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Reportage en Bretagne

Des vaches aux tomates, une journée pour tester le salariat agricole


AFP le 28/02/2024 à 09:05

Traite des vaches, conduite de tracteur, cueillette de tomates : dans le Finistère, des personnes à la recherche d'un emploi ont testé pendant une journée différents métiers salariés en agriculture, dans l'espoir de créer des vocations dans un secteur en tension.

« L’objectif de cette journée, c’est de tester », explique l’organisateur, Gilles Burel, aux six personnes réunies dès potron-minet dans l’étable du lycée agricole Le Nivot, à Pleyben (Finistère).

Absence de prise de risques, horaires définis, 13e mois, comité d’entreprise, complémentaire santé… L’animateur de l’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture (Anefa) vante les avantages du statut de salarié agricole aux trois hommes et trois femmes de 24 à 58 ans, à la recherche d’un emploi ou en reconversion.

Rien qu’en Bretagne, l’Anefa propose 3 000 à 3 500 postes à pourvoir chaque année, dont près de 60 % de plus de six mois.

Graphiste, chauffeur routier, élagueur, garde d’enfant… Si certains connaissent bien le milieu rural, ils découvrent concrètement le travail agricole. « Mon rêve serait de monter une ferme avec des associés, mais c’est compliqué », raconte Julien Patron, 36 ans, mécanicien de formation et élagueur. Alors qu’il est en pleine évaluation de ses compétences, cette journée « tombe bien ».

L’odeur de l’ammoniac

Munis de bottes, les candidats s’essayent à pousser les vaches vers la salle de traite, à nettoyer les pis, à installer correctement les trayeuses. Un petit groupe s’occupe de nourrir des veaux au biberon et de repailler leurs enclos.

L’élevage industriel offre des horaires de bureau, avec des astreintes de week-end, des tâches variées, pas de travail sous la pluie, assurent les encadrants. Pour autant, l’odeur tenace de l’ammoniac décourage d’emblée une candidate.

Si agriculture rime souvent avec chef d’exploitation, elle repose beaucoup sur le salariat. Il se développe avec l’agrandissement de la taille des fermes et le départ à la retraite prochaine de nombreux agriculteurs.

Selon la FNSEA, premier syndicat agricole, « le secteur connaît des difficultés de recrutement structurelles » avec 14 % d’emplois non pourvus en 2023, permanents comme saisonniers, et un impact sur l’activité des exploitations. Pour y répondre, le Premier ministre Gabriel Attal a placé la production agricole en « secteur en tension ».

Gilles Burel encourage les participants à réfléchir au financement possible d’une formation agricole, au temps dont ils disposeraient pour la faire et à regarder les annonces autour de chez eux. Dans certains cas, « on peut aller à l’emploi directement ».

« C’est très tendu »

L’après-midi, changement de décor dans des serres chauffées de tomates.

Jusqu’à 65 personnes y travaillent en pleine saison. Le groupe, fort de deux candidates supplémentaires, est divisé en trois ateliers pour la récolte, l’effeuillage et le palissage des plants de 3,50 mètres de haut.

« Le travail a beaucoup évolué en termes de confort, on ne reviendrait pas en arrière », assure le producteur de tomates Régis Ollivier. Avec la culture hors-sol, pas besoin d’être à genoux pour récolter le fruit. Le travail se fait en musique. Les horaires annualisés, avec des semaines de 32 à 37 heures, attirent particulièrement femmes et familles monoparentales, poursuit-il.

Pas question en revanche d’avoir le vertige, une partie du travail se faisant sur des chariots élévateurs, ou d’être allergiques aux insectes utilisés pour polliniser et protéger les plantes, la culture des tomates étant sans pesticides. Sylvie Chrétien, à trois ans de la retraite, est venue par « curiosité ».

L’ancienne employée en grande distribution et en agro-alimentaire reste « dubitative », craignant les fortes chaleurs l’été sous serre. Elle repartira avec un contact chez une productrice de fraises pour un travail saisonnier. « On a beaucoup de mal à recruter du monde. Il ne faut pas se voiler la face, c’est très tendu », indique Régis Ollivier.

Pour Tanguy Rospars, 24 ans, cette journée débouche sur « deux contacts dans des porcheries » qui vont lui permettre « pourquoi pas, d’être pris », se réjouit-il. Trois autres personnes veulent prolonger leur immersion dans des exploitations.