L’image biaisée des citadins sur la ruralité, un enjeu de plus pour l’agriculture
TNC le 08/07/2025 à 15:32
L’image d’Épinal des campagnes françaises, de leurs villages autour du clocher, au milieu de champs où pâturent vaches et moutons, reste ancrée dans l’imaginaire des citadins. Si près de deux tiers s’y rendent pourtant régulièrement, ce décalage entre leur perception et la réalité peut provoquer des conflits d’usage, notamment pour les agriculteurs dont l’environnement doit rester un espace de production.
Aujourd’hui, 40 % de la population française vit dans des villes de plus de 100 000 habitants, sans pour autant couper les liens avec la ruralité : 68 % de ces urbains se rendent ainsi à la campagne au moins une fois par an, indique une étude présentée le 8 juillet par Jérôme Fourquet, directeur du service Opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop, lors de la conférence de presse de lancement du nouveau cercle de réflexion « Nos Campagnes ».
Si 39 % de ceux qui se rendent à la campagne le font d’abord pour voir la famille, 29 % s’y déplacent surtout pour « profiter de la nature », notamment randonner. Pour autant, des points de méconnaissance persistent, par exemple sur la question de la propriété. Ainsi, pour 38 % des citadins interrogés, les pouvoirs publics détiennent la majorité de l’espace naturel et forestier qu’ils traversent lorsqu’ils sont à la campagne, alors que la propriété privée reste largement majoritaire sur le territoire.

56 % des sondés estiment d’ailleurs que « la nature est à tout le monde ». Or, « la campagne est d’abord un espace de production agricole », rappelle Christiane Lambert, agricultrice et ancienne présidente de la FNSEA, membre du cercle de réflexion. « 56 % de la surface française est cultivée », ajoute-t-elle.
Ce décalage entre perception et réalité amplifie logiquement les conflits d’usage, avec les randonneurs par exemple, et peut cristalliser les tensions. « On a quand même dû légiférer sur les bruits et les odeurs à la campagne ! », rappelle d’ailleurs Christiane Lambert. Il faut dire que, d’après l’enquête Ifop, ce que recherchent en priorité les citadins qui se rendent à la campagne, c’est le calme, pour 41 % d’entre eux, bien avant la proximité avec la nature ou les animaux (22 %).
Côté agriculteurs, un dialogue de plus en plus nécessaire
Pourtant, les urbains sont loin d’oublier la présence des agriculteurs dans les campagnes, puisque pour 41 % des sondés, le tissu économique y est composé en premier lieu par des exploitants agricoles et des forestiers. Or aujourd’hui, les producteurs représentent, dans certains territoires ruraux, moins de 10 % de la population active, indique Jérôme Fourquet.
Néanmoins, leur vision de l’agriculture est souvent biaisée, ce qui renforce le besoin de dialogue et d’explication, ajoute Christiane Lambert. « Dans beaucoup de régions, les agriculteurs apprécient de voir arriver des vacanciers, des touristes, car c’est l’occasion d’un dialogue », explique-t-elle, tout en ajoutant que le travail pour déconstruire les idées reçues est fastidieux.
Sans compter que ce dialogue s’avère aujourd’hui nécessaire avec les citadins, mais également les ruraux qui, majoritairement, ne connaissent plus le monde agricole, et s’avèrent réticents face aux nouveaux projets. « Les Français veulent des produits locaux, mais pas de la porcherie d’à-côté », déplore ainsi Christiane Lambert.
Afin de faciliter le dialogue et de montrer une image plus réaliste de la ruralité, avec ses enjeux et ses besoins, le cercle de réflexion et d’action « Nos Campagnes » entend « poser un regard positif sur la diversité de nos campagnes et nos remarquables capacités à nous adapter à un monde qui change ». Il rassemble des personnalités engagées dans la défense du monde rural.