Sur la Ferme Adam : 10 000 kg de lait par vache et 12 000 kg de lait par logette
TNC le 25/07/2025 à 05:12
En passant de 200 à 400 vaches laitières, les associés du Gaec Adam visaient les 3 millions de litres de lait dans leur prévisionnel. Quatre ans après, ils sont à 4,5 millions de litres. Une progression qui s’explique par une stratégie de renouvellement particulière et la présence de multipares dans le troupeau.
Sur la Ferme Adam, pas besoin de longs discours pour reconnaître les bonnes laitières. Avec pas moins de 400 vaches à la maison, Étienne a de quoi avoir l’œil bien affûté. Une qualité qu’il mettra au service du Space de Rennes, en tant que juge sur le concours Holstein 2025.
« Pour moi, une bonne vache, c’est une vache qui est capable d’intégrer mon troupeau… comme celui de n’importe quel autre éleveur », lance Étienne Adam. Mais il faut l’avouer, son élevage n’a rien de banal. Installé avec son oncle et son frère sur une stabulation de 200 vaches laitières, les associés se sont laissé tenter par une extension des droits à produire proposée par la coopérative Pâturage Comtois. C’est ainsi qu’un bâtiment de 400 places est sorti de terre en 2021.
Et le projet a dépassé toutes leurs attentes. « Nous avons investi 2,8 millions d’euros dans l’agrandissement, avec un roto, un bâtiment avec 400 places et un séparateur de phases. L’objectif était de passer de 1,7 à 3 millions de litres de lait à la traite. Aujourd’hui, nous sommes à 4,5 millions de litres », détaille l’éleveur.
Si les associés sont parvenus à dépasser le prévisionnel, c’est avant tout grâce à la spécialisation. Avec un parcellaire de 370 ha pour 400 vaches laitières, les éleveurs ont fait le choix de se concentrer sur la partie laitière. « Si je voulais monter en vache, il fallait avoir moins d’élèves sur la ferme », tranche Étienne Adam.
Des vaches en lait pour assurer le renouvellement
Pour le renouvellement du troupeau, il mise essentiellement sur des vaches en lactation. Pour monter en cheptel, l’éleveur a acheté pas moins de 200 vaches en lait. Un investissement qu’il ne regrette pas. « Cela m’a permis d’utiliser mon bâtiment à plein potentiel dès le début, avec des vaches déjà bonnes productrices. »
Chacun le sait, une vache en troisième lactation, avec une mamelle déjà bien formée produit davantage qu’une primipare. « Entre une première lactation à 25 litres, et une quatrième qui tourne à 40 litres, il y a 15 litres d’écart », rappelle l’agriculteur. Un différentiel qui à ses yeux permet d’amortir le coût d’une vache plus âgée. D’autant qu’une fois le troupeau monté, le renouvellement relève surtout de la gestion de trésorerie.
Une vache amortit son coût d’élevage au fil des lactations.
En d’autres termes, Étienne accorde une importance toute particulière à la longévité. Sur le ring comme sur la ferme, l’agriculteur veut des vaches capables de bien vieillir et de faire des belles carrières. « Je suis comme tout le monde, j’aime les vaches rentables. Et c’est au fil des lactations que s’amortit le coût d’élevage ».
Ce fonctionnement permet à l’agriculteur d’avoir un niveau d’étable relativement constant, avec 400 vaches à la traite toute l’année du fait de l’achat d’animaux à l’extérieur. « C’est aussi cela qui me permet d’avoir dans les 12 000 kg de lait par logette, avec des vaches à 10 000 kg », poursuit l’éleveur.
Mais il le sait, le renouvellement avec des vaches en lactation ne sera peut-être pas toujours possible. « J’ai eu de belles opportunités chez des éleveurs qui arrêtaient le lait. Je trouve que c’est une belle manière de valoriser les vaches que de leur faire faire quelques lactations de plus plutôt que de tout envoyer à la viande, mais cela ne durera pas toujours. »
À terme, il envisage de mettre en place la délégation d’élevage de génisses pour sécuriser son renouvellement. L’occasion également pour ce passionné de génétique de remettre son nez dans les programmes d’accouplement en race Holstein et Montbéliarde.
