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Manifestations de pêcheurs

Journées mortes dans les ports français contre les réglementations européennes


AFP le 30/03/2023 à 15:34

« Si on n'a plus de poissons, c'est toute la filière qui coule » : des centaines de pêcheurs français en colère contre les réglementations, notamment européennes, ont lancé jeudi une opération inédite « filière morte ».

Les professionnels dénoncent des « réglementations européennes inadaptées », notamment l’interdiction de la pêche de fond dans les aires marines protégées d’ici à 2030.

Ils critiquent aussi la décision du Conseil d’Etat français imposant d’ici à six mois la fermeture de certaines zones de pêche en Atlantique afin de préserver les dauphins dont les échouages se sont multipliés dans le golfe de Gascogne.

Les échouages de dauphins se sont multipliés ces derniers mois sur les plages du littoral atlantique en France, dont au moins 910 cet hiver selon le dernier décompte de l’observatoire océanographique Pelagis. Dans la majorité des cas, ces dauphins morts présentent des traces de capture par un engin de pêche.

Manifestations musclées et blocages

Depuis plusieurs jours, un peu éclipsée par les protestations contre la réforme des retraites, la colère monte, illustrée par des manifestations musclées à Rennes ou Lorient et des blocages à Boulogne.

A Brest, sur la côte atlantique, plusieurs centaines de pêcheurs se sont rassemblés sur le port, tirant des fusées de détresse et faisant brûler des fumigènes, depuis leurs chalutiers et des incidents ont éclaté à la mi-journée, a constaté un journaliste de l’AFP.

Des manifestants ont allumé des feux avec des poubelles notamment devant le siège de l’Office français de la biodiversité (OFB, la « police de l’environnement »), visé par des tirs de fusées et des jets de projectiles. Un manifestant a été blessé à la gorge par une fusée tirée par un autre protestataire.

Pour la Bretagne, « tous les ports et les navires sont à l’arrêt », a indiqué Jacques Doudet, secrétaire général du comité régional des pêches de Bretagne.

A Boulogne-sur-Mer, principal port français où plus aucun bateau ne débarque sa pêche depuis dimanche soir, jeudi matin, le seul mouvement était celui d’un mannequin en ciré jaune, pendu à la grue d’un bateau, balancé au gré du vent. Au Havre également, une soixantaine de bateaux bloquaient le port, a constaté une correspondante de l’AFP.

Les pêcheurs normands ont quant à eux mené une « opération péage gratuit » sur le pont de Normandie, mobilisant une centaine de personnes.

Le secrétaire d’Etat chargé de la Mer, Hervé Berville, qui s’est dit « solidaire de l’esprit du mouvement », était attendu aux Sables-d’Olonne pour rencontrer les pêcheurs.

« Pour l’avenir »

L’appel national invitait aussi mareyeurs et vendeurs de produits de la mer à se joindre au mouvement.

« Si on n’a plus de poissons, c’est toute la filière qui coule. On peut trouver du poisson ailleurs mais on préfère travailler avec une pêche française, durable, qui sait ce qu’elle fait », a fait valoir à un correspondante de l’AFP Simon Paitrault, poissonnier de 30 ans, à Saint-Jean-de-Luz (sud-ouest).

Au lendemain du blocage du port de commerce de Bayonne, une quarantaine de pêcheurs ont défilé sur la criée, pour sensibiliser les consommateurs à coups de tracts et pétition, et des poissonniers ont baissé le rideau.

Du côté des mareyeurs de Boulogne-sur-Mer, « c’est compliqué », souffle Alexis Delplanque, employé chez Martin Marée, qui travaille la coquille Saint-Jacques. « En ce moment, il n’y a rien sur les quais, alors on fait tout venir par la route, depuis Dieppe ».

Le blocage des pêcheurs ? « Cela nous gêne un peu, mais ils n’ont pas le choix. C’est pour l’avenir ».

Le comité national des pêches a lancé ces journées « d’action unitaire » dans un climat de tensions jamais vu depuis la crise du Brexit.

Etendre les aires marines protégées et y interdire le chalutage de fond, mieux contrer la surexploitation, bateaux moins énergivores… La Commission européenne a présenté fin février son plan pour « verdir » le secteur de la pêche, aussitôt décrié par les professionnels.

Les Etats seront tenus d’adopter des mesures pour « éliminer progressivement » d’ici 2030 la pêche de fond dans les aires marines protégées (12 % des eaux européennes actuellement, 30 % visés d’ici 2030), quelle que soit leur profondeur. Chaque pays devra établir sa feuille de route d’ici mars 2024.