Accéder au contenu principal
Négociations commerciales

Les éleveurs laitiers craignent un écrémage des prix


AFP le 09/10/2020 à 10:05
fiches_Verre_de_lait

« Il faut l'application de la loi, point ! » Les éleveurs laitiers s'échauffent à l'aube des négociations commerciales annuelles entre les grandes surfaces et leurs fournisseurs, redoutant de faire les frais de la course aux prix bas.

Ils refusent que les revalorisations obtenues l’an passé soient effacées à l’issue de ces négociations qui vont se tenir jusqu’à fin février, et établiront les prix des produits mis en rayon en 2021. « On attend de façon très ferme les négociations », a prévenu lors d’une conférence de presse Marie-Thérèse Bonneau, vice-présidente de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), association spécialisée de la FNSEA. Le secrétaire général du syndicat, Daniel Perrin, est allé plus loin en laissant planer la menace de manifestations. « S’il faut déconfiner les épandeurs à fumier pour se faire entendre, nous le ferons », a-t-il lancé. Il visait plus particulièrement les coopératives, qui collectent plus de la moitié du lait en France et n’ont selon lui pas joué le jeu de la loi Alimentation, votée il y a deux ans et imposant que les prix tiennent compte des coûts de production.

Le Cniel, l’interprofession laitière qui rassemble producteurs, transformateurs et distributeurs, a estimé que les éleveurs devaient pouvoir se verser l’équivalent de deux Smics mensuels pour vivre correctement de leur métier. « Ce n’est pas un plafond, mais un plancher », fulmine Daniel Perrin. « Il faut l’application de la loi, point ! » peste l’éleveur de Meurthe-et-Moselle.

À lire aussi : Au Cniel, les éleveurs laitiers espèrent un « monde d’après » plus rémunérateur

La FNPL a posé un « ultimatum » au 15 octobre aux coopératives, à charge pour elles de montrer qu’elles respectent la législation. « On n’a pas attendu l’ultimatum de la FNPL pour se mettre en conformité », rétorque auprès de l’AFP Pascal Lebrun, secrétaire général de Coop de France métiers du lait, qui réunit les coopératives laitières.

Évoquant un « faux procès », il concède que les coopératives ont eu jusqu’ici « plus de difficultés » à obtenir des revalorisations, du fait de leur importante implication dans la fourniture de produits vendus sous leur propre marque par la grande distribution (MDD) « qui ont moins bénéficié des hausses que les marques nationales ». « On va repartir au combat » lors des négociations annuelles, promet Pascal Lebrun, également président Agrial, la plus grosse coopérative agricole française.

Retrouvez aussi : Conjoncture laitière – La production laitière augmente mais les marchés restent incertains

« Naïvement »

La loi Alimentation visait notamment à sortir d’un effet domino : la guerre des prix entre les acteurs de la distribution les pousse à réclamer des tarifs toujours plus bas auprès de leurs fournisseurs de l’industrie agroalimentaire, qui eux-mêmes achètent à leur tour le moins cher possible la matière première agricole. Y figuraient deux dispositions phares mises en place début 2019 pour une expérimentation de deux ans : l’encadrement des promotions et le relèvement du seuil de revente à perte (SRP), imposant qu’un produit alimentaire soit revendu au moins 10 % plus cher que le prix auquel il a été acheté.

« On a cru naïvement que le relèvement du SRP allait atténuer la rudesse des négociations commerciales », remarque Jean-Michel Yvard, président d’une organisation de producteurs livrant le géant Lactalis dans le Grand Ouest (OPLGO). « Les industriels font pression sur les prix, à nous de savoir nous défendre et nous organiser », poursuit l’éleveur mayennais. L’OPLGO est membre de France OP lait, une association fédérant 20 organisations de producteurs qui entendent pouvoir piloter les volumes de lait mis sur le marché afin de peser sur les prix. 

Selon l’enquête mensuelle de l’organisme FranceAgriMer, le prix standard du lait de vache conventionnel était au mois de juillet 2020 de 326 euros les mille litres, soit 14 euros de moins qu’un an plus tôt. Se posant depuis plusieurs années comme un défenseur des producteurs agricoles français, Lidl France avait défendu, dans le cadre des discussions sur la loi alimentation, le principe d’un prix minimum garanti à l’éleveur. « Je vous garantis que si on augmente de 2 centimes le litre de lait, on n’en vendra pas un litre de moins », soutient auprès de l’AFP son directeur exécutif achats et marketing, Michel Biero.