Dermatose nodulaire contagieuse : le risque sanitaire justifie-t-il les abattages massifs ?
TNC le 15/07/2025 à 17:06
Pas moins de 21 foyers de dermatose nodulaire contagieuse ont été constatés au 14 juillet. Face à la progression de la maladie, les autorités sanitaires appellent à la prudence, et présentent l’abattage préventif comme la seule option pour contenir la maladie. Mais la mesure reste un crève-cœur pour les agriculteurs, comme au Gaec Duchêne, où une manifestation bloque l’abattage de 120 vaches laitières depuis le 10 juillet.
Sur le village de Cessens, la mobilisation portée par la Coordination rurale se poursuit pour empêcher l’abattage d’un troupeau de 120 Montbéliardes sur une exploitation déclarée foyer de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).
Christian Convers, secrétaire général de la CR est sur place, et témoigne de la poursuite du blocage. « Il y a de plus en plus de monde sur la ferme. Des tours de garde sont organisés la nuit par les agriculteurs… Il y a au minimum 30 à 40 personnes sur le site au cas où ils voudraient nous prendre par surprise. »
Difficile pour autant de savoir quel sort sera réservé aux vaches, qui auraient déjà dû être euthanasiées jeudi 10 juillet au petit matin. « On voit beaucoup de politiques passer, ça nous permet d’expliquer la situation et de montrer que l’on confine les animaux, mais nous n’avons pas plus d’informations. »
Les services vétérinaires, venus établir un diagnostic complet du troupeau, surveillent la température des vaches. « C’est le premier signe du développement de la maladie. Pour l’instant tout va bien », estime Christian Convers, qui milite pour des euthanasies sélectives ciblées sur les individus porteurs de la maladie.
Dans le même temps, les autorités sanitaires continuent de prôner l’abattage sur les foyers de DNC. Nicolas Berthollet, vétérinaire, est intervenu à l’occasion d’un webinaire organisé par la FDSEA des Savoie pour renseigner les éleveurs savoyards sur la dermatose nodulaire contagieuse. Pour le professionnel, elle n’est pas à prendre à la légère.
Jusqu’à 40 % de mortalité constatée dans les Balkans.
« En Afrique, sur les zones endémiques, le virus circule et l’on constate des flambées épizootiques tous les 3 à 5 ans. Lorsque cela arrive, on a environ 50 % d’animaux malades et 10 % de mortalité », détaille le vétérinaire.
La maladie n’étant pas endémique dans l’hexagone, il y a fort à parier que l’impact sera plus lourd. « Nous sommes sur une population d’animaux « naïfs », qui n’a jamais été en contact avec le virus », rappelle Nicolas Berthollet. La propagation de la maladie dans les Balkans à la fin des années 2010 présentait des chiffres autrement plus inquiétants. « On avait 90 à 100 % d’animaux malades, avec des taux de mortalité qui variaient de 10 à 40 % », insiste le vétérinaire.
Or la longue période d’incubation de la maladie la rend particulièrement difficile à apprivoiser. « Cela peut aller de 3-4 jours à un mois, avec une moyenne de 15 jours. » Cela veut dire qu’un animal d’apparence saine peut développer la maladie et être source de diffusion sans que l’éleveur s’en rende compte. En l’état, les tests ne permettent pas de détecter les stades précoces.
Une propagation de l’ordre de 7 km par semaine dans les Balkans
Dans ce contexte, le vétérinaire exhorte les éleveurs à limiter les déplacements d’animaux. « Le virus se transmet via les taons et les stomoxes, voire d’autres insectes piqueurs mais au global, ces insectes voyagent peu. Ce sont surtout les mouvements d’animaux qui permettent à la maladie de progresser. » Dans les Balkans, durant les pics épizootiques, la maladie affichait une progression de l’ordre de 7 km par semaine. Sans vaccin contre la dermatose nodulaire contagieuse, l’abattage des animaux présents sur les foyers de la maladie apparaît comme la seule solution permettant de l’éradiquer.
Si la comparaison avec la FCO et la MHE est tentante, la DNC est autrement plus impactante. « C’est une maladie grave, classée A à l’échelle européenne, un peu comme la fièvre aphteuse… », complète Bernard Mogenet, président de la FDSEA de Savoie.
Mieux accompagner les éleveurs touchés
Mais tous s’accordent sur le drame que représente un abattage global de troupeau. « Il faut accompagner les éleveurs. La cellule Réagir a été saisie et est à disposition », poursuit l’élu. « Pour revenir sur le blocage sur la commune de Cessens, je pense qu’on arrive à ce type de situation quand on s’occupe mal des producteurs. Je ne suis pas étonné qu’on se retrouve dans des cas très complexes parce que les services de l’État n’accompagnent pas assez les éleveurs… », ajoute Guillaume Leger, président des JA. « Certains agriculteurs réalisent de très gros sacrifices pour protéger leurs voisins, c’est très dur. »
Si les abattages semblent arbitraires, ils n’en demeurent pas moins ciblés. « On est sur des abattages par lot », rappelle Bernard Mogenet, président de la Chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc. Cela explique qu’au 11 juillet, 15 foyers étaient détectés sur 9 exploitations. « Il n’y a pas encore eu d’abattage total de cheptel, on est sur des lots isolés car les troupeaux sont assez éclatés à cette saison », souligne l’élu au 11 juillet.
Mais la maladie progresse. Au 14 juillet, 21 foyers de DNC étaient détectés en Savoie et Haute-Savoie. Les abattages de bovins devraient se poursuivre. Se pose alors la question de l’indemnisation. « On a essayé de prendre en compte toutes les incidences : perte des vaches mais aussi perte de lait… Et toutes les problématiques autour des DJA pour les jeunes installées, de la Pac pour les aides à l’UGB », précise le président de la chambre d’agriculture.
Une incertitude demeure toutefois sur la durée de l’indemnisation pour les pertes d’exploitation. « Aujourd’hui, le protocole est sur 3 mois. On sait tous que cela sera bien plus long de reconstituer les cheptels, et retrouver les niveaux de productions actuels tant en termes de quantité que de qualité. »
Des vaccins prévus pour en juillet
Il n’empêche que l’inquiétude des éleveurs reste grande et la vaccination apparaît comme une voie de salut. « Les doses devraient arriver rapidement, d’ici la fin du mois », précise le vétérinaire. Mais la prudence reste de mise car le vaccin ne résoudra pas instantanément tous les problèmes. « Nous sommes sur des vaccins vivants inactivés. Cela veut dire qu’ils ont des effets secondaires. On a peu de recul sur l’impact que le vaccin aura sur le cheptel français. »
Ce que l’on sait, c’est que la vaccination reste une méthode de protection préventive. Elle ne freinera pas la progression des symptômes sur un animal touché. « Il y aura certainement une stratégie de vaccination qui se fera en ceinture des zones touchées pour limiter la propagation du virus », précise le vétérinaire. La vaccination est alors une manière de protéger les animaux, et de faire barrage à la diffusion de la maladie.
« Le GDS travaille dès à présent pour être prêt à vacciner le plus rapidement possible, car il faut encore compter 21 jours après injection pour bénéficier de l’immunité maximale », confirme Cédric Laboret. La vaccination représentera un challenge collectif. « On pense qu’il faudra vacciner au champ, où du moins là où se situent les bovins pour éviter les mouvements. Bouger des animaux pour faire les soins au bâtiment serait prendre le risque de propager la maladie ».