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Prolongation de l'aide au carburant marin

Satisfaction « en demi-teinte » des pêcheurs


AFP le 13/10/2023 à 06:50

L'annonce jeudi de la prolongation de l'aide aux pêcheurs de 20 centimes par litre de carburant jusqu'au 4 décembre par le secrétaire d'Etat chargé de la Mer a suscité une satisfaction « en demi-teinte » des professionnels, qui attendent des mesures pour « pérenniser » la filière « au-delà de l'urgence ».

« Nous allons avoir la continuité des aides carburants (…) de 20 centimes (par litre). Nous allons aller jusqu’au 4 décembre », a déclaré Hervé Berville à la presse, à l’issue d’une rencontre avec des pêcheurs au Guilvinec (Finistère). Fin septembre, devant les assises de la pêche à Nice (Alpes-Maritimes), M. Berville avait confirmé la fin de cette aide au 15 octobre, expliquant qu’il n’était pas possible de prolonger ce dispositif hors du « cadre temporaire » européen mis en place en mars 2022 après le début de la guerre en Ukraine.

Les pêcheurs, qui réclamaient une réponse rapide pour faire face à ce qu’ils ont qualifié de « cataclysme » vécu par la filière du fait du coût des carburants, avaient dénoncé un « désengagement de l’Etat » et quitté la salle des assises avant la fin du discours du secrétaire d’Etat.

Le gouvernement a finalement fait machine arrière, en prolongeant l’aide jusqu’à début décembre. « C’est la réponse à l’urgence », a affirmé M. Berville.

Ce dispositif s’inscrit toujours dans « le cadre temporaire » européen, qui court actuellement jusqu’à la fin 2023 pour l’octroi effectif des aides, après transmission de tous les dossiers.

« C’est un petit sursis », a réagi le président du Comité national des pêches, Olivier Le Nezet, à l’issue de la réunion, exprimant une satisfaction « en demi-teinte ». « Il est important d’avoir un peu plus de visibilité », mais « au-delà de l’urgence », il a appelé à trouver une solution pour pérenniser l’ensemble de la filière pêche, rappelant que certaines entreprises ne bénéficiaient plus d’aides depuis des mois.

« Les entreprises qui ont plusieurs navires touchent la même aide que celles qui ont un seul navire », a-t-il rappelé. L’aide carburant est en effet plafonnée à 330 000 euros par entreprise et par an, quel que soit son nombre de navires.

« Douche froide »

M. Berville a souligné que la France continuait de plaider au niveau européen pour la prolongation des aides carburant ainsi que pour le relèvement du plafond.

« Nous avons bon espoir [d’avoir] d’ici la fin octobre-début novembre une réponse favorable de l’Union européenne, qui nous dira que nous pouvons prolonger ces aides carburant au cours de l’année 2024 », a-t-il affirmé.

Le secrétaire d’Etat a aussi annoncé un soutien à « l’aval » de la filière, avec « un plan de soutien aux mareyeurs qui pourra aller jusqu’à 12 millions d’euros » et un « plan de rebond » de 10 millions financé par l’Etat (5 millions), le département et la région (2,5 millions chacun) pour « accompagner les projets » des communes du pays bigouden, où des milliers d’emplois dépendent de la pêche.

Plusieurs pêcheurs se sont dits soulagés par le maintien de cette aide d’urgence, mais jugent dramatique la situation des navires hauturiers, qui consomment davantage de carburant pour rallier la haute mer.

« C’est une douche froide » pour Ludovic Le Lay, patron de l’armement Hent ar Bugaled à Loctudy (Finistère), qui compte quatre chalutiers hauturiers et emploie 20 marins.

« On n’a plus d’aide », et aucune possibilité d’en toucher de nouveau en 2023 faute de relèvement des plafonds, a-t-il déclaré. « Nos marins peuvent perdre jusqu’à 400 à 500 euros par mois », a-t-il ajouté, les salaires des matelots dépendant du montant des ventes une fois les charges déduites.

« Les hauturiers bretons, c’est 83 % des apports (des poissons débarqués) sur la criée. Si les hauturiers disparaissent, nous disparaîtrons à terme », a renchéri Stéphane Pochic, propriétaire de 9 chalutiers côtiers basé à Loctudy.

Ce dernier touche encore des aides, mais tempête contre « le décalage » entre le prix du poisson en criée, où il est acheté aux enchères aux pêcheurs, et « le prix répercuté au consommateur », multiplié par « deux ou trois en un an ».

Au Guilvinec, le prix du gazole de pêche était jeudi à 82 centimes le litre, quand les pêcheurs estiment ne pas pouvoir équilibrer leurs comptes au-delà de 60 à 70 centimes selon les armements.

De son coté, le secrétaire d’Etat a rappelé que le gouvernement allait mobiliser des dispositifs d’aides aux entreprises et travaillait à un vaste plan de transition énergétique pour adapter les navires de pêche, notamment en « verdissant » le carburant marin, avec l’aide de TotalEnergies, sans donner plus de détails sur le calendrier.