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Reportage

Hélène Souffran, éleveuse de Nantaises : du rêve à la réalité


TNC le 08/06/2018 à 06:03
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Être une femme, maman de deux enfants, épouse mais aussi éleveuse et particulièrement cheffe d'exploitation, c'est ce qui caractérise Hélène Souffran. Installée depuis six ans à Bain de Bretagne (35), cette jeune femme élève des Nantaises qu'elle valorise en circuit court. Non issue du milieu agricole, Hélène est la preuve qu'il est possible de passer du rêve à la réalité !

C’est en Ille-et-Vilaine qu’Hélène Souffran a repris une exploitation agricole derrière un tiers il y six ans maintenant. Originaire de Nantes et pas issue du milieu agricole, la jeune femme rêvait de s’installer. C’est à la suite d’une expérience dans la location des génisses à Gestel qu’elle saisit l’opportunité de reprendre un élevage sur Bain de Bretagne (35). En agriculture biologique, elle élève aujourd’hui sur sa ferme « La prairie des Vallons » une vingtaine de vaches allaitantes et 80 brebis qu’elle valorise en vente directe.

Sur les 53 ha de sa SAU, Hélène produit 8 ha de céréales (mélange de triticale, d’avoine et de pois) destinées à l’alimentation de son cheptel. Le reste est consacré au pâturage des brebis et des vaches. Ces dernières sont d’ailleurs plutôt locales puisqu’il s’agit de Nantaises. Déjà présentes à la reprise de la ferme, les Nantaises permettent de valoriser des fourrages grossiers. Le troupeau passe 365 jours de l’année dehors ; seules les brebis sont rentrées en stabulation l’hiver. « La Nantaise est une race à croissance lente, affirme Hélène. Les animaux sont à l’herbe toute l’année et complémentés au foin l’hiver. Je sépare les animaux en finition du troupeau, les mets dans une pâture un peu plus riche en trèfle et leur distribue des céréales, c’est tout. »

Cinq à six vaches de réforme sont engraissées chaque année pour la vente directe. Quant aux veaux, si les femelles sont gardées pour le renouvellement, les mâles sont abattus à six mois. « Les vaches ne sont jamais engraissées avant leurs quatre ans car elles ne sont pas encore suffisamment développées, explique l’éleveuse. Elles deviennent belles et rondes à sept ans en général. Ainsi, ce sont environ 200 kg de viande par vache et 95 kg par veau qui partent en caissettes. » En circuit court, Hélène s’est constitué un réseau de clients qu’elle contacte lorsqu’elle prévoit l’abattage d’une bête, loue une remorque frigorifique et livre ses colis sur Rennes et Nantes.

En race nantaise, il y aurait 19 taureaux disponibles à l’IA. Néanmoins, c’est en monte naturelle que la reproduction du troupeau se fait ici. Pour trouver des reproducteurs, Hélène fait appel à l’association des éleveurs de Nantaises de la région et à l’Institut de l’élevage pour les plans d’accouplement. « Il y a peu de taureaux disponibles alors pour éviter la consanguinité et faire le bon choix, il vaut mieux être accompagné. Grâce à l’association, on trouve les taureaux plus facilement et les échanges entre éleveurs se font bien », confie-t-elle. 

Le taureau est avec les vaches en permanence. Les génisses sont retirées du troupeau vers les six-sept mois pour regagner une autre pâture. « La Nantaise est fertile dès six mois, commente Hélène. C’est pour cette raison qu’il faut vite les séparer du reste du troupeau. Le risque principal est qu’elles se fassent saillir par le taureau trop tôt. De plus, elles se font facilement bousculer par les plus vieilles l’hiver devant le râtelier de foin. Elles sont réintroduites dans le troupeau un peu plus tard. »

N’effectuant pas de contrôles de gestation, l’éleveuse doit régulièrement surveiller les femelles qui reviennent ou non en chaleur. Avec l’expérience, elle s’est aussi fait l’œil pour repérer celles qui se préparent à vêler. « En général, la Nantaise vêle plutôt bien. Néanmoins, on n’est pas à l’abri d’un imprévu et c’est là que ça se complique sans bâtiment », se remémore-t-elle. Heureusement, elle possède également un Border Collie qui l’aide à rassembler ou isoler les animaux lorsque la contention devient nécessaire.