Une ration à 6,30 € par vache et par jour
Si ce fonctionnement a permis à l’éleveur d’améliorer nettement son niveau d’étable, Étienne n’a pas l’œil que sur les vaches. Il regarde avec attention son coût de production. « Ma ration hivernale, pour des vaches à 35 kg de lait, me revient à 6,30 € par vache et par jour. » Au menu, une ration à base d’ensilage d’herbe, de luzerne et de maïs, complémentée par du tourteau de soja et colza, ainsi que par un aliment composé humide (néalia). Une ration qui lui permet de dégager une marge sur coût alimentaire de 10,57 € par vache et par jour.
« On a beau aimer les vaches et la génétique, l’économique, ça reste le nerf de la guerre », martèle l’agriculteur. « J’ai connu la crise laitière de 2009 quand je me suis installé. Travailler toute la semaine pour ne rien gagner, ça m’a vraiment fait réfléchir sur le métier. C’était soit on trouvait une solution pour avoir un modèle viable et dont on peut se tirer de l’argent, soit on arrêtait. »
Pour l’alimentation, l’éleveur mise sur les contrats. Avec 1 200 t d’aliment concentré acheté chaque année sur la ferme, la moindre fluctuation de prix a son importance. « 50 € sur le prix des tourteaux, ça fait de suite une différence de 60 000 € sur mon bilan comptable », rappelle Étienne. « On ne peut pas toujours gagner. En ce moment, les concentrés sont un peu moins chers que les contrats que j’ai passés, mais l’essentiel c’est d’être couvert pour maîtriser son coût de production ».
Un bâtiment confortable sans cornadis
Pour gérer 400 vaches laitières au quotidien, les associés avaient à cœur d’avoir un bâtiment calme. « Si l’on ferme les yeux au milieu de ma stabu, on n’a pas l’impression d’être parmi 400 vaches », aime à dire Étienne. Et pour cause, les logettes creuses sont dispatchées dans un bâtiment dépourvu de cornadis, ce qui limite les bruits dans la structure.
Un autre bâtiment avec des cornadis, accolé à la salle de traite, permet de réaliser les soins. Chaleurs, mammites, problèmes de patte… Une porte de tri, à la sortie du roto, oriente les vaches vers le bâtiment ou la zone de soin. « Cela permet de se concentrer sur les animaux qui en ont besoin. De toute manière, je ne me voyais pas remonter toute la stabulation avec le pareur pour trouver la vache à problème parmi les 400 », sourit l’éleveur.
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Un roto de traite 50 places
Pour la traite, les associés ont opté pour un manège à traire de 50 places. « C’était avant tout un raisonnement économique », confie Étienne. « Nous avons monté le projet avec un prix du lait qui n’était pas celui d’aujourd’hui. Pour être rentable, il nous fallait 320 €/1 000 l. Si je voulais avoir un peu de trésorerie pour acheter des vaches en lait, et surtout garder de la marge de sécurité, il fallait être économe sur le poste traite. » Le calcul a été vite fait. Sur 20 ans, le roto revenait bien moins cher que des robots en y intégrant les frais d’entretien et de maintenance.
Si l’agriculteur assume son choix, il y voit peut-être la limite de son système. « On trait généralement à trois. Une fois que le robot est lancé, c’est un tunnel de deux heures qui débute. C’est assez astreignant », confie Étienne. « On verra si les épaules tiennent aussi longtemps que la machine », ironise-t-il. « Aujourd’hui, avec un contexte de prix du lait différent, je ferais peut-être les choses différemment. Peut-être qu’un jour, on travaillera autrement. »
Prochain rendez-vous au Space de Rennes
Mais ce système exigeant n’a pas entaché l’enthousiasme d’Étienne pour l’élevage. Déjà juge à Paris en 2020 ainsi que sur le National holstein, « il ne me manquait plus que le Space à juger », plaisante l’éleveur, très heureux d’avoir été sélectionné pour l’évènement. « Pour moi, ce sont les trois grands concours français ».
Difficile pour l’instant de savoir qui trouvera grâce à ses yeux. « J’aime les vaches qui peuvent aller partout. Juger une race, c’est prendre en compte tous les systèmes de production ». Mais au-delà du pragmatique, l’amateur de génétique en demande un petit peu plus aux compétitrices. « Un concours, c’est un spectacle, et il faut que la gagnante donne à voir. Il y en a qui vont voir David Guetta en concert, moi je vais voir des concours de vaches », s’amuse l’agriculteur. « Pour moi, on est sur le même niveau. »
Il recherche donc ce qui fera la différence. Un arrière-pis un peu plus large, une belle harmonie au global, un équilibre… Autant de détails qui transforment une vache laitière en animal de concours.