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Accord post-Brexit

Un horizon encore incertain pour les pêcheurs du Guilvinec


AFP le 30/12/2020 à 13:50

« On n'a pas vraiment de visibilité ». Malgré la conclusion in extremis d'un accord sur la pêche dans les eaux britanniques entre Londres et Bruxelles, l'heure n'est pas à la fête sur les quais du Guilvinec, troisième port de pêche français, tant il reste de points à éclaircir.

La plupart des bateaux sont à quai à quelques jours de la fin de l’année après une grosse tempête hivernale qui a précipité les retours dans la petite cité du sud-Finistère. Certains se préparent cependant à reprendre la mer malgré un horizon encore incertain. « On s’apprête à partir, mais on ne sait pas où », assure, très sérieusement, Emmanuel Le Saint, interrogé à bord de son chalutier blanc et bleu amarré non loin de la criée du troisième port de France après Boulogne-sur-Mer et Lorient.

« On ne sait pas trop si on va aller dans les eaux britanniques ou françaises », poursuit le patron pêcheur alors que son équipage procède à l’avitaillement du navire. « C’est flou, c’est complètement flou », note-t-il, les mains enfoncées dans les poches de son jean. Les pêcheurs s’inquiètent notamment de savoir si les autorités britanniques leur accorderont à temps les licences nécessaires à compter du 1er janvier pour se rendre dans leurs eaux.

« Compte tenu de la grande frustration des professionnels anglais, ils (les autorités britanniques) ne vont rien faire pour nous faciliter la vie », prédit Jacques Pichon, directeur de l’armement La Houle, à l’origine, avec dix chalutiers, d’environ 20% de l’activité de la criée du Guilvinec.

« Un saut dans le vide »

« De prime abord, l’accord est moins défavorable que ce qu’on pouvait craindre », résume-t-il, mais « le fait que les Britanniques n’aient pas obtenu tout ce qu’ils voulaient ou que d’autres pêcheurs européens aient payé plus que nous dans l’accord peut avoir des conséquences ». Le Royaume-Uni a officiellement quitté l’UE le 31 janvier 2020, mais l’effet du divorce ne se fera pleinement sentir que le 1er janvier. En matière de pêche, l’accord commercial conclut le 24 décembre prévoit une période de transition jusqu’à l’été 2026 pour renoncer à 25 % des captures européennes et leur renégociation annuelle au terme de cette période.

Cette renégociation « peut être changeante d’une année sur l’autre », note Ludovic Le Lay, patron de l’armement Hent Ar Bugale, dont trois des six bateaux pêchent régulièrement dans les eaux britanniques, s’interrogeant sur « l’impact » de l’accord « à terme ».

« C’est un saut dans le vide quand même parce qu’on perd globalement 25% de la valeur des prises faites dans les eaux de la Grande-Bretagne », regrette Soazig Le Gall-Palmer, à la tête de l’Armement bigouden, qui compte 11 bateaux, reconnaissables à leur coque bleue et casquette orange.

Cette réduction « n’est pas répartie de façon égale entre les espèces et les zones ni entre les nations de l’Union européenne », souligne celle qui préside aussi l’organisation de producteur (OP) Les pêcheurs de Bretagne, qui regroupe 700 navires et 3 000 marins. « D’ici 2026 je serai à la retraite, donc plus concerné », sourit Thierry Monfort, l’un des patrons de l’Armement bigouden, s’interrogeant toutefois sur l’avenir du secteur. « Avec les restrictions de tout, de poissons, d’espèces, on se demande ce que la pêche va devenir, et puis le manque de marins, c’est très inquiétant », note le marin de retour d’une campagne de 15 jours dans les eaux irlandaises.