Accéder au contenu principal
CNE, Grand Angle lait

Rendre le salariat plus visible dans le secteur de l’élevage, créateur d’emplois


TNC le 24/04/2024 à 09:55
fils-et-filles-agriculteurs-devenant-agriculteurs-480x270-1

Pourcentage d enfants d'agriculteurs (© © TNC)

Parce qu’il représente près de 500 000 ETP, l’élevage est pourvoyeur d’emplois salariés et non-salariés. Le renouvellement des actifs concerne donc les éleveurs mais aussi le salariat, les deux souffrant d’un manque d’attractivité. Pour ce dernier, cela passe notamment par l’amélioration de la formation et des conditions de travail.

« L’élevage ruminant en France compte, en 2020, près de 500 000 ETP (équivalents temps plein) : 256 00 ETP en emplois directs, dans environ 144 000 exploitations, et 244 000 ETP en emplois indirects dans l’amont, l’aval, le développement, la formation… (à 46 % dans la collecte, la transformation et le commerce, suivis de 15 % dans la distribution, 10 % dans le matériel et les bâtiments, etc.) », rappelle la Confédération nationale de l’élevage.

Tels sont les chiffres mis en avant par la CNEdans la 3e fiche intitulée « Vitalité territoriale, l’élevage de ruminants et les emplois » d’une série de 22 consacrées à sa « description objective, chiffrée et argumentée, ainsi qu’à celle des pratiques des éleveurs, des services rendus, etc. », à destination du grand public principalement et relayées sur les réseaux sociaux, Facebook notamment.

Sur 10 ans : – 26,7 % d’ETP en bovins laitiers pour 40 % de taux de renouvellement

« Soit l’équivalent de 37 % des fermes, 43 % des chef (fe) s d’exploitation et 50 % des ETP familiaux (idele, 2023). » Cela peut paraître, de prime abord, encourageant. Or en 10 ans, le nombre d’ETP en emplois directs a diminué de 20 % sur l’ensemble des filières (près de 25 % en nombre d’exploitations contre 9 % pour les structures sans herbivores).

Avec la baisse la plus marquée en vaches laitières (- 26,7 % pour atteindre 112 600 ETP directs et 120 000 indirects) puis, dans une moindre mesure, bovins viande (- 16,5 %, 103 300 ETP directs et 78 000 indirects), qui suit celle du nombre de fermes avec ces ateliers : – 33 % (50 588) et – 19 % (70 629). Le nombre d’installations en élevage, relativement constant, ne suffit pas à compenser les sorties massives du métier d’éleveur ces dernières années, pour la retraite en particulier.

Le taux de remplacement le plus bas, 40 %, s’observe en bovins lait, contre 50 % en viande (en recul chacun de 20 points en 10 ans)et 60 % en grandes cultures (il se maintient autour de cette valeur). Il faut dire que le pourcentage de fils d’agriculteurs, qui le deviennent plus tard, est passé de 32 % en 1977 à 24 % en 2020. Pour les filles, la chute est bien plus forte : de près de 40 % à 6 %. Ces dernières restent minoritaires dans le secteur, une tendance contre laquelle ce dernier tente de lutter.

(© idele)

Mais le salariat progresse

Dans le même temps, le pourcentage de salariés (permanents et occasionnels) est passé de 11,2 à 13, 8 % toutes productions confondues : il est resté stable en allaitant, autour de 11,5 %, maisa augmenté de 4 points en lait, et s’élève à près de 15 %.

Pour autant, « la main-d’œuvre demeure familiale majoritairement : lessalariés ne constituent que 14 % des ETP dans les fermes avec ruminants, contre 47 % dans celles sans animaux. Ces dernières ordonnent par ailleurs 74 % des travaux réalisés par les ETA, Cuma, etc. (idele, 2023) », selon la CNE. Au global, 3,2 % de l’emploi français dépend de l’élevage (Lang et al., 2015).

Des données ambivalentes : « l’élevage est créateur d’emplois » mais souffre « d’une perte d’attractivité ». « La démographie agricole et la réduction de la main-d’œuvre dans les exploitations, liée à des difficultés de recrutement de salarié(e) s, seront des facteurs limitants des volumes de lait et de viande produits d’ici 2030, allant à l’encontre des besoins d’une population qui augmente », alerte la CNE.

Elle pointe « l’impact important sur les emplois indirects », en particulier dans les zones rurales « difficiles » (montagnes, zones défavorisées), « très dépendantes des activités agricoles et agroalimentaires » parce que « la diversité des emplois y est moindre » et « l’élevage indispensable à l’économie locale ».

Renforcer l’attractivité des métiers d’éleveur et de salarié

Le renouvellement des actifs en élevage est donc l’un des grands enjeux de la filière laitière, même si « la vague des départs semble passée », selon l’idele, qui table sur un maintien des installations et donc une progression du taux de remplacement des éleveurs, expliquait l’institut début avril lors de la 11e édition Grand Angle lait.

