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Le chef Julien Dumas ne cuisine que des poissons issus de la pêche durable


AFP le 22/12/2019 à 08:14

Ni bar, ni sole pour un dîner de fête : écologiste dans l'âme, le chef Julien Dumas, aux fourneaux de Lucas Carton, ne cuisine que des poissons issus de la pêche durable, auxquels il redonne les saveurs de son enfance.

« Enfant, j’adorais soulever les rochers pendant les grandes marées : j’en avais les mains toutes griffées, et les étrilles (des petits crabes) me donnaient une peur bleue », se souvient le chef du restaurant gastronomique parisien aux délicates boiseries Art nouveau sculptées par Majorelle, une étoile au Guide Michelin. « Je travaille beaucoup sur les souvenirs d’enfance, alors j’ai mis un plat d’étrilles à la carte, avec des oursins, des moules, du caviar à la place des œufs d’étrilles… dans l’esprit de ce qu’on trouve sous le rocher », dit-il à l’AFP.

En cuisine, livrés le matin, trônent une énorme lotte, des rougets grondins aux nageoires flamboyantes, un mulet noir de pleine mer, une roussette, un carrelet : pour la plupart des espèces peu valorisées, comme la vieille, à la belle robe tachetée de rouge et de vert, le plus souvent utilisée en soupe, car elle contient beaucoup d’arêtes. Très créatif, Julien Dumas voit dans la vieille son « jouet de l’année » : les filets deviennent une savoureuse charcuterie aux épices, la peau se transforme en fines chips croustillantes, et les deux composeront bientôt un canapé aux chairs de la tête – car tout est valorisable, même les arêtes, « mais je n’ai pas encore trouvé comment », précise-t-il.

« Ma marraine, qui avait un restaurant à Cancale, servait de la vieille, du carrelet, du grondin. Mais aujourd’hui combien de restaurants vous proposent de la pêche locale ? », demande le jeune chef. Conscient de la grande fragilité des ressources marines, le chef ne cuisine plus depuis des années, que du poisson et des crustacés locaux, de saison, issus de la pêche durable, mettant à l’honneur des espèces méconnues. Et qui contrairement au bar ou au cabillaud, ne sont pas surexploités.

Dîners « pêche durable »

Selon l’Ifremer, 48 % des volumes pêchés en France sont issus de stocks de poissons exploités durablement, et 27 % de stocks surpêchés. Mais seul un quart du poisson vendu dans l’Hexagone provient de la pêche française, le reste étant importé. « Au début, j’ai commencé à mettre d’autres poissons à la carte par souci économique : le restaurant où j’officiais avait des coûts à tenir. Mais la contrainte vous force à vous renouveler : j’ai trouvé d’autres variétés que j’ai trouvées bien plus jolies, différentes. J’aime ce qui est différent », affirme le chef de 40 ans au visage juvénile.

« Les pêcheurs avec lesquels je travaille sont soucieux du respect de l’océan : c’est leur outil de travail. Ils savent ce qu’ils vont pêcher, vont dans leurs coins à eux, et font toujours moins que leurs quotas », dit-il. Julien Dumas a lancé en novembre des « dîners pêche durable » mensuels, concoctés à quatre mains avec des chefs impliqués comme lui : Alexandre Couillon, chef de La Marine à Noirmoutier, deux étoiles au Michelin, Laurent Petit du Clos des Sens d’Annecy, et Arnaud Lallement, L’Assiette Champenoise à Tinqueux près de Reims – triplement étoilés tous les deux.

Au menu de Noël chez Lucas Carton, pour 392 euros, vins compris : escargots de Bourgogne, coquilles St Jacques « très durables, ramassées en plongée dans la baie de Cancale », sardines et caviar français, homard breton, chapon farci et truffe blanche. Au-delà des poissons, Julien Dumas se fournit en produits locaux et de saison auprès de petits producteurs : ses légumes poussent ainsi « aux portes de Paris », à Herblay (Val d’Oise). Concentré, un jeune cuisinier recouvre prestement de beurre fondu, à intervalles réguliers, le chou-fleur croustillant, plat fétiche du chef. Ce dernier contemple un grondin fraîchement découpé, qui sera farci – inspiré par ses couleurs et sa chair ferme, le chef murmure « c’est incroyable, ça », et imagine sur le champ une recette, tout en sollicitant la créativité de ses jeunes collaborateurs. « Il est très ouvert aux idées, il y a de vrais moments de « feeling », on peut tout proposer, même les commis, tout le monde travaille ensemble », dit à l’AFP Clément, 27 ans. « Se laisser inspirer par de beaux produits, c’est ça le métier de cuisinier ».