Grazing Awards : Découvrez les fermes de 8 ambassadeurs européens du pâturage


TNC le 04/08/2025 à 05:35
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(© © TNC)

Les Grazing Awards ont distingué huit fermes européennes pour leurs pratiques en lien avec le pâturage. Implantation des trèfles, gestion de l’eau, organisation du pâturage tournant… Autant de thématiques mises à l’honneur par cette distinction qui met le lait à l’herbe au goût du jour.

Les « Grazing Awards », portés par le projet européen Grazing4Agroecology, mettent en lumière huit éleveurs européens présentant des pratiques de pâturage innovantes. Qu’ils aient 35 ou 1 500 ha, ces huit fermes européennes œuvrent pour la production de lait à l’herbe, tout en limitant le recours à l’azote chimique.

En France : 15 à 16 t MS/ha d’herbe, sans azote chimique

Kévin Hélibert porte haut les couleurs du pâturage français. Installé hors cadre familial en Bretagne dans le nord Finistère, il exploite 43 ha d’herbe avec 53 vaches laitières.

Ce qui a fait la différence ? Ses prairies en ray-grass hybride et trèfle violet sursemées avec du ray-grass anglais et du trèfle blanc. « Chaque année, je commence par un déprimage courant janvier. Je sors les vaches vite pour donner de la lumière au trèfle, puis je mets 15 m3 de lisier/ha. » Généralement exploitée en fauche, la parcelle permet quatre récoltes espacées de 30 à 40 jours selon les temps de repousse. En septembre, l’herbe d’automne est valorisée par le pâturage, avec environ 3 passages.

« L’année dernière, qui était une année un peu moins bonne que d’habitude, on était autour de 15-16 t MS/ha, le tout sans azote minéral, avec une gestion rigoureuse des temps de retour », détaille Kévin Hélibert.

Autre fait marquant, l’éleveur travaille à réimplanter des arbres en bordure de prairie. « J’ai une parcelle de 9 ha que j’ai divisée en quatre selon un axe Nord-Sud, et où j’ai implanté des arbres pour faire parapluie, parasol, brise-vent… L’arbre est un couteau suisse du climat », sourit l’agriculteur.

Au Portugal : l’irrigation pour sécuriser le rendement en fourrage

Au Portugal, sur la Sociedade Agricola Dom Dinis, pas moins de deux fermes de 1 500 ha chacune sont exploitées. Une première structure en montagne compte dans les 400 vaches en croisées (limousin et charolais) qui pâturent parmi les plantations de chêne-liège. Un site relativement facile, aux dires de Luis Vasconcelo qui travaille sur la structure.

Sur le deuxième site, 200 vaches laitières de race Mertolenga (typique du Portugal) valorisent les pâtures. « Sur cette structure, c’est l’exact opposé en termes de sol. Ils sont peu profonds, avec des pH bas, ils sont difficiles à travailler pour l’agriculture et le pâturage », détaille l’agriculteur.

L’irrigation vient donc au service de l’élevage. « Concernant la zone dédiée aux fourrages, nous disposons d’un pivot de 25 hectares, ainsi que d’une autre parcelle de 25 à 30 ha en terres non irriguées que nous semons également en fourrage. En complément, nous avons un autre pivot à Mata, de 60 ha, sur lequel est installée une prairie permanente riche en biodiversité. Située dans des vallées humides, elle nécessite un certain apport en eau pour atteindre une productivité plus élevée, mais sans pour autant exiger autant d’irrigations qu’une prairie irriguée classique », note l’éleveur.

Au Portugal, beaucoup de préoccupations tournent autour de l’eau. L’exploitation se démarque par ses stations de pompage sur panneaux solaires installées pour abreuver les vaches en pâture. L’exploitation se démarque également par son intérêt pour le travail du sol. « On cherche à créer les meilleures conditions pour les pâtures, et donc augmenter le nombre de vaches », poursuit Luis Vasconcelo. Les éleveurs travaillent également sur des solutions de tracking et du monitoring avec les colliers pour gérer les vaches au pâturage. « On est toujours au stade expérimental donc on en a peu, mais on y travaille ».

