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Projet Entr'actes

Quel éleveur êtes-vous ?


TNC le 17/04/2024 à 05:14
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Les 4 profils d éleveurs identifiés par l idele (© © TNC)

Un animalier communiquant, commerçant contraint, ou alors entrepreneur flexible, paysan citoyen ? De ces profils d'éleveurs, définis par l'idele, lequel vous correspond le plus ? En dépendent votre perception des enjeux sociétaux actuels et votre capacité/volonté à vous y adapter. De même que leur impact sur vos pratiques et votre représentation du métier.

Le premier axe du projet Entr’actes, piloté par l’idele, a permis de réaliser une typologie des éleveurs, selon leur lien avec la société, étroit ou distant, et de leur posture face au changement, hésitante ou proactive.

4 profils de producteurs ont été identifiés, avec des façons différentes de percevoir leur métier, les défis sociétaux et les évolutions à mener en conséquence dans leur élevage. Des différences s’observent aussi sur des éléments plus personnels, tels que l’âge, le sexe, le milieu d’origine, l’ancienneté dans la profession, le passage par d’autres secteurs d’activité, le système d’exploitation choisi.

(© idele)

Les « animaliers communiquants »

  • Carte d’identité

Date d’installation : + de 10 ans (ferme familiale, pas forcément par choix)

Sexe : + de femmes (apprécient la flexibilité de l’activité et la proximité géographique pour élever les enfants)

Âge :  + 55 ans

Système : conventionnel en collectif

  • Perception du métier d’éleveur

La fibre animale est l’essence même de leur profession. Impensable, pour eux, de ne pas faire d’élevage. Autres priorités : optimiser le temps et les conditions de travail.

  • Réaction face aux enjeux sociétaux

Ce sont « les plus agacés par les exigences des Français, qu’ils croient « orientées par les médias, l’industrie… », et ceux que « le manque de reconnaissance, ainsi que les discours et les actes anti-élevage », atteignent le plus, nous apprend l’étude. « Qu’on leur demande de faire leur métier est, de leur point de vue, incompréhensible, d’autant que le soin à l’animal en est partie intégrante », insiste Elsa Delanoue.

En outre, ils essaient contamment d’améliorer le bien-être animal. Puisqu’ils estiment déjà répondre aux attentes citoyennes, ils ont besoin de montrer leurs pratiques et communiquent énormément, lors de portes ouvertes, via des groupes d’éleveurs ou leur implication locale.

  • Attitude face au changement

Cela les motive depuis toujours, sans volonté particulière de se conformer aux volontés du grand public, parce qu’ils en sont convaincus : « ils font de leur mieux et leur système coche toutes les cases ». Leurs projets concernent le fonctionnement global de l’exploitation, avec un retour en arrière envisageable, mais sont freinés par leur financement.

Les « commerçants contraints »

  • Carte d’identité

Date d’installation : + de 20 ans (ferme familiale, sans que ce soit une vocation, autres expériences professionnelles antérieures)

Sexe : + d’hommes

Système : extensif

  • Perception du métier d’éleveur

La transformation, la vente directe et les contacts avec les consommateurs légitiment leur rôle au sein de la société. « Ils sont fiers d’être maîtres de leur produit et de sa qualité de A à Z, c’est-à-dire de le produire, le transformer et le vendre, et des retours clients obtenus, détaille Elsa Delanoue. Toutefois, ils sont « contraints » par leur temps de travail. Parfois, ils souhaiteraient créer de nouvelles choses, mais n’ont ni le temps ni la disponibilité mentale pour cela. »

« De même, ils regrettent de ne pas pouvoir se libérer un peu à l’extérieur de leur exploitation. Pas question, pour autant, d’arrêter leur activité de diversification puisque c’est elle qui donne du sens à leur travail. » Ils se préoccupent, par ailleurs, des conditions de travail et ont envie de transmettre leur structure, sans réaliser de gros investissements. Ils sont peu impliqués dans les organismes, agricoles ou non.

  • Réaction face aux enjeux sociétaux

Parce qu’ils entretiennent une relation de proximité avec elle, ils sont à l’écoute de la société. Ils déplorent cependant sa méconnaissance de l’agriculture, et trouvent que, « pour financer les transitions qu’ils réclament, les consommateurs devraient prendre leurs responsabilités et payer plus cher les productions agricoles », révèle le projet Entr’actes. Puisque les échanges avec la clientèle leur suffisent, ils ne participent pas à des opérations de communication plus larges

  • Attitude face au changement

Leur système, conforme aux aspirations sociétales d’après eux, leur convient. Toutefois, ils ont conscience que des transformations sont indispensables, personnellement et pour satisfaire leurs concitoyens, mais préfèrent être épaulés pour se lancer. Ils adoptent ponctuellement des pratiques peu contraignantes pour réduire leur empreinte environnementale (diminution des phytos, autonomie alimentaire).

