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En Bretagne

Le blocage des cartes vertes continue dans un climat tendu entre GDS et éleveurs


TNC le 06/02/2020 à 09:42
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En Bretagne, le torchon brûle entre le GDS et quelques éleveurs dont la délivrance des cartes vertes s'est vue bloquée pour cause de retards de paiement. Si l'organisation à vocation sanitaire affirme être dans ses droits, les éleveurs eux refusent de payer et ont saisi la justice pour demander plus de clarté concernant les tarifs pratiqués.

« En avril, lorsque le GDS annonçait le blocage des cartes vertes, nous étions plus de 1 000 éleveurs concernés. Il restait 400 éleveurs au 1er juillet et aujourd’hui nous sommes encore à peu près 80 personnes à ne pas recevoir nos Asda. Le GDS a mis la pression à beaucoup de personnes car qui dit pas de cartes vertes dit pas de ventes d’animaux mais cela ne fait qu’enfoncer des éleveurs déjà en difficultés », explique Mickaël, éleveur d’Ille-et-Vilaine.

Rappelons les faits :

En avril 2019, pour faire face aux nombreux impayés, le GDS Bretagne décidait de bloquer la délivrance des Asda (attestations sanitaires à délivrance anticipée, couramment appelées cartes vertes). Les syndicats ayant vivement réagi, le groupement de défense sanitaire donnait alors deux mois supplémentaires aux éleveurs pour régulariser leur situation avant de reprendre les blocages.

Le GDS explique fermement : « Le blocage des Asda, qui fait partie des mesures figurant dans la convention cadre de délégation en vigueur à ce jour, sera appliqué par GDS Bretagne en cas de défaut de paiement » et rappelle notamment que l’organisme « se voit déléguer depuis de nombreuses années par l’État français une mission de service public, accomplie dans un objectif d’intérêt général. »

Quel prix pour l’excellence sanitaire bretonne ? des éleveurs s’interrogent

Plusieurs éleveurs concernés par le blocage des cartes vertes se sont rassemblés pour créer le « collectif des éleveurs OVS Bretagne ». Parmi eux, Nicolas, éleveur dans les Cotes d’Armor, lui aussi bloqué depuis juillet 2019 : « Je ne paierai pas tant que le GDS ne m’aura pas justifié ses tarifs. » Pour l’éleveur, la facturation pratiquée par le GDS n’est pas claire : « Entre 2016 et 2017, les cotisations ont doublé. En comparant les factures, on s’aperçoit que le coût de la prophylaxie s’élevait à 1,50 €/bovin en 2016 et qu’il est passé à 3,23 € en 2017. Que s’est-il passé entre temps ? On n’en sait rien et on ne veut rien nous dire ! »

Son collègue Mickaël poursuit : « Le GDS n’est qu’une boite postale. Le laboratoire réalise les analyses, le GDS met les résultats en forme et les fournit à l’EDE qui délivre les passeports. Je ne comprends pas pourquoi ça nous coûte aussi cher. La Bretagne est en plus la seule région qui mutualise le service, ça devrait donc nous coûter moins cher qu’ailleurs. Pourtant, chez nos voisins du Calvados, le prix est bien plus bas puisqu’il est de 1,58 €/bovin pour la prophylaxie. La plupart des éleveurs sont mis devant le fait accompli puisqu’ils sont en prélèvement automatique mais qui sait réellement ce qu’il paye et à quoi ça correspond ? »

Contacté à ce sujet, le président du GDS Thierry Le Druillennec répond : « Au-delà de la différence de prix, qui se justifie notamment par la prise en charge des analyses par le GDS, il faut regarder le coût global sanitaire (contrôle des prophylaxies, contrôles des mouvements de bovins) qui est particulièrement plus avantageux pour un éleveur breton et lui permet de bénéficier d’une économie de – 56 % pour un éleveur allaitant moyen ou de – 18 % pour un éleveur laitier moyen (le détail devrait prochainement apparaître sur le site du GDS). Le sanitaire est un investissement qui en retour génère des économies grâce à l’acquisition de statuts sanitaires valorisés, et n’est pas une charge à considérer sur la base d’une facture à un instant figé. »

Nicolas n’est pourtant pas convaincu : « Je ne remets pas en cause le travail du GDS, je ne suis pas contre la prophylaxie, je veux juste de la transparence. Toutes ses obligations sanitaires sont normales mais qu’on ne vienne pas me dire que l’excellence n’a pas de prix ! » Il poursuit : « Pour nous éleveurs, le premier argent qu’on gagne est celui qu’on ne dépense pas. La seule chose qu’on peut encore maîtriser, ce sont nos charges donc on veut savoir ! »

Le GDS Bretagne devra désormais justifier ses tarifs

Et il ne devrait pas tarder à le savoir. En effet, cinq éleveurs ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Quimper et de Saint-Brieuc. Si celui de Quimper a vu sa demande rejetée et se voit même dans l’obligation de payer ses arriérés de factures, les quatre éleveurs de Saint-Brieuc ont, eux, obtenu gain de cause. Le GDS Bretagne se voit condamné à libérer les Asda pour les quatre éleveurs, à produire certains documents de gestion permettant de justifier la facturation de 3,23 €/bovin, le tout assorti d’une astreinte de 100 €/j de retard et par document manquant. Deux éleveurs ont même obtenu une provision pour manque à gagner suite aux blocages de leurs cartes vertes de 5 et 10 000 €.

Le GDS Bretagne ne compte pas en rester là : « Cette décision, peut et va faire l’objet d’un recours dans la mesure où la régularité des prestations et facturations accomplies par GDS Bretagne ne saurait être remise en cause, pas plus que l’obligation des éleveurs de payer leurs factures, il en va de l’intérêt de tous. Laisser les choses en l’état reviendrait à acter que ce soient les éleveurs à jour de leur factures ou cotisations qui financeraient l’intégralité des missions déléguées pour ces éleveurs réfractaires qui bénéficient pourtant pleinement des services. »

Nicolas comme Mickaël campent néanmoins sur leurs positions : « Le GDS se cache derrière sa convention pour affirmer que le blocage des Asda est une mesure légale. Pourtant, il doit en référer à l’État et nous n’avons à ce jour vu aucun document qui prouve que l’État a validé ces suspensions. »

Ils rappellent pas ailleurs que l’adhésion au GDS n’est pas obligatoire : « Lorsqu’on n’est pas adhérent, on paie moins cher puisqu’on passe dans ce cas en client OVS (organisme à vocation sanitaire). On ne fait que ce qui est obligatoire mais on ne sera pas couvert en cas de maladie dans le troupeau puisqu’on ne cotise plus à l’assurance du GDS. »