâtiment n’appartient pas à l’exploitant mais il espère un jour pouvoir l’acquérir ce qui donnerait encore plus de souplesse aux aménagements futurs. (©CA62)

Un projet à 600 000 €

Les devis sont quasiment tous signés, l’éleveur vise une construction terminée pour fin 2023. Coût du projet : 600 000 € :

– 275 000 € pour l’installation de traite,

– 263 000 € pour l’extension du bâtiment, la fosse à lisier et les caillebotis (bétons de l’aire de couchage et la table d’alimentation réalisés par l’éleveur),

– environ 40 000 € pour un bâtiment supplémentaire de 500 m2 (fermes achetées d’occasion) qui sera situé devant le bâtiment des génisses actuel. L’objectif : stocker de la paille et y loger les génisses (en remplacement du bâtiment existant vieillissant).

Le projet a été calculé sur un prix du lait à 350 €/1000 l, remboursé du 15 ans pour le bâti et 7 ans sur le matériel.

François réfléchit également au photovoltaïque. Il avait monté un dossier il y a quelques années (lorsque le prix de rachat était plus élevé) mais celui-ci avait été retoqué. Là il remet l’idée sur le tapis, en revente totale (plus intéressant qu’en autoconsommation étant en salle de traite classique avec des pics de consommation plus importants qu’en installation robotisée notamment). « C’est encore à l’état de réflexion mais j’y pense de plus en plus », confie-t-il.

La construction viendra s’adosser au bâti existant. (©CA62)