Il faudrait toutefois davantage de jeunes producteurs qui s’installent, mais aussi de salariés, « l’autre priorité du renouvellement des actifs ». Alors, de même que l’attractivité du métier d’éleveur, celle du salariat en élevage également nécessite d’être renforcée.

Au Grand angle lait, l’idele est donc revenue sur l’étude CapsAgri du RMT travail en élevage menée en 2023, dont il est partenaire. Trois principaux freins ont été identifiés : « le déficit de salariés agricoles sur le marché de l’emploi », « leur formation insuffisante », et « le turn-over important », insiste l’organisme.

Salarié, métier peu visible, même dans le monde agricole.

Le premier étant à mettre en corrélation avec « la faible reconnaissance du métier et le mode de recrutement à professionnaliser ». « Le métier de salarié agricole est méconnu du grand public, à cause de la fracture entre agriculture et société, de l’enseignement général, des acteurs de l’emploi et de la formation, et est même peu visible dans la profession elle-même ».

Pas assez nombreux, ni formés

Le problème de la formation concerne, à la fois, la partie initiale, et donc les personnes non issues du milieu agricole (Nima), « peu accompagnées dans leur montée en compétences et qui se forment souvent sur le tas », mais aussi continue : seuls 5 % en font chaque année en élevage de ruminants.

Quant au turn-over, il découle « des conditions de travail pas toujours au rendez-vous, du peu de perspectives d’évolution professionnelle et d’employeurs formés aux relations humaines ». Un focus sur l’élevage bovin lait a permis de voir que « l’accès au métier » n’était pas perçu comme plus difficile, y compris pour les Nima en reconversion, que de « trouver un bon maître de stage ».

Ils se forment sur le tas, peu accompagnés dans leur montée en compétences.

Les autres difficultés relevées : « le sens de l’observation qu’il faut acquérir », « la quantité d’informations à retenir », « la pénibilité physique de certaines tâches » surtout évoquée par les salariées (50 % de l’échantillon), « le fait d’être une femme et les discriminations ressenties », « l’utilisation du matériel », « les amplitudes horaires, les week-ends d’astreinte, la traite et la variabilité des conditions météo ».

Sans oublier : « le manque de revenu et l’image négative de l’élevage et du salariat en productions animales », ajoute la CNE. « Les éleveurs peinent à recruter des salariés en raison de leur incapacité économique à les rémunérer, de difficultés à trouver le bon candidat, d’un manque de compétences managériales et de la concurrence d’autres secteurs d’activité », complète l’idele, des propos repris dans la fiche de la CNE.

Conditions d’exercice du métier

Quant aux facteurs d’attractivité, ils divergent entre employeurs et salariés : « la bonne entente, la polyvalence du poste, les conditions de travail et le système de production » pour les seconds, « le salaire et les conditions de travail » pour les premiers.

« Le salaire n’arrive qu’en 3e position pour les salariés. Ils aimeraient être mieux payés mais sont conscients des contraintes économiques de leur patron. » De même que ces derniers ont conscience de l’importance des conditions de travail et essaient de les améliorer. Et cela peut être bénéfique pour eux aussi.

Des attentes relationnelles, organisationnelles, matérielles, salariales…

« Les salariés sont des attentes en termes de conditions d’exercice de leur métier : relationnelles (ambiance de travail et écoute), organisationnelles (visibilité des plannings, transmission des consignes, horaires définis, astreinte un week-end sur trois), matérielles pour réduire la pénibilité, salariales (rémunérations revalorisées), sur la diversité des missions », détaille l’idele.

Améliorer les ressources humaines

Cette amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail avec, en parallèle, celle des compétences en ressources humaines des éleveurs devraient attirer des salariés et limiter le turn-over. En effet, « seules 3 % des formations sont ciblées vers l’organisation du travail et la gestion RH. Elles portent plus sur la réglementation du travail que sur le management », confirme l’idele.

Seuls 3 % des formations dans ce domaine.

« En complément du recours aux salariés embauchés directement dans les élevages, la sous-traitance et le salariat partagé (Groupements d’employeurs,Services de remplacement, Cuma, Gieq) se développent fortement et constituent un des leviers pour répondre aux besoins de main-d’œuvre dans les fermes d’élevage », mettent en avant l’idele et la CNE.

Les tiers employeurs mieux structurés et armés.

« Les services proposés par France Travail (ex Pôle Emploi), non spécifiques à l’agriculture, sont méconnus et sous-utilisés par les éleveurs employeurs. Le secteur est très atomisé, avec beaucoup de petites et moyennes exploitations sur l’ensemble du territoire, et l’offre est généralement mieux structurée chez les tiers employeurs. Ils sont mieux armés avec leur écosystème local pour recruter », conclut l’idele.