Du haut de ses 33 ans, Hélène n’a aucun regret quant à son installation. Cependant, son parcellaire dispersé reste assez contraignant : « Je fais beaucoup d’allers-retours entre les parcelles des brebis, celles des vaches et celles des génisses. Il me faut 20 minutes en tracteur pour aller de l’exploitation jusqu’à la parcelle des génisses », confie-t-elle. À ses débuts, elle élevait aussi des poulets « coucou de Rennes » (une race locale) et des volailles d’ornement qu’elle revendait en direct également. Mais cette diversité semblait lui coûter plus que ce qu’elle rapportait. L’éleveuse a alors cessé ces deux activités et c’est un soulagement !

Le stage de transmission de six mois m’a bien aidée, c’est quelque chose que je conseille aux futurs installés.Être une femme, non issue du milieu agricole et s’installer seule loin de sa ville natale, était un pari risqué. Mais Hélène dit avoir été bien accueillie par ses voisins et apprécie l’entraide du milieu : « Je suis tombée enceinte peu de temps après mon installation ; ça n’a pas été facile mais mes voisins m’ont bien aidée, surtout pendant la période des foins. » Aujourd’hui encore, elle n’hésite pas à leur demander conseil, particulièrement dans la conduite de ses céréales. De plus, la transmission de l’élevage s’est faite en douceur puisqu’elle a suivi un stage de transmission de six mois durant lequel son prédécesseur lui a donné quelques « ficelles » du métier avant de lui laisser complètement les rennes.

« Mon système est simple, affirme aujourd’hui la jeune femme. Élever mes animaux de façon extensive et en plein air était une volonté. Mais aujourd’hui, avec le recul, je me dis qu’un bâtiment faciliterait la manipulation des animaux, notamment pendant les périodes de vêlages. »

La Nantaise, originaire de Loire Atlantique, a vu ses effectifs fortement diminuer au début du XXème siècle avec l’arrivée de la mécanisation et des races spécialisées. Néanmoins, elle a retrouvé aujourd’hui toute sa place dans les élevages des Pays de Loire comme en Bretagne. Sa capacité à valoriser les fourrages grossiers, aussi bien dans les prairies sèches qu’humides en fait une vache polyvalente et rustique. Elle se caractérise aussi par son bon tempérament et ses facilités de vêlage. Auparavant considérée comme race mixte, elle est désormais presque exclusivement élevée pour sa viande mais ses aptitudes laitières ancestrales en font une bonne mère qui produit des veaux blancs ou rosés. Hélène en est convaincue : « La Nantaise a un goût particulier contrairement aux autres races. Avec sa croissance lente, la viande a le temps de se persiller correctement. »

En élevant des Nantaises, la jeune femme contribue à préserver la race. Au dernier recensement de l’Idele (2016), il y avait plus de 1 100 femelles répertoriées pour une centaine d’éleveurs. Ses éleveurs sont d’ailleurs rassemblés sous l’« association pour la promotion de la race bovine nantaise ». Mais qui dit race à faible effectif ne dit pas spécialement meilleure valorisation. En vente directe, Hélène propose sa viande bœuf à 13 €/kg et le veau à 15 €/kg. « Les consommateurs ne savent même pas qu’en achetant de la Nantaise ils participent à la pérennité de la race, avoue-t-elle. Je leur en parle régulièrement et glisse des flyers dans les colis mais beaucoup ne s’en soucient pas. Ils regardent d’abord le label « agriculture biologique ». »