Thomas, éleveur, demande « plus de rémunération pour vivre de sa passion ! »
TNC le 02/11/2021 à 13:25
Thomas Hervagault a repris, il y a presque cinq ans, l'élevage allaitant familial de Salers en Ille-et-Vilaine. S'il s'épanouit dans son métier qui le passionne, il insiste sur la nécessaire revalorisation du prix de la viande payé aux producteurs. Impossible sinon d'en vivre sans le complément de revenu d'un autre atelier, ni d'attirer des jeunes.
Thomas Hervagault a pris la suite de son père le 1er janvier 2017 en élevage bovin allaitant à Pocé-les-Bois, près de Vitré, en Ille-et-Vilaine. L’atelier bovin naisseur-engraisseur compte une centaine de vaches Salers et leur suite (85 mères plus précisément), une race plutôt atypique en Bretagne. 75 % des 75 ha de SAU sont en herbe, les 25 % restants étant cultivés en maïs avec des MAE (mesures agro-environnementales) pour les taurillons.
Une installation plus tardive permet davantage d’ouverture d’esprit et de maturité.
Âgé de 35 ans, le jeune agriculteur ne s’est pas installé tout de suite après ses études. « Je voulais travailler ailleurs avant, voir autre chose, explique-t-il. Vacher pendant une quinzaine d’années au Service de remplacement, Thomas a pu mieux cerner « ce qu’il faut faire et ne pas faire » pour sa future ferme même s’il a principalement été employé dans des exploitations laitières. « Une installation plus tardive permet d’avoir un peu plus de bouteille, davantage d’ouverture d’esprit et de maturité notamment pour pouvoir absorber les chocs, estime-t-il. Le risque sinon serait d’être vite dégoûté du métier d’éleveur. »
« Ne pas s’installer trop tôt »

« Cela laisse aussi la possibilité de démarrer sa vie familiale avant. Déjà parce que c’est difficile de trouver quelqu’un quand on a la tête dans le guidon, comme souvent en début de carrière. C’est également plus facile d’intégrer son conjoint dans le projet quand il est encore en réflexion et que lorsque tout est en place et qu’il n’a plus qu’à suivre », fait remarquer le jeune producteur de vaches allaitantes qui ajoute : « C’est alors plus simple de prendre en compte, à côté du temps de travail au sein de l’élevage, celui à libérer pour la famille et pour soi. »
En outre, l’éleveur de Salers a préféré attendre que son père prenne sa retraite, pour s’installer en individuel plus que pour éviter les conflits de génération. « En Gaec, il faut ramener des parts, ce qui augmente la mise de départ en obligeant à investir dans du cheptel et du foncier. Résultat : au départ de l’associé, la surface et le nombre d’animaux sont trop importants pour tout gérer seul sachant que, financièrement, l’embauche d’un salarié n’est pas toujours possible car elle accroît encore les charges. Moi, sur mon exploitation, j’arrive même à me dégager du temps libre. »
« Des atouts, mais les prix ne sont pas là »
S’installer en bovins viande présente plusieurs atouts selon Thomas Hervagault. Par rapport à la production laitière notamment, les horaires sont plus souples, il n’y a pas la contrainte de la traite, ni les problèmes d’épaules souvent liés. « On a une astreinte régulière certes mais modulable : les travaux peuvent s’effectuer à des heures différentes, on peut en faire plus le matin, moins le soir, et vice versa. Il y a du boulot mais dispatché différemment », détaille-t-il. Par ailleurs, les bêtes sont au maximum au pâturage. « Être dehors pour la surveillance et les soins est très plaisant. L’élevage allaitant est, pour moi, une passion ! », s’exclame-t-il.

La France ne veut plus de viande bovine !
Côté contraintes, outre la surveillance avec 130 vêlages/an (bagage et pesée des veaux, et tout ce qui va autour), le jeune éleveur pointe surtout les investissements à l’installation en production allaitante, dans le troupeau en particulier. « Avec les vaches et leur suite, la ferme compte près de 260 animaux, à 1 000 €/tête en moyenne. » Alors qu’en face, « les prix ne sont pas là et depuis des années ! Plus de 30 ans, qu’ils n’ont pas bougé !! C’est vraiment compliqué… » En parallèle, les charges ne cessent d’augmenter. De toute façon, « la France ne veut plus de viande bovine. L’État ne fait rien, nous oublie complètement… », déplore le jeune installé.
« Il faut une activité complémentaire »
La production allaitante attire peu les jeunes.
Pas étonnant dans ces conditions, selon lui, que la production de bovins viande attire peu les jeunes. « Nous ne sommes vraiment pas nombreux dans le département », appuie-t-il. À moins d’avoir une activité complémentaire : lait, aviculture, etc. Thomas, lui, poursuit la vente directe initiée il y a une trentaine d’années par son père pour compenser la baisse des prix. Le producteur commercialise une dizaine de bête par an, pas plus pour pouvoir absorber la charge de travail. La viande est découpée par une entreprise et revient conditionnée en caissettes.
10 % du chiffre d’affaires sont assurés de cette manière. « Cela permet de mieux valoriser nos produits et de résister aux crises, mais également d’avoir un contact avec le consommateur, de voir du monde », met en avant celui pour qui est essentiel de ne pas s’isoler sur son exploitation, d’autant plus avec la conjoncture difficile. Il fait d’ailleurs partie du groupe viande de Jeunes Agriculteurs d’Ille-et-Vilaine, dont il est l’un des initiateurs. « Je vends en plus quelques animaux en sélection, en particulier aux producteurs qui reprennent une exploitation sans vaches allaitantes et choisissent de mettre en place cet atelier », précise Thomas Hervagault.
Ne pas s’isoler.

« Être accompagné pour sécuriser son projet »
Ses conseils justement à ceux qui veulent sauter le pas : « Ne pas avoir peur de la paperasse. Dans le 3P (plan de professionnalisation personnalisé, c’est-à-dire de formation, faisant partie du parcours à l’installation aidé), il faudrait plus de cours pour apprendre à remplir tous ces documents ! C’est chronophage mais il faut passer par là pour bénéficier des aides », la DJA (dotation jeune agriculteur) entre autres mais pas seulement : soutiens de la Région, du Département… Car « toutes sont bonnes à prendre pour sécuriser son installation en bovin viande. »
En allaitant : il faut être très performant techniquement pour s’en sortir économiquement.
Le jeune installé insiste enfin sur l’importance d’être bien accompagné. « En allaitant, il faut être très performant techniquement pour s’en sortir économiquement. D’où l’intérêt d’un œil extérieur − coopératives, chambres d’agriculture, réseau JA, etc. − pour identifier les marges de progrès auxquelles on ne pense pas forcément. Piocher des informations à droite à gauche et écouter l’expérience des autres : rien de tel pour avancer ! »