Accéder au contenu principal
Autoconsommation solaire

Le Gaec de Wittelsheim produit et consomme sa propre électricité photovoltaïque


Élevages bovins lait et viande le 08/01/2016 à 07:25
i-5543

En Alsace, le Gaec de Wittelsheim vient d’opter pour l’autoconsommation électrique. Cette exploitation de 200 vaches laitières a installé 90 m2 de panneaux solaires photovoltaïques, répartis d'un côté à l'est pour la traite du matin et de l’autre à l’ouest pour celle du soir.

« Nous avons des toitures plein sud et il y a quelques années, tout le monde voulait nos toits. Mais l’idée d’aller se faire du pognon sur le dos d’EDF, du consommateur et du contribuable, ne me plaisait pas beaucoup. Produire de l’électricité pour la consommer soi-même m’intéressait davantage. Nous avons répondu à un appel à projets de la Région Alsace pour installer 90 m2 de panneaux solaires en autoconsommation », explique Michel Rohrbach, l’un des six associés du Gaec de Wittelsheim, près de Mulhouse dans le Haut-Rhin.

Cet éleveur laitier alsacien aime regarder ce qui se fait dans le domaine industriel pour l’adapter au secteur agricole. L’industrie, attirée par la baisse du prix des modules photovoltaïques, s’intéresse de plus en plus à l’autoconsommation de l’électricité produite. « Nous avons d’abord demandé un diagnostic énergétique à l’Ademe, afin d’établir précisément le profil de notre consommation électrique sur l’exploitation. » Résultat : la traite est le poste le plus gourmand (60 % de l’énergie électrique). Le roto de traite de 36 postes est peu exigeant. Le principal responsable, le tank et les 2 500 à 3 000 l de lait qu’il faut refroidir à chaque traite. La salle de traite a beau être équipée d’un pré-refroidisseur qui descend le lait à 17°C, le tank consomme instantanément près de 23 000 Watts durant les trois heures qui suivent chaque traite.

Le problème avec l’autoconsommation d’électricité photovoltaïque, c’est qu’il faut consommer cette énergie au moment où elle est produite, c’est-à-dire lorsqu’il fait jour et que le temps n’est pas trop couvert. Il faut donc concentrer la production tôt le matin et le soir après 17 h (sauf en hiver où la nuit est déjà tombée). Plutôt que de positionner les panneaux au sud, les agriculteurs ont préféré écrêté le pic de production du milieu de journée et répartir les 90 m2 prévus en deux fois 20 modules de 45 m2 placés sur les pans est et ouest de la toiture du bâtiment de traite. D’après leur étude prévisionnelle, les panneaux situés est/ouest produisent seulement 5 % de moins (89,3 kWh) que la même surface disposée plein sud (93,9 kWh). Michel Rohrbach a tenu à faire fonctionner l’économie locale : « Même financés par un appel à projets de la Région Alsace, j’aurais très bien pu acheter des panneaux chinois ! J’ai choisi des modèles de la marque Voltec Solar assemblés dans le Bas-Rhin et l’entreprise alsacienne EcoSem pour monter l’installation. J’ai été surpris par le prix des panneaux. Je l’imaginais bien plus élevé. Les onduleurs, en revanche, coûtent plus cher. Au total, l’investissement s’élève à 22 000 €, montage compris. »

Afin de développer l’autoconsommation et obtenir des références, la Région Alsace a financé le projet à hauteur de 30 %. La condition : au moins 70 % de la production annuelle doit être autoconsommée et le restant serait alors offert gracieusement à EDF. Mais Michel Rohrbach ne l’entend pas de cette oreille et a bien l’intention de consommer le moindre kilowatt produit durant la journée. Plutôt que de stocker le surplus d’énergie dans des batteries, coûteuses et au rendement assez moyen, l’éleveur a l’idée de le transformer en chaleur grâce à un ballon d’eau chaude électrique. « Un cumulus est moins onéreux que des batteries. Nous avons acheté un ballon de 750 l, l’équivalent de notre consommation d’eau chaude pour le lavage des locaux après chaque traite. Au final, à peine 1 ou 2 % de l’électricité repart gratuitement dans le réseau. Néanmoins, il faut bien calibrer l’installation pour ne pas surproduire inutilement.»

En cherchant sur internet, Michel a trouvé un logiciel tchèque (Watt control) qui permet d’optimiser l’autoconsommation d’électricité. Un capteur placé sur le compteur EDF mesure la consommation, un autre la production au niveau des onduleurs. Le logiciel fait la corrélation et dévie le surplus vers le cumulus ou le réseau.

Le Haut-Rhin bénéficie en moyenne de 970 h d’ensoleillement annuel. Avec 90 m2 de panneaux, le Gaec prévoit une production annuelle de 9 000 kW/an. « Pour le moment, celle-ci s’avère largement au-dessus de l’estimation, apprécie Michel Rohrbach. Nous avons démarré en mai 2015 et en l’espace de six mois, nous avons déjà produit 11 000 kW, grâce notamment à un été bien ensoleillé. »

La production est maximale en juillet avec 2 300 kW/mois et descend à 500 kW/mois en novembre. En été, le soleil produit environ la moitié de la consommation électrique de l’élevage. De 9 h du matin à 18 h, le Gaec ne débourse pas un centime pour EDF. « Au global sur l’année, nous comptons produire 20 à 30 % de de l’électricité totale consommée. Le retour sur investissement est estimé à 7-8 ans, sachant que les modules et les onduleurs ont une durée de vie trois fois plus longue. »

Contrairement au solaire photovoltaïque classique avec contrat de revente de l’électricité à ERDF, l’autoconsommation semble nettement moins contraignante : il n’y a pas besoin de respecter les normes d’intégration au bâti. « Le montage sur la toiture est très rapide. Les modules sont posés sur des châssis métalliques surélevés de 20 cm. Cet espace crée un courant d’air en-dessous qui refroidit les panneaux et évite que la neige s’accumule. »

En agriculture, l’autoconsommation a semble-t-il de beaux jours devant elle. Cette méthode paraît particulièrement bien adaptée aux consommations régulières d’électricité dans la journée, comme celles liées au fonctionnement d’un robot de traite, d’une chambre froide ou pour charger un véhicule électrique par exemple.

L’autoconsommation peut aussi très bien s’envisager avec quelques modules pour les consommations domestiques de la journée (réfrigérateur, congélateur, box TV…). D’autant qu’il est possible d’ajuster les horaires de consommation à celles de la production (chauffage du cumulus, lessives et lave-vaisselle pendant la journée). Et le rendement s’améliore encore avec l’ajout de batteries, d’un cumulus ou d’une piscine à chauffer. Si la surface de modules est grande, il est recommandé de vendre le surplus non consommé en passant un contrat avec EDF. En Allemagne, près de 70 % des nouvelles installations seraient désormais en autoconsommation.