Moisson en vue : chez Sébastien Bauduin, le triticale-pois remplace le tourteau


TNC le 11/07/2025 à 04:51
SEbastienBauduin

Sébastien Bauduin a débuté sa conversion au bio en 2017, après avoir réalisé des essais sur ses cultures fourragères et céréalières en 2016. (© TNC)

À Tilloy-lez-Marchiennes, Sébastien Bauduin mise sur 44 ha de triticale-pois pour la complémentation de ses bovins. En agriculture biologique, la culture est une manière pour lui d’être totalement autonome en aliment du bétail.

« Souvent un éleveur laitier, ça ensile ou ça fane. Moi, je moissonne aussi ! » plaisante Sébastien Bauduin, agriculteur dans le Nord près de Valenciennes. « Ça me permet d’être totalement autonome ». Avec 44 ha de triticale-pois, la moisson est un temps fort qui permet d’assurer la complémentation de ses 70 vaches laitières, ses 45 vaches allaitantes ainsi que l’engraissement de quelques porcs gras.

L’association triticale-pois a été testée pour la première fois sur la ferme en 2016. « J’allais me lancer en bio, mais avant de sauter le pas, je voulais être sûr d’avoir une solution pour remplacer les tourteaux », poursuit Sébastien. Les 10 ha semés lui ont donné satisfaction. « C’était un peu compliqué la première année, mais nous avons quand même fait 50 quintaux. C’était bon, j’avais la culture qu’il me fallait ».

Si Sébastien a un temps hésité avec l’orge, il lui préfère son cousin rustique. « Le triticale fait de meilleurs rendements avec de faibles apports d’azote ». La tige est haute, elle donne beaucoup de paille. L’épi est éloigné de 20 cm des dernières feuilles ce qui le préserve des maladies : un combo gagnant pour la bio.

L’association avec le pois apporte de l’azote au triticale et offre un mélange relativement équilibré aux bovins.

225 kg de triticale et 25 kg de pois par hectare

Sur le plan pratique, l’agriculteur sème le mélange pois-triticale autour de la mi-novembre. « Je ne l’implante jamais avant la Toussaint pour gérer les problèmes de vulpin sur céréales. C’est tardif, mais ça ne pose pas problème, il résiste bien à l’humidité ».

Il mise sur 225 kg de triticale et 25 kg de pois fourrager par hectare. « Selon les années, il y a plus ou moins de pois, mais je trouve que ces proportions sont intéressantes. Le triticale fait tuteur pour le pois. Si l’on en mettait plus, il aurait tendance à coucher la céréale, et ça serait plus difficile à battre, voire vecteur de maladies ».

Une implantation au semoir à céréales

Le mélange est réalisé à mains nues dans la trémie du semoir. « Comme je suis en bio, les semences ne sont pas traitées. Si on veut, on peut aussi tenter le mélange à la bétonnière », propose Sébastien.

Pour l’implantation, un simple semoir à céréales fait l’affaire. « Il faut juste faire attention à ouvrir suffisamment les cannelures pour que les pois passent aussi. La trémie n’est pas pressurisée, le semis n’est peut-être pas parfaitement homogène entre le triticale et le pois, mais au global dans la parcelle, le rendu me satisfait ».

Le mélange est généralement implanté derrière une prairie temporaire (ray-grass trèfle violet), ou derrière un maïs. « Je n’apporte pas d’azote, donc on voit la différence entre les deux. Celui derrière prairie est souvent plus beau. Celui qui a de l’azote peut lui donner un petit coup de fouet, ça boostera sûrement le rendement ».

Un désherbage mécanique à la houe rotative est effectué au printemps, sur sol ressuyé.

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Bien régler sa moissonneuse-batteuse

La culture est moissonnée à l’été, une bonne semaine après les blés. « Quand mes voisins démarrent, je sais que je pourrai faire le triticale cinq jours après ». La céréale est un peu plus difficile à battre que le froment et demande d’être récoltée bien mûre. « Les grains sont vraiment bien accrochés à l’épi. C’est intéressant, parce que ça permet aux pois de finir de mûrir sans que l’on perde en potentiel, mais ça demande de bien régler la batteuse », explique l’éleveur.

Pour ce faire, il conseille de « bien serrer le contre-batteur pour bien égrainer ». Attention également à l’ouverture des grilles pour que le pois remonte bien dans la trémie : « on bat avec des grilles assez ouvertes, on a peut-être plus d’ôtons dans la trémie mais on reste sur des céréales pour l’alimentation animale ».

L’association est sensible à l’humidité. « Dès que le soleil part, c’est plus dur à battre », constate Sébastien. Le grain reste dans l’épi, et la tige des pois est moins cassante. Car le pois reste difficile à battre. « Si c’est possible, je trouve intéressant de mettre une scie à colza sur la coupe, ça permet de faire rentrer le pois de manière homogène dans la machine. Ça évite les paquets ».

Je fais dans les 50 quintaux de moyenne

Côté rendement, l’agriculteur estime avoir en moyenne 5 tonnes hectare de mélange. « On a déjà talonné les 60 quintaux les bonnes années. On fait du 40 lorsque c’est moins bon. Ce n’est ni exceptionnel, ni catastrophique, et c’est même très bien pour du bio ».

La paille est également au rendez-vous. « On est sur des grosses tiges, qui résistent bien à la verse et qui ont une bonne capacité d’absorption en bâtiment », poursuit l’agriculteur. « On fait entre 15 et 20 balles/hectare, j’étais plus à 10-15 en blé. Lorsque mes voisins voient ça, il y en a qui se mettent au triticale ! »

Côté machine, Sébastien mise sur d’anciens modèles. « J’ai une petite Deutz qui ne paye pas de mine, mais elle ne casse pas trop la paille, et elle me permet de faire les réglages que je veux ».

Viser les 17°C en tas pour la conservation

Attention toutefois à la conservation. En agriculture biologique, Sébastien ne peut compter que sur la ventilation pour éviter les charançons. « Je stocke à plat avec trois gaines et un ventilateur ». Dès que le temps se rafraîchit, il en profite pour ventiler son tas. « L’objectif, c’est de passer en dessous des 17°C pour stopper le développement des insectes ».

L’aliment est distribué aplati grâce au Moulin Mobile, une entreprise qui vient tous les deux mois sur la ferme : « je passe dans les 12 tonnes à chaque fois et je les stocke en silo ». L’aliment est ensuite distribué au robot pour les vaches laitières, et à l’auge pour les vaches allaitantes.

Le mélange triticale-pois constitue le seul concentré distribué sur la ferme, en complément d’affouragement vert l’été, et d’ensilage d’herbe et de maïs l’hiver. Un mélange qui permet de tenir des vaches en agriculture biologique à 5 000 ou 5 500 kg de lait. Côté coût, « mon conseiller estime que cela me revient à environ 300 € la tonne de triticale-pois ».