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Peste porcine

Des experts dressent un sombre tableau de l’élevage porcin chinois


AFP le 11/09/2019 à 18:37

Porcs morts flottant à la surface des rivières, déchets alimentaires contaminés servant de nourriture... Des experts ont dressé mercredi à Rennes un tableau sombre, voire alarmiste, des conséquences de la peste porcine africaine (PPA) dans les élevages chinois.

Frappée depuis août 2018 par cette épidémie nouvelle, qui s’est étendue depuis à tout le pays, la Chine a enregistré une baisse de 32 % de son cheptel porcin en un an, chiffre atteignant les 80 % dans certaines provinces, selon les experts de trois instituts spécialisés, qui s’exprimaient mercredi lors du Salon international de l’élevage. Le virus, particulièrement virulent et pour lequel il n’existe aucun traitement, entraîne des hémorragies mortelles pour les cochons et les sangliers, qui peuvent être fatales en quelques jours. La pénurie de l’offre, qui se ressent davantage un an après le déclenchement de la crise, ampute de surcroît fortement le pouvoir d’achat des Chinois, particulièrement friands de porc. Entre janvier et juillet 2019, le prix du porc vif a bondi de 88 %, un record historique qui préoccupe fortement le gouvernement, d’autant que les célébrations du 70e anniversaire de la fondation de la Chine populaire, le 1er octobre, se traduiront inévitablement par un pic de consommation.

« Les règles issues des décisions politiques sont souvent mal appliquées sur le terrain dans un pays fortement décentralisé », analyse Jean-Marc Chaumet, agroéconomiste à l’Idele (Institut de l’élevage). « On a l’image d’un gouvernement chinois extrêmement autoritaire, mais ce qui ressort c’est un laissez-faire absolument total sur l’organisation de la filière porcine», résume son collègue Philippe Chotteau. Rappelant que 67 % des élevages contaminés sont des élevages familiaux qui n’obéissent à « aucune norme de biosécurité », Jian Huang, expert de l’Ifip (Institut du porc) en Chine, a particulièrement marqué les esprits en projetant des images de cadavres de porcs flottant à la surface des rivières, contaminant l’eau.

« Endémique »

Si la PPA a connu une progression aussi rapide en Chine, faisant « 2 300 km en deux semaines en août 2018 », c’est d’abord, selon M. Huang, parce que « la dangerosité de ce virus mal connu a été mal évaluée » par les autorités. Elle s’est ensuite diffusée sur un terrain particulièrement favorable, dans un pays où la filière porcine « n’a pas encore pris conscience de l’importance de la biosécurité ». À la clé : des éleveurs et des vétérinaires « pas assez formés », mais aussi des trafics de porcs venant d’une zone infectée vers une province encore indemne. Projetant des images d’élevages ouverts, donc vulnérables aux maladies, ou de bétaillères jamais lavées, M. Huang concède même que certains « sas » d’entrée sont « uniquement destinés à impressionner les visiteurs ». Complétant ce tableau, Philippe Gréau, gérant d’élevages en Chine pour l’entreprise Olmix, qualifie de « catastrophique » le niveau moyen de biosécurité, certains éleveurs préférant vendre leurs animaux malades plutôt que de les faire abattre, faute d’indemnités suffisantes. Dans certaines provinces, la situation est tellement tendue que des tickets de rationnement ont été distribués à la population, offrant la possibilité de consommer du porc 50 % moins cher tout en limitant la consommation à 1 kilo par mois et par personne. « C’est un enjeu de stabilité politique », a commenté Philippe Chotteau. « Le prix du porc préoccupe beaucoup les Chinois », souligne M. Huang. « On voit même circuler sur les réseaux sociaux des images de « nouveaux riches » portant un collier avec de la viande de porc en guise de bijou ». Interrogés, plusieurs intervenants estiment que la crise va se poursuivre l’an prochain. « C’est à la fois la plus mauvaise période et la meilleure car cette crise est un accélérateur considérable pour la restructuration des élevages », assure M. Huang. Selon lui, les élevages familiaux sont amenés à disparaître au profit d’élevages industriels. « La PPA va devenir endémique en Chine », prédit de son côté la vétérinaire Isabelle Corrégé, qui rappelle que même en Europe, les pays contaminés n’ont pas réussi à se débarrasser complètement de la maladie.