Transfert d’embryons : « Je ne vends plus de viande, mais de la génétique ! »
TNC le 14/08/2023 à 05:03
En se lançant dans la race limousine, Alain Leclercq s’est placé sur le créneau de la génétique de haut vol. Grâce à la transplantation embryonnaire, il fait prospérer les meilleures souches de son élevage. Une manière de faire progresser rapidement sa génétique, et de proposer des produits intéressants pour la vente.
Il y a 9 ans, Alain Leclercq a troqué ses vaches laitières pour des Limousines. Depuis lors, il travaille la génétique. Son objectif : fournir des vaches bouchères, capables de nourrir copieusement leurs veaux. Et l’éleveur s’est pris au jeu. Aujourd’hui, la vente de reproducteurs est le principal débouché de l’exploitation : « la viande est presque un coproduit », plaisante l’agriculteur du Pas-de-Calais.
Pour ce faire, il mise sur la transplantation embryonnaire. Un choix qu’il explique avec patience et passion. « Quand on est éleveur, on veut des vaches qui fassent un veau par an. Il faut qu’elles vêlent facilement, qu’elles aient du lait, et tant qu’à faire, de bonnes performances bouchères… Et en plus, on leur demande des veaux bien conformés, qui poussent vite, sans être trop gourmands ! » Bref, une équation quasi-impossible à résoudre. Si bien que lorsqu’un animal coche toutes les cases, « on ne voudrait des veaux que de cette vache-là ».
La transplantation embryonnaire, un accélérateur génétique
C’est chose possible avec la transplantation embryonnaire : « pourquoi ne pas avoir en un an, l’ensemble des veaux que pourrait produire une vache sur toute sa carrière ? » interpelle l’agriculteur. D’autant que la pratique permet de multiplier rapidement les meilleures souches pour faire évoluer le niveau génétique du troupeau. Bref, une manière de s’ouvrir des portes sur le marché de la vente de reproducteurs.
La période de reproduction est conduite avec rigueur. Les 65 vaches mises à la reproduction ont 60 jours pour être gestantes. En début de période, 4 à 5 donneuses d’embryons se préparent au transfert. Une période durant laquelle l’éleveur se consacre pleinement au troupeau. « Il faut être aux petits soins pour préparer les donneuses et les receveuses. Éviter le stress, ne pas changer leurs habitudes… » L’objectif est que les deux parties soient au même stade de leur cycle ovarien pour le transfert. Si la transplantation doit une bonne partie de sa réussite à la synchronisation par traitement hormonal, le moindre petit grain de sable peut contribuer à décaler le cycle des bovins, ou faire couler l’embryon. D’autant qu’avec le traitement de super-ovulation, l’éleveur bénéficie de 20 à 30 embryons disponibles pour la pose.
Pour mettre toutes les chances de son côté, l’éleveur pratique également la division d’embryon. Une manière de bénéficier d’un nombre d’embryons conséquent en cas de collecte décevante. La division n’altère pas les chances de réussites de la transplantation. Avec cette technique, on peut obtenir des vrais jumeaux portés par deux mères différentes.
Si les donneuses sont choisies pour leur génétique, les receveuses sont généralement des vaches au moindre potentiel. « L’essentiel est qu’elles n’aient pas de difficultés à féconder et qu’elles nourrissent bien leur veau ». Les autres vaches du troupeau sont conduites en insémination artificielle.
Des échographies pour le contrôle de gestation
30 jours après la pose, l’éleveur effectue une échographie de contrôle. « La transplantation ne fonctionne pas à chaque fois. Pour 10 embryons, j’ai entre 5 et 6 vaches gestantes ». Les vaches vides sont ensuite remises à l’insémination avec le reste du troupeau.
Mais le principal enjeu réside peut-être en la gestation des donneuses d’embryons. « Pour rester sur le troupeau, on leur demande de revenir en chaleur après qu’elles aient produit jusqu’à 10 ovocytes », explique l’agriculteur. En bref, elles ont 60 jours pour donner des embryons, revenir en chaleur et être fécondées. « Il arrive que certaines ne soient pas pleines ». Mais les animaux ne sont pas pour autant perdus. Même vides, leur niveau génétique leur permet de trouver facilement un élevage pour une nouvelle gestation ou un nouveau prélèvement. D’autant que l’éleveur bénéficie déjà d’embryons posés de l’animal.
Mais avec entre 5 et 10 animaux issus d’une même mère chaque année, le transfert d’embryons peut vite aboutir à une uniformisation de la génétique du troupeau. Pour éviter ce travers, Alain Leclercq veille à acheter des animaux de lignées différentes et à ne pas les croiser. « Je fais en sorte d’avoir toujours une génétique nouvelle pour les éleveurs clients ». Ses vaches servent également de support pour les taureaux de centre d’insémination. Une manière de souligner le potentiel génétique du troupeau.