Sélection génétique

Des débuts de l’IA à la génomique : retrouvez l’histoire de la sélection bovine


AFP le 22/02/2024 à 13:35
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(© TNC)

Chercheur à l'Inrae, Didier Boichard revient sur 70 ans de sélections bovines. Des prémices de l'insémination artificielle à la révolution de la génomique, l'expert dresse la petite histoire de la sélection génétique française

Didier Boichard est spécialiste de génétique bovine à l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

Comment a évolué la sélection animale depuis plus d’un demi-siècle ?

 « La première grosse évolution, c’est l’arrivée de l’insémination artificielle dans les années 1950. Initialement, c’était à des fins sanitaires parce que le troupeau français était très malade, en particulier très atteint par la tuberculose. Or un de ses vecteurs, c’étaient les taureaux qui passaient d’un troupeau à l’autre.

Au début des années 1960, on s’est dit « Puisqu’on insémine, autant faire ça avec des taureaux qui ont une haute valeur ».

Initialement, on sélectionnait quasi exclusivement sur la production [pour produire plus de lait, NDLR].

Dans les années 1980, on a commencé à sélectionner sur la qualité du lait, les quantités de matières grasses et protéiques.

Depuis les années 1990, on sélectionne majoritairement sur des caractères fonctionnels, qui jouent sur la robustesse et la longévité de la vache, la fertilité, la résistance à certaines maladies. »

Comment sélectionne-t-on un taureau reproducteur ?

« Le taureau, il ne fait pas de lait, il n’a pas de mammite, pas de gestation, pas de difficulté de mise bas… Donc il a fallu inventer un système pour connaître ce qu’il est capable de transmettre à ses filles. C’est le testage sur descendance. Une fois que vous mesurez les performances de 50 de ses filles, vous observez ce que le taureau a transmis et vous gardez les meilleurs que vous diffusez plus largement.

Cela a duré assez longtemps sous cette forme-là, qui coûtait cher et prenait au moins cinq ans, comme il fallait attendre que les premières filles vêlent et produisent du lait. Résultat : les taureaux étaient trop peu nombreux, certains ont fait plus de deux millions d’inséminations, il y avait une augmentation de la consanguinité.

Dans les années 2000, ça a été la révolution génomique. On peut prédire la valeur génétique des animaux uniquement à partir d’un échantillon d’ADN.

Dès lors que vous pouvez constituer une population de référence de quelques dizaines de milliers de vaches, vous pouvez sélectionner le futur taureau quasiment dès la naissance.

Un des avantages considérables de la sélection génomique, c’est qu’elle coûte beaucoup moins cher par taureau mis en marché, donc vous pouvez utiliser beaucoup de taureaux.

C’est la bonne recette pour éviter une augmentation de consanguinité trop rapide. La sélection génomique devrait se traduire par un certain anonymat des taureaux. Ils sont tous très bons, ils ont tous d’excellentes caractéristiques, ils sont assez nombreux et ils tournent vite.

Mais quand vous avez un taureau exceptionnel, la pression économique fait que vous avez envie de profiter de la situation. Je trouve un peu alarmant l’augmentation de consanguinité en prim’holstein ».

Peut-on encore améliorer le cheptel ?

« Les animaux sont encore sensibles à des maladies, ils ont une longévité qui n’est pas suffisante à mon avis, ils émettent trop de méthane.

L’objectif, c’est de commencer à sélectionner contre le méthane à partir de fin 2024, avec des taureaux qui vont transmettre à leur future fille une aptitude à faire aussi bien que les autres, sauf qu’elles feront moins de méthane. On pense qu’avec la sélection, on peut réduire d’environ 1% par an les émissions de méthane.

Par ailleurs, de notre point de vue, les vaches françaises sont trop grandes. C’est culturel, les gens aiment les grandes vaches mais ce n’est pas une bonne idée parce que ces vaches mangent plus donc elles font plus de méthane.

Une vache aujourd’hui fait 700, 800 kilos. Ce serait mieux si elle en faisait 100 de moins, ce qui est assez facile à faire car c’est un caractère très héritable. Mais il y a beaucoup de réticences, les éleveurs sont fiers de leurs grandes vaches, ça fait un peu partie de leur ADN. »