Aux Pays-Bas : 3 mois de production 100 % à l’herbe

Si les Pays-Bas sont connus pour leur dépendance à l’azote chimique, la ferme Renske Weitkamp fait mentir les préjugés. En agriculture biologique avec 90 vaches laitières, l’éleveuse mise sur le pâturage et l’azote organique.

« Les vaches passent 3 500 heures par an à l’extérieur [l’équivalent de 145 jours]. Nous travaillons le pâturage en bande pour maximiser le rendement », détaille l’éleveuse, qui dispose de 37 ha d’herbe accessible pour le pâturage. Pendant les trois mois de pâturage intégral, les vaches ne reçoivent pas de concentré : « elles produisent de l’herbe simplement avec de l’herbe fraîche ».

Pour ce faire, l’éleveuse mise sur le trèfle. « Nous n’utilisons pas d’azote chimique pour laisser les trèfles capter le plus d’azote possible », détaille Renske Weitkamp.

Pour la ration hivernale, les éleveurs optent pour des produits issus des fermes voisines. Au menu : betterave sucrière, orge écrasé acidifié pour la conservation… « On donne cela aux vaches laitières en plus des fourrages pendant l’hiver ».

Une vingtaine de bœufs holstein croisés angus sont élevés sur la ferme. « L’objectif est de ne pas faire quitter la ferme à trop de veaux », précise Renske Weitkamp, qui les écoule en circuit court. La structure dispose également de 36 panneaux solaires et d’une éolienne pour toucher du doigt la neutralité énergétique, et améliorer le niveau d’autonomie de la ferme.

En Allemagne : des vêlages groupés pour le pâturage intégral

Heiko Stelling représente les éleveurs pâturant allemands. Avec 170 vaches laitières sur 120 ha d’herbe, il mise sur le pâturage intégral depuis 2020. Depuis, les vaches passent l’été dehors et rentrent à l’étable deux heures par jour pour la traite.

Pour coller les besoins des vaches laitières avec la pousse de l’herbe, Heiko Stelling a mis en place deux saisons de vêlage au printemps et à l’automne. « Cela permet aux vaches d’avoir des apports qui correspondent à leurs besoins pendant les trois premiers mois de lactation, et de rationaliser l’usage des fourrages en été lorsque les rendements laitiers sont naturellement plus bas », décrypte la conseillère. Une manière de maximiser la production laitière à l’herbe.

Avec la transition vers le pâturage intégral, l’éleveur vise le bien-être animal et également la qualité de vie. « En réduisant les achats de concentré ainsi que les coûts vétérinaires, la rentabilité de l’exploitation est restée la même malgré des rendements laitiers légèrement inférieurs ».

Dans le même temps, la ferme est devenue plus respectueuse de l’environnement. Pour améliorer encore les performances de sa structure, Heiko Stellingtravaille sur la longévité de vaches pour compenser la baisse de production, ainsi que sur le croisement pour élever des vaches adaptées au pâturage.

En Irlande : 149 kg/ha d’azote pour 13 t MS d’herbe hectare

Pat Benil, éleveur en Irlande dans les Midlands, travaille sur une ferme pâturante de 120 vaches laitières en vêlages groupés de printemps. « Ici, on trait des vaches à haut indice de rentabilité », sourit l’éleveur. Sur la ferme, des Jersiaises croisées à 27 l de lait avec 4,4 % en taux de matière grasse et 3,52 % de protéines. L’éleveur dispose de 150 ha, et un bloc de 50 ha en location.

En Irlande, la gestion de l’eau est également un enjeu. « Nous avons principalement des terres sèches mais également des sols marécageux », détaille l’éleveur, qui a drainé 5 ha de surface fourragère l’année dernière.

Mais ce qui a permis à l’éleveur de décrocher un « grazing award », c’est sa gestion de l’azote. Si le trèfle est le symbole de l’Irlande, il reste relativement peu utilisé dans les prairies. « Nous incorporons du trèfle blanc et du trèfle rouge », détaille Par. L’agriculteur a débuté avec 5 ha en 2018, puis a travaillé le trèfle au fil des ans avec un groupe de travail. « Nous sommes au stade ou 80 % des prairies de la ferme contiennent des trèfles. Il y a entre 5 et 25 % de trèfle, et jusqu’à 35 à 40 % à l’été ».

