Accéder au contenu principal
Marchés des bovins

La production de viande française en décalage avec la demande


TNC le 15/09/2023 à 11:49
cow-1395947_1280

Les agriculteurs français sont nombreux à avoir misé sur la montée en gamme pour atteindre de niveaux de prix intéressants.

À l’occasion du congrès de Culture Viande, les acteurs de la filière sont revenus sur les dynamiques de marché observées en cette rentrée. Si l’offre a tendance à se raréfier, la France offre une gamme de produits très qualitatifs à l’heure où l’inflation crée des arbitrages au sein des foyers.

« Nous avons toujours importé de la viande bovine pour répondre aux problématiques de déséquilibre matière » tente de relativiser Baptiste Buczinski, agroéconomiste à l’occasion du Congrès de Culture Viande, « mais la nouveauté, c’est que l’on commence à importer de la réforme laitière » poursuit l’expert. Avec 25 % de la consommation nationale issue d’import, le niveau de dépendance de la France commence à alerter la filière.

Et si l’on incrimine généralement la décapitalisation bovine, l’inflation n’est pas en reste. « Les consommateurs abandonnent une part de leur nationalisme pour acheter de la viande d’importation » note l’expert de l’Idéle. La modification des circuits de consommation, avec la baisse des achats au détail et la progression de la restauration hors foyer permet à la viande étrangère d’entrer discrètement dans nos assiettes.

L’inflation pèse sur les caddies

Car l’inflation pèse bel et bien sur le caddie des français. « Avant le Covid, la moitié des français avaient les moyens de s’offrir des produits de qualité. Ils sont maintenant environ 30 % » estime Pascale Hebel, directrice de la prospective chez C Ways.

« On n’a jamais vu les dépenses dans le secteur de l’alimentation baisser autant. Même l’habillement ne diminue pas tant », poursuit l’experte. « On mange moins (ou autre chose), on déstocke, on ne gaspille plus, on traque les bonnes affaires… ». D’après une étude Kantar, les dépenses en euro constant sur l’alimentation ont diminué de 8,5 % sur les 7 premiers mois de 2023. Les dépenses en viande de boucherie, relativement préservées, sont en retrait de 3,2 % sur le premier trimestre de l’année.

Une viande qualitative mais chère

Dans ce contexte, les invités du congrès de Culture Viande se sont longuement interrogés sur l’adéquation de l’offre française à la demande des consommateurs. « On se posait déjà la question il y a 20 ans », sourit Baptiste Buczinski. Mais le boom de la viande hachée change un peu la donne. Tant que le haché permet de valoriser de la vache laitière de réforme, « tout va bien ». Mais dès lors que l’on commence à orienter une partie du cheptel spécialisé vers ce débouché, il faut peut-être se poser des questions quant à la production nationale. « Les interrogations se portent surtout le milieu de gamme en vache allaitante ».

Au-delà de la question de l’équilibre carcasse, le mode de commercialisation influe également sur la demande. « Il y a de moins en moins de rayons trad, et de plus en plus de libre-service », décrypte l’économiste. Or le cheptel allaitant n’est rien sans bouchers capables de valoriser ses produits.

Même constat pour Philippe Goetzmann, consultant spécialisé en agroalimentaire. « On a une filière agroalimentaire extraordinaire en France. Mais notre handicap, c’est qu’on est tellement convaincu de la grande qualité de nos produits, qu’on en a oublié de prendre en compte les besoins du client ». Pour le consultant, l’inflation qui pèse sur les ménages fait que l’essentiel de la demande n’est pas sur les produits haut-de-gamme.

Car les modes de consommation changent. « On a classé il y a dix ans le repas à la française au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais c’est à peu près le dernier endroit où il se trouve », plaisante l’expert de l’agroalimentaire. « Il n’est pas au McDo, plus dans les cantines, pas forcément chez les grands chefs, et entre brunch, batch cooking, tapas et repas sur la table basse du salon, force est de constater que les Français mangent autrement ». Bref, la filière viande bovine doit également s’adapter aux modifications des modes de consommatioN pour proposer une viande qui colle à la demande.