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Pâturage régénératif

Julien Mermon (19) : « Mon objectif : un fort chargement et aucun refus »


TNC le 23/10/2020 à 06:02
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Très proche du pâturage tournant, le pâturage régénératif permet de valoriser encore mieux l’herbe, quitte à augmenter ses stocks de fourrage. Julien Mermon, éleveur de 40 mères limousines en Corrèze, le met en pratique depuis un an. Il a divisé son parcellaire et gère son troupeau au jour le jour en déplaçant les fils trois à quatre fois dans la journée. L'objectif : avoir un chargement très important sur une petite surface. Et depuis, il n'observe plus aucun refus.

« Si je peux ne pas faucher, tant mieux ! », s’est exclamé, sans détour, Julien Mermon, éleveur de 40 mères limousines et 120 brebis, à Sarran en Corrèze, lors de la journée sur le pâturage régénératif organisée par la chambre d’agriculture de la Corrèze, le 22 septembre dernier.

« Arrivé il y a dix ans sur une exploitation existante comprenant 50 mères limousines et 350 brebis pour 2,5 UTH, je me suis retrouvé très vite tout seul ! J’ai cherché alors à simplifier mon système », explique-t-il. Son objectif : du 100 % plein air. Aujourd’hui, Julien n’a plus de bâtiment. « Dès que j’ai pu, j’ai installé le pâturage tournant », continue-t-il.

Exploitation de Julien Mermon :
40 vaches limousines – 120 brebis
107 ha dont 30 ha de prairie naturelle, 35 ha de prairie à rotation longue, 7 ha de landes, 20 ha de joncs et 15 ha pour les chevaux.

Lors d’une formation effectuée l’an dernier en Creuse par un consultant étranger, il découvre le pâturage régénératif. Aujourd’hui, pour lui, « la fauche n’est qu’une régulation » de ses superficies en herbe et donc tout foin produit est considéré comme une plus-value économique pour l’exploitation. Près de 26 tonnes ont été vendues cette année. « Une première ! », rapporte Julien qui peut aussi conserver du fourrage en cas de sècheresse.

Par rapport au pâturage tournant, Julien divise encore ses parcelles afin de gérer son troupeau de génisses au jour le jour. Dans ce sens, il fait attention à ce que les animaux puissent avoir de l’ombre et surtout il veille à une répartition homogène en termes de diversité floristique. « C’est comme à l’école, s’il y a des frites ou des épinards, les frites partent en premier et les enfants n’ont plus faim pour les épinards ! Avec les vaches c’est pareil ! », observe Stéphane Martignac, conseiller productions végétales à la chambre d’agriculture de Corrèze.

Du fait du fort chargement (231 UGB/ha pour 24 heures ou 926 UGB/ha de chargement instantané pour 4 heures, voire 1 600 UGB/ha en fonction du couvert), aucun refus n’est observé. Même les joncs de la zone humide sont consommés. En décalant le retrait du fil arrière de 24 h, les vaches ruminent et font leurs excréments sur la zone déjà broutée, entraînant « une excellente répartition des bouses sur la surface de la parcelle (une bouse par m2) », selon Maxime Lepeytre, conseiller agronomie à la chambre d’agriculture.

Déplacer les fils demande certes du temps, tous les jours, mais sur l’année, Julien Mermon est gagnant car il n’a pas de bâtiment à gérer (paillage, curage, etc). (©Emilie Durand)

Déplacer les fils tous les jours

Julien a donc divisé une partie de son parcellaire, notamment dans les zones humides, en bande de 22 m de large pour que son matériel de fauche puisse passer. Si une bande n’est pas consommée, du fait d’un excédent d’herbe, il la fauche. Par la suite, il gère le troupeau avec un fil avant et un fil arrière sur une même bande.

« Plusieurs fois par jour, de 3 à 4 fois, je donne 3 à 4 m pour que les génisses broutent en déplaçant mon fil avant. Et je déplace le fil arrière tous les deux jours. L’objectif est d’avoir un chargement très important sur une petite surface », explique-t-il, en insistant fortement sur « la différence entre le surpâturage et le pâturage ras ».

Avant de clôturer ses bandes en fixe, il a déjà évalué le fonctionnement de son organisation avec des clôtures mobiles, ce qu’il conseille vivement la première année de fonctionnement. L’électricité est apportée via les fils de clôtures périphériques. Pour ajuster au mieux la consommation de l’herbe par les animaux, il peut déplacer son fil avant jusqu’à 3 fois par jour. Du fait de sa présence régulière et de l’ouverture du parc pour donner l’accès à l’herbe, le lien à l’homme est amélioré entraînant une bonne docilité des génisses.

Deux limites au système : avoir des animaux adaptés génétiquement et la gestion de l’abreuvement. (©Emilie Durand)

Une génétique adaptée à l’agro-système

Julien alerte cependant : « Ce système-là ne convient pas à des animaux de 800 kg. Il faut une génétique capable de valoriser les fourrages grossiers. J’ai des petites vaches. D’une certaine manière, je reviens à la Limousine d’il y a 70 ans ! Avec ce système, je ne sélectionne plus en fonction du pedigree, mais à « l’œil » » Il utilise aussi ce type de parcelle, au fourrage grossier, pour développer la panse des génisses.

La limite du système repose sur l’abreuvement. Julien y pallie en déplaçant une tonne à eau, là où les cours d’eau ne passent pas. Il part du point d’eau pour construire également ses parcs. Il reconnaît également le poids de la petite douve et du paramphistome, en lien avec la zone humide.

Pour autant, sur le plan économique, ce type de gestion est particulièrement intéressant car les animaux sont dehors toute l’année. Il n’a aucun achat de fourrage et il est bien moins coûteux de faire pâturer que de faucher et de stocker. « Un hectare récolté en foin coûte 250 €, de la fauche au stockage, main d’œuvre comprise, alors que la tonne de matière sèche pâturée revient à 20 € », relève Stéphane Martignac.

Le point sur les avantages et inconvénients du pâturage régénératif : 

AvantagesInconvénients

Meilleure valorisation de l’herbe (rendement et qualité)

Venir une à plusieurs fois par jour

Valorisation des parcelles de bas-fonds

Génétique adaptée

Pas d’achat de fourrage

Gestion de l’eau

Docilité des animaux

Gain de temps sur l’année

Bordures de parcelle mieux valorisées

Moins de surface nécessaire

Amélioration de la flore