Et si on modifiait la ration des bovins pendant la canicule ?
TNC le 24/08/2023 à 05:08
Pour améliorer le confort des bovins durant les périodes de stress thermique, il peut être intéressant de leur proposer une ration qui limite la production de chaleur dans le rumen. Elizabeth Lepage, conseillère auprès des éleveurs de bovins viande canadiens, nous donne ses astuces.
Ventilateurs, brumisateurs, climatiseurs… les ressources ne manquent pas pour améliorer l’ambiance dans les bâtiments d’élevage. À en oublier que la vache elle-même produit de la chaleur via son rumen. Alors pourquoi ne pas aussi travailler sur la ration pour limiter le stress thermique des bovins ? C’est ce que propose Elizabeth Lepage, conseillère en production chez Sollio Agriculture au Canada, dans une vidéo « AgriClimat ». Initiés par des agriculteurs québécois, les webinaires « AgriClimat » cherchent à proposer des solutions pour adapter les modèles d’élevage au changement climatique.
Pour l’experte, il est pertinent de réfléchir à la production de chaleur métabolique des bovins. Elle a plusieurs origines. Le métabolisme de base, sur lequel il est difficile d’influer, la digestion, l’activité physique et à la production. Si les éleveurs ne souhaitent pas altérer la dynamique de production, deux leviers restent disponibles : le travail autour du métabolisme de digestion, et d’activité.
Adapter la formulation de la ration
Et pour la conseillère, il n’est pas aberrant de proposer une ration moins calorifique sur son exploitation durant les périodes de canicule, voire de mettre en place des rations d’engraissement spécifiques pour l’été et pour l’hiver.
– Modifier le ratio concentré/fourrage
Certains aliments génèrent plus de chaleur que d’autres à la digestion. Parmi les plus calorifiques se trouve le foin : « pour être digéré, il demande beaucoup de transformations dans le rumen, ce qui entraîne la production de chaleur ». Vient ensuite l’herbe enrubannée, qui produit moins de chaleur que le foin sec, puis l’ensilage d’herbe et de maïs. Les aliments concentrés, comme les grains secs — ou mieux, les grains humides — génèrent également peu de chaleur. Mieux, privilégier les aliments contenant de l’énergie « by-pass » qui limiteront les fermentations ruminales.

Deux leviers sont donc disponibles pour les bovins à l’engrais : le choix du fourrage, et le travail sur le volume de concentré. « Une fois qu’on sait quel aliment produit le plus de chaleur, on peut adapter l’alimentation des animaux », précise la conseillère.
Attention toutefois à ne pas tomber dans l’acidose. D’autant que le stress thermique déséquilibre la flore du rumen. L’acidose peut cependant être atténuée via la distribution de bicarbonate, ainsi qu’une augmentation de la teneur en sodium de la ration.
À l’inverse, il est possible d’aider l’animal à se réchauffer l’hiver, avec du foin par exemple. Attention toutefois à proposer un foin de bonne valeur alimentaire pour l’engraissement.
– Ajouter du gras
Les québécois préconisent également d’ajouter du gras dans la ration d’engraissement. « C’est une bonne source d’énergie pour les animaux et sa transformation ne crée pas de chaleur », précise Elizabeth Lepage. Mais comme pour le concentré, attention aux excès. Les recommandations usuelles préconisent de ne pas dépasser les 5 % de gras dans la ration pour les bovins à l’engraissement (6 % au Canada). L’objectif : éviter tout dysfonctionnement du rumen. Un excédent d’acide gras volatil peut conduire à l’acidose.
Servir une ration fraîche en quantité adaptée
Administrer une ration qui limite la production de chaleur dans le rumen est une chose, mais encore faut-il qu’elle soit servie fraîche aux bovins.
– De l’acide propionique pour garder la fraîcheur
« L’acide propionique permet de servir une ration fraiche aux bovins ». Introduit dans la mélangeuse, il évite l’échauffement de la ration à l’auge. En bloquant le développement des moisissures, bactéries ou encore levure, il permet de garder le fourrage appétant malgré la chaleur. Compter 2 à 3 1 d’acide propionique par tonne de mélange.
– Distribuer la ration à l’ombre
C’est évident : si l’on ne veut pas que le fourrage chauffe, mieux vaut ne pas le laisser en plein soleil. « Installer des panneaux au-dessus des mangeoires permet d’éviter que les animaux ne mangent un fourrage déjà chaud », fait remarquer la conseillère.
Distribuer la ration tôt le matin ou dans la soirée permet aussi d’éviter les échauffements. C’est également une manière d’éviter des déplacements aux bovins durant les heures les plus chaudes de la journée.
– Diminuer les volumes administrés
Baisser de 5 % la quantité d’aliment servie permet d’anticiper les effets du stress thermique. « Si l’on voit la canicule approcher, il ne faut pas hésiter à diminuer la ration par anticipation », ajoute l’experte canadienne. Une manière d’éviter que les bovins aient la panse pleine à l’arrivée des premières chaleurs. « Cette technique permet d’éviter une plus grande baisse de consommation consécutive au stress thermique, qui sera plus difficile à rattraper ».
– Revoir à la baisse les poids d’abattage
Durant la période estivale, il peut être judicieux de revoir à la baisse les poids d’abattage. « Les bovins les plus lourds sont ceux qui souffrent le plus de la chaleur », rappelle Elizabeth Lepage. D’autant qu’il sera difficile d’espérer un bon GMQ d’un animal en état de stress. Tout est alors affaire de compromis entre coût alimentaire et rapidité de prise de poids.
Limiter l’activité physique
En plus du rumen, l’activité physique contribue à augmenter la température corporelle des animaux. L’activité physique pourra être réduite en limitant la taille des parcelles, et en limitant la distance d’accès aux abreuvoirs dans les parcelles. « Une étude menée dans les parcs d’engraissement montre que les animaux consommaient 87 % d’eau en plus dans les parcs d’engraissement en été par rapport aux conditions hivernales », précise la conseillère. Mieux vaut donc avoir des abreuvoirs à proximité : « si possible à moins de 200 m des animaux ». Car l’eau sert non seulement à hydrater les bovins, mais également à les refroidir.