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Aides Covid

L’ONG Bloom signale des fraudes de pêcheurs néerlandais au parquet européen


AFP le 28/06/2022 à 10:34

L'ONG environnementale Bloom a transmis « un signalement » au parquet européen pour dénoncer des « fraudes massives aux subventions publiques » au bénéfice de pêcheurs industriels néerlandais censés être restés à quai pendant la crise du Covid-19, ce qu'a démenti lundi le gouvernement des Pays-Bas.

« Plus de 95 % des navires néerlandais ayant reçu une subvention Covid ont triché à divers degrés et ont indûment perçu 5,8 millions d’euros entre le 15 mai 2020 et le 3 décembre 2020 », affirme l’association, qui a enquêté avec le site d’informations Mediapart. Elle n’accuse pas l’ensemble des bateaux d’être allés pêcher en mer, mais dans de nombreux cas d’avoir éteint un système de géolocalisation censé rester allumé. Bloom demande « l’ouverture d’une enquête judiciaire » par le parquet européen, chargé de lutter contre les fraudes financières au sein de l’UE, auquel elle a transmis les résultats de ses investigations.

Sollicité par l’AFP, le parquet dit ne jamais commenter ou confirmer les informations qu’il reçoit de la part de tiers comme les ONG. « Mais je peux vous garantir que toute information reçue est traitée avec attention, et nous faisons du suivi sur chaque renseignement », assure une porte-parole. « Nous n’avons aucune raison de supposer qu’une fraude à grande échelle ait eu lieu », a réagi de son côté le ministère de l’agriculture néerlandais, qui dénonce « un certain nombre de faits incorrects ». Il estime que l’ONG ne s’est pas appuyée sur les bonnes données pour ses calculs, et reconnaît que les chiffres initialement publiés sur les subventions avaient « des données incorrectes, qui ont été rectifiées mais qui peuvent avoir été à l’origine de ces hypothèses inexactes ».

Point de départ de ce dossier, « des pêcheurs français nous ont alertés sur le fait que des pêcheurs néerlandais bénéficiaient d’arrêts temporaires alors qu’ils les voyaient en mer », a expliqué à l’AFP Frédéric Le Manach, directeur scientifique de Bloom. Plusieurs pays européens ont accordé des aides à leurs filières pour permettre aux pêcheurs restés à quai de supporter le choc économique de la crise.

Aux Pays-Bas, le gouvernement a « fermé les yeux sur les fraudes commises », dénonce Bloom, qui juge La Haye « complice ». Parmi 254 navires étudiés sur 269 ayant reçu une subvention Covid, seuls 12 navires ont « dûment perçu ces subventions » : ils ont laissé leur système de géolocalisation opérationnel à tout moment et ont respecté la règle de sept jours consécutifs d’arrêt, selon l’association.

Géolocalisation et données de criées

Afin de justifier leurs demandes de dédommagement, les pêcheurs devaient pouvoir prouver leurs périodes d’arrêts temporaires de sept jours consécutifs. Pour cela, ils avaient pour obligation réglementaire d’avoir leur système de surveillance par satellite (VMS) allumé pendant toute la période couverte. Les données VMS n’étant pas publiques, Bloom a utilisé un autre système de surveillance, le système de géolocalisation automatique (AIS, pour Automatic Identification System) – qui, lui aussi, doit être opérationnel à tout moment d’après le règlement de contrôle européen.

L’AIS n’étant obligatoire que pour les navires de plus de 15 mètres, l’ONG a pu suivre au total 254 bateaux, via la plateforme gratuite Global Fishing Watch. Elle a recoupé leurs numéros d’immatriculation communautaire avec le registre de la flotte de l’UE, afin d’accéder à leurs caractéristiques (taille du navire, puissance motrice, engin de pêche). Bloom a ensuite analysé les données AIS de ces bateaux, montrant que de nombreux avaient éteint leur AIS, ainsi que des « données de criées transmises par un lanceur d’alerte (…) montrant que certains navires avaient débarqué du poisson » pendant la période étudiée.

L’ONG demande le remboursement des aides pour l’ensemble des navires n’ayant « pas respecté le cadre de la loi en éteignant leur AIS ». « Toutes les subventions Covid accordées font l’objet d’un contrôle de légalité », lui oppose le ministère néerlandais de l’agriculture. « S’il s’avère que les conditions ne sont pas remplies, des mesures seront prises. Pour l’instant, il n’y aucune raison de le faire ». « Depuis des années, le gouvernement néerlandais sert les intérêts de la pêche industrielle. Nous avons déjà bataillé pour obtenir l’interdiction de la pêche électrique (confirmée en 2021 par la justice européenne, NDLR), pratiquée aux Pays-Bas à titre expérimental et dévastatrice pour les mers », a déclaré Claire Nouvian, présidente de Bloom.