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Peste porcine

De Roumanie en Bulgarie, une vaine course contre la peste porcine


AFP le 10/09/2019 à 10:35

Vanya Dimitrova refuse encore d'abattre ses quatre truies, son verrat et ses vingt-et-un porcelets. Pour tenter d'endiguer la peste porcine, les services vétérinaires bulgares lui ont demandé de sacrifier son cheptel.

L’abattage est le sort réservé aux porcs élevés près d’une zone de contamination ou, dans certaines régions de Bulgarie, dans un rayon de vingt kilomètres autour d’une exploitation industrielle. Et cela même si les animaux ne sont pas malades, car c’est la seule mesure de prévention possible.

« Ils vont anéantir le mode de vie dans les campagnes », se lamente auprès de l’AFP Mme Dimitrova, habitante de Bezmer, un village dans le sud-est du pays le plus pauvre de l’Union européenne. Car « les gens ici ont l’habitude de nourrir quelques bêtes » pour améliorer l’ordinaire, explique cette ouvrière de 49 ans, employée dans une usine de meubles.

L’apparition de la peste porcine dans le pays, il y a un an, a bouleversé cette vie rurale. Dans les élevages industriels bulgares, les premiers foyers infectieux ont été détectés cet été.

Propagation

Non dangereuse pour les humains, cette maladie virale très contagieuse est mortelle chez les porcs domestiques et sauvages, entraînant des pertes économiques importantes pour le secteur porcin.

Ces dernières années, le virus s’est propagé dans les pays de l’est de l’Europe (Lettonie, Lituanie, Pologne, Serbie, Ukraine, Moldavie, Slovaquie, Roumanie) faisant des ravages dans les populations porcines de certains d’entre eux. Les pays européens indemnes vivent dans l’angoisse d’une expansion de l’épidémie.

« En 2017, la maladie était déjà à la frontière nord de la Bulgarie. C’était une évidence pour l’industrie porcine que la peste ne pourrait être stoppée en Roumanie et allait traverser le Danube », s’agace Nikolay Valkanov, économiste agricole à Sofia.

Face à cette calamité annoncée, les autorités bulgares se voient reprocher une réaction tardive. En juillet, le commissaire européen sortant à la santé et à la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, s’était ému de la découverte d’un important foyer infectieux en Bulgarie. « Cela a pu se passer parce que quelqu’un a été négligent et n’a pas fait correctement son travail », avait-il tancé, pointant en bout de chaîne la responsabilité du gouvernement. M. Andriukaitis avait estimé que toute l’industrie bulgare du porc était menacée.

Mardi, il effectue un déplacement à Sofia où se déroule une réunion régulière du groupe d’experts chargés du suivi de la peste porcine en Europe. Depuis le début de l’année, 120 000 bêtes ont déjà été abattues, représentant environ 20 % des cochons de Bulgarie.

Sombres perspectives

La tradition d’élevage des porcs par des particuliers, ainsi que l’existence de petits élevages commerciaux clandestins de 50 à 200 cochons, compliquent l’entreprise de pédagogie que tentent de mener les autorités. Des rassemblements de protestation contre les abattages ont eu lieu en Bulgarie.

« La seule chose qui compte, c’est de sauver les grandes exploitations, avec les grands moyens. Pour cela, on nous demande à nous, les pauvres gens, de passer à la caisse », déplore Vanya Dimitrova.

Bruxelles a promis de débloquer 2,9 millions d’euros afin d’aider Sofia à éradiquer la maladie, mais seules les grosses exploitations industrielles sont vraiment indemnisées dans le cadre d’un abattage massif. Si elle se résout à abattre ses bêtes, Mme Dimitrova ne recevra que 150 euros pour la désinfection de sa propriété, ce qui est loin de compenser la valeur de ses cochons.

La gestion des carcasses d’animaux abattus a également suscité la controverse. Beaucoup auraient été enterrées sans précaution ou jetées dans des rivières, sans trop se soucier des risques de contamination. Pessimiste, l’expert agricole Nikolay Valkanov juge « impossible d’éradiquer totalement la maladie dans les années à venir ».

La situation paraît aussi mal maîtrisée de l’autre côté du Danube, en Roumanie, où la maladie qui sévit depuis 2017 a conduit à abattre plus de 400 000 cochons. Quelque 1 300 foyers infectieux ont été détectés cette année, selon la Commission européenne.