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Dans plusieurs laiteries

Des filets de sécurité destinés aux jeunes quand le prix du lait tombe trop bas


TNC le 19/12/2019 à 16:33
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Lorsqu'on s'installe en production laitière, l'équilibre financier est souvent difficile à atteindre. Pour éviter les accidents, il importe notamment de sécuriser le prix du lait. Certaines laiteries appliquent, en cas de baisse, un prix minimum garanti durant les premières années d'activité. D'autres proposent un système de compensation du manque à gagner. Exemples en Auvergne-Rhône-Alpes et en Bretagne.

« Comment les futurs installés peuvent-ils établir un plan d’entreprise (PE) sur cinq ans avec un prix du lait faisant autant le yo-yo ? » À cette question cruciale, puisqu’elle freine l’installation en production laitière, Jeunes Agriculteurs (JA) d’Auvergne-Rhône-Alpes a voulu apporter une réponse concrète. Il y a deux ans, le syndicat a proposé à la coopérative laitière de la Haute-Truyère dans le Cantal de mettre en place un prix du lait minimum garanti.

Lire aussi : Le manque de dynamisme de la production devrait soutenir les prix

Une idée qu’elle a accueillie favorablement « ayant conscience qu’il lui faut, pour préserver son activité, maintenir un nombre de producteurs suffisant à proximité », explique Quentin Jaffuel de JA Puy-de-Dôme (63) en présentant cette initiative au dernier Sommet de l’élevage. Au-delà de cette entreprise, c’est la survie des autres acteurs de l’aval de la filière qui est en jeu et, par conséquent, la préservation du tissu économique local, certains étant implantés dans la région.

« Sécuriser la ferme au moment où elle est la plus fragile »

« Nous rencontrons la laiterie une fois par trimestre pour fixer ce prix plancher. Linéarisé sur l’année, il apporte de la stabilité et simplifie la gestion de la trésorerie. Actuellement, nous sommes à 320 €/1 000 l avec un prix de base à 382 €. » Ainsi, quand le prix du lait est inférieur à ce seuil, la rémunération du jeune éleveur, elle, ne peut pas descendre en dessous. Accessible les années suivant l’installation, souvent les cinq premières, ce dispositif constitue « un filet de sécurité appréciable au moment où l’exploitation est la plus fragile et où les investissements sont souvent importants », met en avant Quentin Jaffuel.

« Tous les mois, le jeune installé sait ce qu’il va avoir sur son compte, cela lui donne davantage de visibilité sur l’avenir », ajoute le responsable professionnel. Sans compter qu’il aura moins de mal à supporter une éventuelle crise.

26 nouvelles installations en deux ans

En Auvergne également, plus précisément dans le Puy-de-Dôme et le Cantal, la laiterie Dischamp s’est lancée dans une démarche similaire. « En huit ans, la PME familiale (250 producteurs, 50 Ml de lait), spécialisée dans la fabrication de Saint-Nectaire (AOP et notamment fermier), avait perdu 46 % de ses adhérents et 31 % de sa collecte, suite aux difficultés du secteur laitier et aux sécheresses successives », rappelle Florent Kaplon, responsable du service collecte, invité en novembre dernier au séminaire économique du Cniel et de FranceAgriMer sur le renouvellement des générations en élevage laitier. D’où la nécessité de trouver des solutions pour favoriser l’installation de jeunes producteurs.

Depuis 2017, elle leur octroie 100 000 à 200 000 l supplémentaires à produire sur trois ans, ce qui lui assure une garantie de volume, et un prix du lait minimum garanti sur sept ans, égal par exemple en 2019 à 340 €/1 000 l en conventionnel et à 450 € en AOP Saint-Nectaire (soit 50 € de plus par rapport à l’indicateur pour cette appellation la même année). « Avec 26 installations en deux ans d’existence, la plupart en production laitière seule sans atelier de transformation », contrairement à la tendance ces dernières années, les résultats sont plutôt prometteurs.

« À étendre ailleurs en France »

Il y a 10 ans déjà, le groupe coopératif breton Triskalia étendait aux jeunes éleveurs laitiers son contrat « nouvel installé » en vigueur pour leurs homologues producteurs de porcs. Le principe s’avère différent de celui détaillé précédemment car basé sur la compensation du manque à gagner, en cas de baisse du prix du lait en deçà d’un prix d’équilibre, calculé à partir de références locales. « Ainsi, quand le prix de base annuel de vente du lait passe sous le prix d’équilibre, la coopérative compense la recette manquante dans la limite de 24 €/1 000 l pour un volume de 400 000 l. Et lorsqu’il excède à nouveau le prix d’équilibre, la somme versée en compensation est débitée du compte du jeune adhérent », le rééquilibrage étant effectué une fois par an via un système de balance, peut-on lire dans une étude conjointe menée par FranceAgriMer et l’Idele exposée lors du séminaire économique évoqué plus haut.

À l’échéance des cinq ans de contrat, si en moyenne le prix d’équilibre a été supérieur au prix de vente du lait, le producteur peut garder le complément perçu. Dans le cas contraire, il doit le restituer. Bien évidemment, seuls sont éligibles les projets qui tiennent la route financièrement et pour lesquels le prix d’équilibre est cohérent. En contrepartie, l’adhérent s’engage à se fournir en appros auprès de la coopérative.

Même si elles sont locales et dispersées dans plusieurs départements, ces initiatives mériteraient, selon selon Quentin Jaffuel comme Florent Kaplon, « d’être coordonnées au niveau national puis développées dans d’autres entreprises de collecte un peu partout en France ». Toutefois, il faudrait sans doute les faire évoluer un peu pour les rendre plus efficaces et attractives. La condition sine qua none pour que le maximum de jeunes éleveurs en bénéficient. Le niveau de prix plancher ou d’équilibre semble, entre autres, un peu faible. « Nous allons essayer d’obtenir 20 € de plus aux 1 000 l », suggère pour sa part Quentin espérant également une participation de la filière au financement de ce type d’actions. La crainte d’une intégration par la laiterie et la part de volume concerné dans les sociétés agricoles au regard du total produit sont d’autres freins à lever.