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Lutte contre le stress hydrique

Fonte des glaciers, baisse des rendements : même combat


TNC le 20/09/2023 à 17:23
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Elicit Plant a organisé, mardi 19 septembre, la Journée internationale de la prévention des risques climatiques.

« Notre météo est directement influencée par ce qui passe en Arctique », présente Heïdi Sevestre, glaciologue, invitée lors de la Journée internationale de la prévention des risques climatiques, organisée par Elicit Plant, entreprise spécialisée dans la lutte contre le stress hydrique des cultures, le 19 septembre, à Moulins-sur-Tardoire (Charente).

« Comment faire évoluer ensemble notre écosystème agricole face aux impacts du changement climatique et notamment la pénurie d’eau ? » : c’est le sujet qui a réuni un ensemble d’experts internationaux, qui avaient fait le déplacement jusqu’en Charente.

« Notre quotidien est directement connecté aux glaciers », amorce ainsi Heïdi Sevestre, glaciologue et membre de « The explorer club ». Originaire de Haute-Savoie, la scientifique habite aujourd’hui dans la région du Svalbard, archipel à mi-chemin entre le pôle Nord et la Norvège, où elle étudie les glaciers. Et elle consacre désormais son quotidien à « rendre la science du changement climatique plus accessible à tous ». Heïdi Sevestre l’exprime ainsi dans son livre « Sentinelle du climat » : « je vous raconte ce que j’ai vu, pour qu’avec moi vous regardiez en face ce que nous sommes en train de perdre et ce qui nous attend, ce qui est déjà à l’œuvre. Il ne s’agit pas de semer la peur, de culpabiliser, d’accuser ou de désespérer. Mais de vous convaincre de passer à l’action. Car j’en ai l’espoir et la conviction, nous sauverons les glaciers et nous-mêmes. »

Amplification des phénomènes météo extrêmes

« Nos glaciers qui disparaissent, ce sont nos réserves d’eau qui disparaissent. Une eau douce qu’on utilise pour boire, pour l’hydroélectricité, pour refroidir nos centrales nucléaires l’été, pour l’agriculture, etc. ». Et « notre météo est directement influencée par ce qui se passe dans l’Arctique, la fonte de ses glaciers et de la banquise, indique la glaciologue. Plus l’Arctique se réchauffe, plus les phénomènes météorologiques sont perturbés plus au sud, avec une accentuation des vagues de chaleur, des périodes de précipitations intenses, et à l’inverse, des périodes très froides ou très sèches… »

Les États-Unis font également face à une répétition des situations de stress hydrique d’année en année, surtout dans le Grand ouest, témoigne Mark Trimmer, directeur d’une entreprise de biosolutions implantée en Amérique du Nord. Le constat est lourd aussi en Espagne, note Francesco Llauradó, directeur général de Lainco Agro et Sirius Agrobusiness : « à cause des sécheresses, les agriculteurs du pays ont perdu 8 milliards d’euros en 2022 et les pertes sont estimées à 12 milliards pour la récolte 2023 »…

Comment expliquer l’amplitude de ces phénomènes ? « Par le ralentissement des vents (« Wavy polar vortex ») notamment, au fur et à mesure que les écarts de température entre l’Arctique et nos continents s’amenuisent, indique la scientifique. Les phénomènes météo peuvent ainsi être bloqués pendant des jours. » « La circulation océanique a, elle aussi, un rôle dans la régulation du climat. Quand elle s’affaiblit, cela bouleverse les équilibres ».

Comment faire pour ne pas menacer la sécurité alimentaire ?

« L’expression du changement climatique n’est pas la même partout », ajoute Heïdi Sevestre. « Ce qu’on sait aujourd’hui, par exemple en ce qui concerne les glaciers, c’est que dans le meilleur des cas, on pourrait bien en perdre la moitié d’ici la fin du siècle… On est au pied du mur, il faut se préparer à ce qui va arriver et éviter de franchir d’autres points de bascule. » Et pour cela, « la décarbonation fait partie des solutions, estime Heïdi Sevestre : chaque fraction de degré fait la différence et on pourra voir les résultats de nos actions plus tôt qu’on ne le pense, avant les 30 ou 40 prochaines années. Nous avons besoin de travailler tous ensemble et de partager sur le sujet ».

Pour Pam Meronne, leader reconnue dans le secteur des produits biologiques agricoles, « cela passera aussi par l’innovation. Nous avons une partie de la solution, mais il faut compléter le puzzle. On aura besoin aussi d’un appui politique, comme ce qui a été réalisé au Brésil. Le processus, par exemple, est long aujourd’hui en Europe quand il s’agit d’autoriser des biosolutions ».

Une combinaison de solutions à adapter

« Chez Elicit Plant, on met en avant l’usage des phytostérols végétaux pour lutter contre le stress hydrique des plantes. Mais on sait qu’on n’y arrivera pas tout seul, on souhaite travailler en écosystème », indique Jean-François Déchant, président et cofondateur de l’entreprise charentaise. Les équipes recommandent notamment en l’usage de la génétique dans la résistance à la sécheresse. « Tous les acteurs devraient se mettre autour de la table pour parler du changement climatique », estime aussi Michael Horsch, fondateur et responsable de la société Horsch. Il est l’un des promoteurs reconnus de la technique du semis direct afin de préserver l’humidité des sols notamment, il rappelle « la nécessité de privilégier la microbiologie des sols aux intrants chimiques ».

« Il n’y a pas de réponse toute faite face aux impacts du changement climatique », note Aymeric Molin, agriculteur, directeur général et cofondateur d’Elicit Plant. L’observation, c’est le propre du métier d’agriculteur. Chaque producteur a besoin de savoir ce que chacun des outils disponibles peut lui apporter, afin de choisir la combinaison adéquate. » « À chaque agriculteur, sa solution », c’est aussi le mot d’ordre pour Christophe Richardot, directeur général du groupe Dijon céréales et de l’alliance BFC, qui ont notamment formé plusieurs de leurs techniciens agricoles à ce sujet, pour accompagner au mieux les producteurs.

Et dans cette quête d’adaptation des solutions, « les datas peuvent aider afin de factualiser les choses et d’accélérer le processus », ajoute Stéphane Marcel, directeur général d’InVivo digital Factory. « Grâce aux nouvelles technologies, on sait aujourd’hui mesurer la variabilité intra-parcellaire des sols. Les utilisations potentielles pour l’irrigation sont plus compliquées à envisager avec des enrouleurs ou des systèmes goutte à goutte… Mais certains outils peuvent aider dans des applications toutes simples mais utiles, comme le repérage de fuites d’eau par exemple ».

Sur le plan politique, Alain Rousset, président du conseil régional de la Nouvelle-Aquitaine, également présent lors de cette journée, estime « qu’il faudra conditionner l’usage de l’eau ». Il se positionne pour « une propriété et un contrôle » gérés par les pouvoirs publics. Stéphane Marcel relance aussi la question de la réutilisation des eaux usées : « il faut avancer sur cette solution comme le font nos voisins ». Si les pistes sont vastes, tous s’accordent en tout cas sur l’importance d’anticiper, innover et travailler ensemble pour faire face au changement climatique.