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Race à faible effectif

Sébastien Vétil élève et valorise une vingtaine d’Armoricaines en 100 % herbe


TNC le 28/04/2018 à 06:28
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L'Armoricaine est peu connue en France et a bien failli disparaître. Sébastien Vétil, passionné par la race, élève une vingtaine de ces allaitantes en Bretagne, berceau de cette vache à robe rouge. Conduit en système extensif à l'herbe, son troupeau lui permet de valoriser des veaux sous la mère et des bœufs en circuit court.

C’ est à Guipry-Messac, en Ille-et-Vilaine (35) que Sébastien Vétil élève des vaches armoricaines. Passionné par cette race qui a pourtant failli disparaître dans les années 60, Sébastien tente de faire découvrir ou redécouvrir sa viande aux habitants de sa région. « Au départ, nous avons acheté deux vaches dans le seul but qu’elles consomment les refus des chèvres, explique l’éleveur. Et puis la race m’a bien plu et j’ai décidé de poursuivre. » Associé en Gaec avec sa compagne, il s’occupe d’une vingtaine d’allaitantes (27 mères et une dizaine de bœufs) tandis que sa femme élève près de 80 chèvres angoras et vend la laine dans son magasin à la ferme. L’exploitation comprend une cinquantaine d’hectares dont trois sont consacrés à la production de méteil, deux aux céréales pour les chèvres et le reste au pâturage que se partagent chèvres et Armoricaines.

L’élevage suit le cahier des charges de l’agriculture biologique. Les vaches sont élevées à l’herbe toute l’année. En hiver, les animaux restent sur des parcelles dites « parking » (qui portent plutôt bien) et sont complémentés au foin. Seuls les veaux sevrés (à 7 ou 8 mois) et les génisses de moins de deux ans passent l’hiver en bâtiment. Le méteil enrubanné n’est introduit dans la ration que si les stocks viennent à manquer.

Le troupeau est en monte naturelle : Sébastien échange des taureaux avec d’autres éleveurs d’Armoricaines. Il essaie de grouper les vêlages sur le printemps afin de se caler sur la pousse de l’herbe et réduire l’astreinte. Le taureau est alors laissé de juin à septembre avec les femelles. « Le seul hic, confie Sébastien, c’est que je ne sépare pas les génisses des vaches et il y a un risque qu’une fille soit saillie par son père. Pour éviter ce problème, je fais fouiller toutes les génisses après le passage du taureau et en fait avorter si nécessaire. »

Les veaux sont élevés sous leur mère et une partie est abattue à l’âge de 6 mois pour un poids de 120 kg de carcasse. Les femelles sont toutes gardées pour le renouvellement. « C’est une race qui vieillit bien. Ma plus vieille vache a 17 ans et elle vient encore de vêler ». Les mâles, s’ils ne sont pas abattus en veaux, sont castrés puis conduits à l’herbe pour un abattage vers 3 ans avec un rendement de 400 kg de carcasse. « Le rendement de carcasse est tout aussi performant que pour les races plus classiques », estime l’éleveur.

Concernant les débouchés, Sébastien a pris la direction du circuit court dès ses débuts. Il vend sa viande de veau en caissette sur commande et l’intègre également dans la constitution de paniers en association avec d’autre producteurs bio de son secteur (« Goût d’ici »). La viande de bœuf est quant à elle écoulée dans le magasin de producteurs « Brin d’herbe » à quelques kilomètres de l’exploitation. « Le problème pour moi ce n’est pas de trouver des débouchés mais plutôt de répondre à la demande importante, affirme l’éleveur. C’est d’ailleurs pour cette raison que ça ne me gêne pas du tout d’être associé à d’autres éleveurs dans le cadre du magasin de producteurs ou des paniers. J’estime qu’il ne faut pas être concurrents mais plutôt dans l’entraide. »

En caissette comme au détail, les prix de la viande sont de l’ordre de 14 €/kg pour le bœuf et 14,50 €/kg pour le veau. Cinq veaux et une dizaine de bœufs sont ainsi abattus chaque année. « Je vis correctement de ma production. Les animaux étant à l’herbe, je n’ai que très peu de charges à part un peu de fioul pour mon vieux tracteur qui sert pour le foin, s’amuse l’éleveur. L’an dernier, j’ai eu quatre semaines de congés, se réjouit-il. » En effet, la charge de travail reste plutôt restreinte au vu du système. « En moyenne, j’en suis à 2 h/jour sur l’élevage avec quelques pics durant les foins, considère-t-il. L’astreinte la plus importante se situe plutôt sur la vente qui me prend environ un jour et demi par semaine. »

L’Armoricaine est issue d’un croisement entre une vache bretonne pie rouge et un taureau anglais Durham. Elle était à l’origine élevée en tant que laitière et a progressivement été absorbée et remplacée dans les années 60 par la Pie Rouge des Plaines. Elle aurait bien pu disparaître si des stocks de semence n’avaient pas été conservés par les coopératives d’insémination bretonnes. Aujourd’hui, 16 taureaux sont proposés à l’insémination artificielle. D’après le dernier recensement de l’Institut de l’élevage (2014), il y aurait moins de 200 vaches sur le territoire, d’où son titre de race à faible effectif. « Nous sommes seulement 5 à 6 éleveurs considérés comme professionnels, affirme Sébastien. Les autres sont plutôt des passionnés qui possèdent moins de 10 vaches et ne les élèvent que par amour de la race. »

Élevée à l’origine pour son lait, l’Armoricaine demeure encore aujourd’hui en tant que race mixte. La plupart l’élèvent pour sa viande mais depuis peu, quelques jeunes installés lancent des démarches pour refaire du lait. « Elle ne monte pas au-dessus des 4 500 kg de lait, explique Sébastien, mais son lait est riche, ce qui lui permet de donner de beaux veaux qui poussent vite. »

Les vaches sont très dociles et rustiques et l’herbe en plat unique leur suffit amplement pour s’engraisser. D’ailleurs, l’éleveur prétend ne pas connaître la finition : « La race étant précoce, le persillé est déjà pleinement exprimé à l’âge de 2 ans et demi. On est même parfois obligé de ralentir la voilure sur la consommation d’herbe car les animaux prennent du gras très vite. L’été, je les conduis au fil pour les restreindre. Heureusement que les vaches perdent un peu durant l’hiver ! » Cet aspect peut d’ailleurs poser problème dans la reproduction : « Les chaleurs sont déjà difficiles à détecter mais le risque en prenant du gras est que la vache soit de plus en plus difficile à voir en chaleur ou au pire qu’elle n’en ait plus du tout. C’est d’ailleurs compliqué pour ceux qui sont en IA. » Les femelles arrivent à maturité sexuelle très tôt. Sébastien les fait vêler entre 2 ans et demi et 3 ans mais il affirme qu’elles sont fertiles dès l’âge de 5 mois, même si ce n’est pas conseillé de les inséminer aussi tôt.