Pour que la légumineuse s’implante, les apports en azote chimique sont restreints. « L’année dernière, notre consommation d’azote était de 149 kg/ha. Nous avions des rendements de 13 t MS d’herbe hectare, avec 10 passages de pâturages par an par paddock ». L’éleveur travaille également son sol : « il faut ajuster les apports en nutriments pour permettre le bon développement du trèfle. Pour les épandages, nous optons pour une barre derrière la cuve à lisier pour limiter les volatilisations. »

Les efforts portent leurs fruits. « La vie du sol s’améliore, le pH s’améliore. Il tourne autour de 6,1 et augmenter doucement. On maintient les chaulages pour maintenir le trèfle, et l’on réalise des analyses de sol pour suivre l’évolution tous les deux ans ».

En Suède : un monitoring précis de la pousse de l’herbe

Anna et Anders Carlsson conduisent une ferme laitière en Suède, avec 220 vaches laitières et en agriculture biologique 20 vaches nourrices.

Sur l’exploitation, la stratégie de pâturage est bien définie. « L’élevage à l’herbe, ça n’est pas « relax », il faut être technique », sourit l’éleveuse.

Le couple mise sur un système bas intrants : « on utilise ce qui vient de la ferme, en achetant le moins de choses possible », résume Anders. « Le lait par vache est un indicateur de production, mais le lait par hectare est pour moi un meilleur indicateur économique ».

Pour ce faire, les éleveurs suivent rigoureusement la pousse de l’herbe pour organiser les rotations sur la ferme, et travaillent avec un logiciel irlandais pour organiser leur plan de pâturage. « Le système est continuellement évalué. Nous avons de bons résultats, et ça incite à essayer d’aller encore plus loin avec l’herbe et à essayer de le monitorer ».

En Roumanie : Le pâturage tournant pour tirer profit des prairies

Echim Cristian, agriculteur sur 85 ha et 150 têtes laitières en Roumanie a mis en place le pâturage tournant pour mieux valoriser l’herbe. Sur la ferme familiale, les éleveurs apportent une attention toute particulière à l’herbe. « L’objectif est d’apporter des conditions optimales de bien-être et de s’assurer que rien ne manque pour maximiser le rendement. »

« Normalement, au printemps, nos vaches en lactation sortent sur des pâtures spécialement gérées pour elles. » La rotation est pensée selon le stade de végétation et les prairies sont divisées en plusieurs parcelles pour un bon niveau de production. « Les vaches apprécient d’être dans la nature, de prendre le soleil… Et le pâturage tournant joue un rôle clé pour nous aider à prendre soin de la végétation, éviter le surpâturage et fournir un aliment de qualité optimale tout au long de la saison ».

Les animaux plus jeunes sont sur d’autres paddocks, également gérés en pâturage tournant pour optimiser le pâturage. Les veaux de moins d’un an d’âge sont quant à eux gardé à la ferme, et nourris au lait et à la luzerne.

En Italie : la vente directe pour valoriser l’herbe des montagnes

Christoph Tasser, éleveur de vaches laitières sur une ferme familiale en Italie, mise sur la vente directe pour faire vivre son petit troupeau. Avec 13 ha en plaine et 36 ha en forêt, il tient entre 14 et 15 vaches laitières — des Tiroler Grauvieh une race de la région du Tyrol.

Les vaches sont au bâtiment et pâturent d’avril à mi-octobre. « Elles n’ont pas de concentré, juste les fourrages qui poussent sur la ferme ». L’agriculteur cherche à maintenir un haut niveau de biodiversité dans ses prairies et a implanté bandes de fleurs, haies et arbres.

Pour vivre avec un petit troupeau, il mise sur la transformation laitière en lait en beurre, yaourt et fromages. « On produit de la nourriture de qualité de la première à la dernière étape pour les personne de la région, et un magasin à la ferme, plus restaurants locaux », précise Christoph.