Les « entrepreneurs flexibles »

  • Carte d’indentité

Date d’installation : depuis 10 à 30 ans (ferme familiale, quelques Nima, autres expériences professionnelles auparavant)

Système : spécialisé, conventionnel ou label, en circuits longs

  • Perception du métier d’éleveur

« Ces producteurs ont besoin d’être en mouvement, d’évoluer en permanence », explique la sociologue. Leur passion : « la technicité et l’amélioration continue de leur système et des conditions de travail. » La ferme est, avant tout, un outil de production. Ils adorent l’innovation et testent, au maximum, les nouveautés, quitte à revenir en arrière en l’absence de retombées financières.

Ils sont fortement engagés dans les instances agricoles, dont ils veulent faire bouger les lignes, et ouvrent leurs élevages à leurs collègues pour partager leurs expériences sur ce qu’il est possible de mettre en place, ce qui fonctionne. Ils ne comptent pas leurs heures mais parviennent à avoir une vie de famille.

  • Réaction face aux enjeux sociétaux

Ils y sont très sensibles, même si leurs motivations sont plus personnelles et économiques qu’environnementales, parce qu’ils cherchent de nouveaux marchés. Les essais réalisés sur leur ferme visent, malgré tout, à s’adapter au changement climatique, protéger l’environnement et la santé. Dans l’enquête, ils pointent un déficit de communication de la profession agricole, « pas toujours très ouverte au dialogue, source de la méconnaissance du secteur ».

  • Attitude face au changement

Celui-ci ne leur fait pas peur : « audacieux », ils ont à cœur « d’innover, d’essayer », en vue d’évolutions sur leur exploitation. Ils seraient même capables de « changer de production, voire d’arrêter l’élevage ». À noter : quelques difficultés pour choisir le ou les leviers à actionner. Selon eux, néanmoins, leur système correspond à ce que veut la société.

Les « paysans citoyens »

  • Carte d’identité

Date d’installation : – de 5 ans (beaucoup de Nima et de reconversions professionnelles)

Système : alternatifs (extensif, plein air, bio, vente directe) mais spécialisés

  • Perception du métier d’éleveur

Ce travail l’illustre : « Passionnés par le vivant et la nature, ils aiment l’idée de laisser une trace dans le paysage. » De plus, ils recherchent la qualité de vie, via « l’optimisation de la charge de travail ». Signalons leur présence active dans les organisations agricoles.

  • Réaction face aux enjeux sociétaux

Ces éleveurs considèrent les revendications sociétales légitimes et que leur système y répond, « car ils ont les mêmes et qu’elles sont en accord avec leur représentation du métier », met en avant la chargée de projet. C’est pourquoi ils ont été qualifiés d’ « éleveurs citoyens ». « Acteurs du territoire », avec une approche « one welfare », ils sont très engagés localement dans les collectitivités territoriales, le bénévolat…

Ajoutons qu’ils communiquent via la vente directe et l’ouverture de leur ferme au public. Ils jugent même cela indispensable. « Les Français connaissent mal l’agriculture à cause d’une mauvaise communication », soulignent-ils. « Cessons cette distinction entre l’élevage et la société, les éleveurs en font partie ! », ont exhorté plusieurs d’entre eux durant les entretiens.

  • Attitude face au changement

Ces exploitants entreprennent des mofidications très structurantes, depuis leur installation, par conviction plus que pour les bénéfices économiques. Ils adoptent « la marche en avant  » : des mutations pour demain, sans retourner en arrière.

Similitudes et différences

Concernant la vision de la profession d’éleveur, le projet Entr’actes conclut qu’elle est d’abord centrée sur « la production » pour le premier profil, « la commercialisation » pour le 2e, est plutôt « sociale » pour le 3e et « environnementale » pour le 4e, les conditions de travail étant une préoccupation pour tout le monde.

La communication également via la vente directe (les « commerçants contraints » principalement et pour partie les « paysans citoyens ») ou plus largement (sauf les « commerçants contraints »). Idem pour l’engagement professionnel à part pour les « commerçants contraints ». Pour ces derniers comme les « entrepreneurs flexibles, la charge de travail s’avère particulièrement lourde.

Des profils « production », « commercialisation », « sociaux » et « environnementaux ».

En matière de transformations, tous y sont favorables, les « entrepreneurs flexibles » étant les plus partants et les « animaliers communiquants » un peu moins. La finalité diverge : économique pour les « entrepreneurs flexibles », par fidélité pour une cause (environnementale…) pour les autres.

Les exigences sociétales agacent d’abord, puis sont acceptées.
Ce sont les incertitudes qui transforment l’enjeu en contrainte.

Elsa Delanoue revient sur les demandes de la société : « De prime abord, elles énervent les producteurs qui pensent déjà les respecter mais globalement, ils sont assez réceptifs. Au fur et à mesure des discussions, ils se rendent compte qu’ils sont plutôt d’accord, qu’ils ont eux aussi des attentes similaires et font déjà beaucoup à ce niveau.

Ils savent qu’il y a urgence à atténuer l’impact de leur activité sur l’environnement et qu’ils sont aux premières loges pour cela. Alors c’est plus un enjeu qu’une contrainte. Ce sont les incertitudes qui mettent de la pression, questionnent sur la place, le rôle et le sens du métier d’éleveur, et peuvent générer un sentiment de tristesse, de démotivation, de colère voire de honte. »