Du bâtiment à la Highland : Émeric mise sur la vache à la mèche rebelle


TNC le 30/05/2025 à 05:15
EmericDeraedt

Emeric Deraedt est éleveur de Highlands, et président de la French Highland Cattle Society. Avec autour de 15 000 Highlands en France, l'organisme de sélection créé à l'automne vise à structurer la race selon les standards écossais. (© TNC)

Il y a dix ans, Émeric Deraedt a réalisé un grand virage dans sa vie professionnelle. Fini l’artisanat, le couvreur a opté pour l’élevage de Highland. Une race rustique, peu coutumière du Puy-de-Dôme, mais qui lui a permis de s’installer sur des prairies en friche des environs.

« Lorsque j’étais en troisième, la conseillère d’orientation m’a demandé ce que je voulais faire plus tard. J’ai dit agriculteur. Elle m’a demandé combien d’hectares avaient mes parents. Nous avions une pâture et quatre ou cinq chèvres. On m’a dit que ça ne serait pas possible », lâche Émeric Deraedt. L’année suivante, il débutait une formation de couvreur zingueur. C’est ainsi qu’il a passé quatorze ans sur les toits.

Mais l’élevage est toujours resté dans un coin de sa tête. « En 2014, j’ai acheté un terrain pour construire ma maison. Il s’est trouvé qu’il y avait une parcelle de 4 ha avec. J’ai vite pensé aux vaches pour l’entretenir ». Difficile pourtant de se lancer dans la profession sans troupeau et sans équipement. « Il y a pas mal de Charolais dans la région, mais cela me semblait inaccessible. Que ce soit en termes de capitaux ou de travail ». Au fil de recherches sur internet, la Highland s’est imposée. La vache passe-partout, au charme rustique et à la mèche rebelle a conquis le cœur du couvreur.

Mais 4 ha et quelques vaches ne font pas une ferme. Alors qu’Émeric songeait à reprendre la structure de son patron, l’idée de l’élevage le poursuivait. « J’ai fait deux prévisionnels. Un dans le bâtiment, et un dans l’élevage. Les deux passaient ». Difficile de choisir. « D’un côté, je m’assurais un très bon revenu, mais avec une vie complètement dédiée à l’entreprise et à mes équipes. De l’autre, je savais que je gagnerais moins, mais avec plus de souplesse, et sans avoir le stress de réussir à avoir des contrats pour rémunérer mes salariés ».

C’est à Noël qu’Émeric a eu le déclic. « Le 24 décembre au soir, on m’a demandé si je revenais le 26. J’ai dit que non. Les chantiers étaient à l’arrêt entre les fêtes, il n’y avait pas de raison que je vienne. On m’a rétorqué que pour être patron, il fallait rester aux commandes ». De retour début janvier, « on m’a vivement reproché de ne pas être venu entre les fêtes ». Un épisode qui l’a conforté dans son choix de devenir agriculteur. C’est ainsi qu’Émeric s’est installé au 1er mars 2016 avec 14 vaches et génisses, sur 35 ha.

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Au début, je passais ma vie à débroussailler

L’agriculteur n’a pas repris d’exploitation à proprement parler. Il s’est d’abord focalisé sur des terrains rendus à la friche. « Je connais bien le secteur, je savais où il y avait des surfaces disponibles ». Car en montagne, sur sols pauvres, la broussaille gagne parfois du terrain sur l’élevage. « Il y a de moins en moins d’élevage dans le secteur, alors les parcelles difficiles sont délaissées ». Mais l’installation ne s’est pas faite sans mal : « au début, je passais ma vie à débroussailler et passer le broyeur ». Au fil dans ans, l’éleveur est parvenu à monter à 95 ha. « Après avoir récupéré les friches, on m’a laissé de meilleures parcelles avec le temps ».

Aujourd’hui, l’élevage compte 25 vaches et pas moins de 90 animaux. « Tout le monde est engraissé sur place. Les femelles font du renouvellement, et les mâles sont vendus en bœufs de quatre ans ». Un troupeau qui le place parmi les plus gros éleveurs de Highlands de France.

Une période de vêlages de deux mois

Si l’éleveur n’a pas opté pour le Charolais : « n’étant pas du milieu, il me fallait des vaches rustiques », il lui a emprunté quelques techniques d’élevage. Sur la ferme, les Highlands vêlent sur deux mois, et l’éleveur se prête même à l’insémination artificielle en plus de la monte naturelle. « J’essaie de rationaliser mon travail pour pouvoir avoir des lots d’animaux, c’est plus pratique au quotidien, et ça permet d’aller chercher du progrès génétique », poursuit l’éleveur, également président de l’OS français de la race. Des échographies lui permettent de réaliser des contrôles de gestation, et les vêlages de printemps aident à coller à la pousse de l’herbe.

Les Highlands bénéficient également d’un bâtiment. Malgré le plein air intégral, l’agriculteur tient à réaliser les vêlages en intérieur. « C’est plus facile d’approcher le veau, et surtout plus pratique pour les soins ». Car si la Highland est une vache « plan-plan » aux dires de l’agriculteur, elle n’en demeure pas moins très maternelle…

La Highland, une vache qui prend son temps

Pour élever des Highlands, il faut prendre son temps. Sur la ferme, la vache fait son premier veau à 4 ans, « plus tôt, cela coupe la croissance ». Si certains lui reprochent son côté tardif, l’éleveur n’est « pas pressé ». « Je suis sur des prairies pauvres, revenues de la friche… On ne peut pas espérer des performances mirobolantes, au contraire, sa rusticité colle bien aux conditions ». D’autant que dans de meilleures conditions, les éleveurs parviennent largement à dépasser les 300 kg carcasse.

L’intégralité des bovins valorisée en vente directe

Côté viande, inutile d’appeler le maquignon. « On n’est vraiment pas sur une conformation qui les intéresse », sourit l’éleveur. Il mise exclusivement sur la vente directe, avec quatre ventes par an. « Je tue deux à trois bêtes en colis à chaque fois ». Un système qui lui permet de valoriser ses Highlands autour de 7,80 €/kg carcasse, sur des bovins d’environ 300 kg. « On est sur une viande très persillée, et très goûtue, avec un côté un peu sauvage », note l’éleveur.

Si les poids peuvent paraître faibles, la vente directe et le système bas intrant (les animaux sont exclusivement au pâturage) permettent à l’éleveur de vivre de sa production. « Je suis sur un EBE de 55 000 € grâce à l’élevage bovin, un atelier volaille de chair de 4 000 places et quelques petits travaux de couverture de temps à autre ». Un résultat qui pour Émeric, montre qu’il est « possible de faire de la Highland autre chose qu’une vache d’ornement ».