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Composition des prairies

Des prairies multi-variétés pour plus de robustesse


TNC le 05/02/2024 à 14:00
prairie

Mélanger les espèces mais aussi les variétés permet de lisser les volumes produits. (© Emmanuelle Bordon)

Des essais sont actuellement réalisés sur plusieurs sites de l'hexagone avec des mélanges à la fois multi-espèces et multi-variétés. L'hyptohèse de base est que cela permettrait de sécuriser la production fourragère. Des résultats intérmédiaires ont été présentés par Patrice Pierre au cours de la biennale F@rm XP du 30 janvier.

Améliorer son autonomie protéique et augmenter la robustesse d’un système face aux aléas climatiques. Pour atteindre ce double objectif, l’intérêt de miser sur la diversité n’est plus à prouver. Mais quelle diversité ? Patrice Pierre, ingénieur spécialisé en production fourragères à l’Idele, a montré l’intérêt des prairies multi-variétés, au cours de la biennale F@rm XP, qui s’est déroulée le 30 janvier dernier.

L’intérêt des prairies multi-espèces est désormais connu. Renforcement de la production par rapport au classique RGA-TB, souplesse d’utilisation, bonne valeur nutritionnelle. Patrice Pierre propose d’introduire, en plus, la diversité variétale dans les mélanges.

Un premier essai concluant

Un premier essai avait déjà été mis en œuvre par l’Inrae à Lusignan, entre 2015 et 2020. Même s’il a le défaut de n’avoir été réalisé que dans un seul contexte pédoclimatique, il a montré que les rendements étaient moins variables d’une année à l’autre, les proportions entre espèces plus stables et la production équivalente par rapport aux multi-espèces habituelles.

Dans le cadre des programmes ClimaVeg et Cap Protéines, une série d’expérimentations a été développée par le réseau F@rm XP. Quatre sites ont été choisi pour ce faire : la station de Mauron (Morbihan), la ferme des Bordes (Indre), les stations de Trévarez (Finistère) et Derval.

Choisir des variétés différenciées

Le but de l’essai : implanter des prairies multi-espèces (RGA, fétuque, dactyle, trèfle et luzerne) en mono-variétés et en multi-variétés et comparer leur évolution sur cinq ans. Pour chaque espèce prairiale, les variétés implantées ont été choisies dans le catalogue français, qu’un éleveur ordinaire a à sa disposition. Elles ont été choisies les plus différentes possible, en termes de port (dressé/couvrant), de précocité à l’épiaison, de ploïdie et de type (méditerranéen/nord).

Dans cette expérimentation, Patrice Pierre avait trois objectifs : étudier la productivité du mélange, observer l’évolution de sa composition au fil du temps, évaluer sa valeur nutritionnelle.

L’itinéraire technique a été le même pour toutes les modalités. 50 unités d’azote ont été apportées au démarrage. Les prairies ont été conduites avec des fauches simulant le pâturage et des mesures ont été réalisées à chaque saison.

Sécuriser la production fourragère

Les résultats des deux premières années sont déjà disponibles. Ils montrent que l’introduction du trèfle violet, en plus du trèfle blanc, augmente la productivité à court terme. Il n’y a cependant pas d’augmentation globale des rendements : « la variabilité multi-espèces n’est pas un facteur d’augmentation de la productivité des couverts, ce qui confirme les premières observations faites à Lusignan », note Patrice Pierre.

Ce qui est en revanche confirmé, c’est l’atténuation de la variabilité des rendements d’une année à l’autre. « Quand on mélange plusieurs variétés, on atténue les variations de rendements entre les années, expose Patrice Pierre. On a une prairie qui est plus lissée dans son comportement, une certaine régularité. Elle est plus facile à gérer ».

Une simplification au profit d’une espèce

Concernant l’évolution de la composition du mélange, celui-ci n’est pas aussi positif qu’espéré. Le salissement de la première année, par exemple, n’est pas contrecarré par la multivariété. Mais il s’estompe avec le temps et tout rentre dans l’ordre au fur et à mesure que la prairie se développe.

« Certaines espèces ne sont pas sociables et augmentent en proportion avec le temps, observe Patrice Pierre. C’est notamment le cas du dactyle, qui se montre très agressif ». De 20 % en première année, les comptages ont montré qu’il a augmenté en deuxième année à hauteur de 62 % à Mauron et 49 % à la ferme des Bordes. « Malgré la diversité génotypique, il y a une simplification d’une multi-espèces autour d’une seule, au point de déséquilibrer le mélange. On n’aura donc pas les attendus d’une prairie multi-espèces », remarque Patrice Pierre.

Il fait l’hypothèse que ce phénomène peut s’expliquer par la faible diversité des variétés présentes au catalogue. « Une donnée qui pourrait suggérer d’introduire des variétés spécifiquement destinées à des mélanges multi-variétaux », dit Patrice Pierre.

En conclusion, il rappelle cependant que cet essai doit durer cinq ans et qu’il reste à observer l’évolution de ces prairies pendant encore trois ans. Les résultats définitifs sont encore à venir.