Accéder au contenu principal
Reportage

L’engrais organique d’OvinAlp, des moutons alpins aux pieds des vignes


AFP le 27/02/2023 à 08:20

« Cela fait des millénaires qu'on connaît la recette, nous l'avons industrialisée » : au pied des Alpes du Sud, l'entreprise OvinAlp a développé un engrais organique à base de déjections de moutons locaux et à destination des plus grands vignobles français.

« Comprendre le sol et lui rendre sa fertilité » : c’est l’ambition d’Eric Giovale, à la tête de cette entreprise familiale fondée en 1988, sur les traces d’un grand-père agriculteur et d’un père qui livrait foins et fumier. « On ne remplacera pas les engrais minéraux mais on peut les faire diminuer », estime-t-il.

Le principe actif « OV », élaboré dans son usine et continuellement enrichi dans ses laboratoires, « permettra de produire plus, avec moins d’impact environnemental », espère-t-il, expliquant que l’engrais organique, renouvelable, augmente la quantité d’humus stable du sol et la capacité à séquestrer du carbone.

OvinAlp produit 55 000 tonnes d’engrais par an, soit 10 % du marché français des fertilisants organiques et organo-minéraux, à destination d’arboriculteurs et de viticulteurs de la région mais aussi d’Italie, d’Espagne, de Suisse, de Grande-Bretagne et bientôt du Vietnam et du Brésil.

Eric Giovale vante une réussite intimement liée à « l’identité géographique » de ses produits.

Tout commence dans les quatre estomacs des brebis des Alpes, « capables de digérer toutes les protéines que l’on trouve dans la nature » et de « restituer les qualités nutritives au produit ».

Pour le comprendre, il faut aller dans une bergerie des hauteurs de Sisteron : Guillaume Garcin y élève ses brebis sous « Label Rouge et IGP « Agneaux de Sisteron » ».

L’été, ses bêtes transhument vers les montagnes, l’hiver, elles retrouvent les pâtures de la vallée de la Durance et la bergerie, comme ce matin froid de janvier.

« Produit vivant »

Le migon (déjections des brebis) et la paille de la bergerie « forment un mille-feuille de ferments lactiques et de structures ligneuses et cellulogènes qui vont permettre aux micro-organismes de continuer à se nourrir », explique Eric Giovale.

OvinAlp a un contrat de collecte avec une soixantaine d’éleveurs de la région. Ce fumier frais est transporté à l’usine voisine et mûrira pendant près de douze mois.

Sur une plateforme en plein air, d’énormes tas de différentes teintes sont alignés. Les plus récents, marron clair, sont régulièrement retournés à la pelleteuse pour « favoriser l’oxygénation ». La nature réalise seule la fermentation nécessaire, avec un œur de « meule » à 70°C.

Dans une deuxième phase, le fumier est tassé pour éviter la combustion et préserver un microbiote « robuste, parce qu’il a été élevé dehors, au rythme des saisons », souligne Eric Giovale.

Ces tas devenus brun sont broyés en fin de cycle et rejoignent l’usine. De savants mélanges y sont faits, avec des ajouts de pulpes de raisin et d’olive pour le produit phare de l’entreprise, le MV100, 100 % organique.

Le bouchonnage – transformation en petits cylindres adaptés aux épandeurs – se fait à froid « pour préserver les qualités d’un produit vivant ».

Pour « comprendre » son propre principe actif, OvinAlp a développé des partenariats, notamment avec le Muséum national d’Histoire naturelle.

« On a découvert 230 espèces de bactéries et 370 espèces de champignons : c’est énorme » – 10 à 20 fois plus de micro-organismes bénéfiques que dans les lisiers de poules -, souligne le directeur de la recherche d’OvinAlp, Vincent Walker, docteur en écologie microbienne et végétale, qui focalise ses travaux sur « une bactérie biostimulante ».

« Plus on avance, plus on est convaincus qu’on va pouvoir diminuer l’apport en azote et en potasse, ou rendre leur assimilation plus efficace, ce qui permettra à terme d’utiliser nos produits en grandes cultures », explique Eric Giovale.

Pour l’heure, le MV100 fertilise les vignobles de maisons prestigieuses de champagne et les vergers régionaux.

Hugo Roman a choisi exclusivement cette formule pour relancer une partie de sa pommeraie, à Ribiers. « L’engrais organique est un peu plus cher, mais à long terme, j’y gagne », dit-il. Contrairement à l’azote minéral, qui fonctionne comme un apport de sucres rapides, l’organique « délivre peu à peu » ses doses fertilisantes et enrichit le sol, mieux aéré et plus susceptible de retenir de l’eau.

La flambée des prix des engrais minéraux joue cette année en faveur d’OvinAlp. Son MV100 se vend 530 euros la tonne, contre une solution azotée montée à plus 800 euros en mars.