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Aviculture

Pour les volaillers français, le salut ne viendra pas de l’élevage en plein air


AFP le 08/10/2020 à 07:20

Pressés par les défenseurs des animaux d'améliorer leurs systèmes de production, les volaillers français n'entendent pas renoncer à l'élevage en bâtiment, mais plutôt le développer pour occuper le terrain face aux produits étrangers, moins chers.

« Le développement va probablement s’orienter vers des productions standards, mais en améliorant les bâtiments », notamment en y introduisant de la lumière naturelle, a déclaré Jean-Michel Schaeffer, président de l’interprofession des volailles de chair (poulets, dindes, canards à rôtir…), l’Anvol, lors d’une conférence de presse mercredi.

Les professionnels entendent les demandes sociétales pour plus de bien-être animal, du plein air, des élevages moins denses… Mais ces exigences ne se traduisent pas forcément au moment de passer à la caisse, regrettent-ils.

« On a essayé d’intégrer les attentes des citoyens, mais il faut d’abord répondre aux consommateurs » attirés par les prix bas, affirme M. Schaeffer, qui préside également la Confédération française de l’aviculture, association spécialisée de la FNSEA.

Eric Cachan, président du syndicat des volailles fermières Synalaf, est d’ailleurs « frustré »: « Les consommateurs ne sont pas tout à fait au rendez-vous » pour ces produits « d’excellence ».

La profession fait face à un « dilemme », résume Anne Richard, directrice de l’Anvol : produire des volailles « qui répondent aux attentes sociétales en restant accessibles ».

D’ici à 2025, la filière s’engage à ce que la moitié des volailles bénéficient de lumière naturelle : 20 % élevées avec un accès à l’extérieur (c’est aujourd’hui le cas pour 18 % des volailles, en additionnant les productions Label rouge et bio) et 30 % élevées dans un poulailler doté de fenêtres et de perchoirs (contre 15 % aujourd’hui). « On aura du mal à aller au-delà des 20 % (d’accès à l’extérieur) d’ici à cinq ans », précise Mme Richard.

« En complément, la filière doit continuer à proposer des volailles d’entrée de gamme en production standard » pour répondre à la demande des industriels, restaurants et cantines, insiste l’Anvol.

« Pas de cocorico »

En 2019, souligne l’Anvol, « près de 45 % des poulets consommés en France provenaient de l’étranger, souvent des importations à bas coûts ». Une proportion qui augmente régulièrement : elle était de seulement 25 % en 2000.

Sur les sept premiers mois de 2020, les importations se sont certes légèrement tassées, « mais on ne va pas crier « cocorico », loin de là », dit Jean-Yves Ménard, président du Comité interprofessionnel du poulet de chair.

Selon la filière, c’est le contrecoup de la crise sanitaire qui a mis à l’arrêt les restaurants et cantines, gros consommateurs de produits importés à bas coût, et causé des soucis logistiques aux concurrents, notamment polonais.

Pour financer ses transformations, « contrer » durablement les importations et augmenter ses parts de marché, l’interprofession chiffre à 600 millions d’euros son besoin annuel d’investissements et « en appelle aux pouvoirs publics pour la soutenir ».

Elle plaide aussi pour que la mention de l’origine des volailles soit systématiquement précisée, y compris quand elles ne sont qu’un ingrédient dans un produit industriel.

La filière met par ailleurs en avant ses progrès (- 55 % d’antibiotiques utilisés entre 2011 et 2019) et une certaine modestie des exploitations françaises, avec en moyenne 40 000 volailles quand « la taille moyenne des exploitations est trois fois plus grande » dans l’Union européenne.

Les poulaillers français sont toutefois parmi les plus denses. Un rapport de la Commission européenne pointait en 2018 que, dans l’Union, 55 % des poulets de chair élevés à la densité maximale de 42 2 (soit une vingtaine d’animaux) se trouvaient en France. La règle générale – à laquelle il est possible de déroger sous conditions – est de ne pas dépasser 33 2.

« Le temps agricole n’est pas celui de la société », avance Gilles Huttepain, vice-président de la Fédération des industries avicoles et un des dirigeants du volailler LDC.

« Depuis dix ans, on a baissé la densité, augmenté la lumière, sans augmenter le prix. Il va nous falloir cinq, dix ans » pour continuer à faire évoluer l’élevage standard.