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Ferme expérimentale de Trévarez (29)

Croiser Holsteins, Normandes et Jersiaises pour mieux valoriser le lait bio


TNC le 25/11/2022 à 05:03
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Grâce au croisement trois voies, la ferme expérimentale de Trévarez a réussi à générer un chiffre d'affaires lait bio plus important en assurant une production de matière utile supérieure à ce qu'elle aurait été avec un troupeau conventionnel en Prim'Holstein.

À la ferme expérimentale de Trévarez, dans le Finistère (29), le croisement trois voies a été mis en place lors de la conversion de l’exploitation en bio afin de disposer d’une génétique adaptée au système de l’exploitation. « L’objectif était d’avoir des animaux qui gagnent en rusticité, capables de bien valoriser le pâturage, et de travailler sur les grands points de la conduite de troupeau, comme les taux ou encore la fertilité », résume Claire Caraes, chargée d’études en production laitière biologique. 

Pour ce faire, trois races ont été sélectionnées : la Prim’Holstein, qui constituait le troupeau initial et qui présente des intérêts laitiers non négligeables, la Normande, censée apporter de la rusticité et de la viande et enfin, la Jersiaise, choisie pour tirer profit de ses taux intéressants, sa précocité ainsi que sa facilité de naissance. 

Un chiffre d’affaires lait en progression

Avec le troupeau en cours de croisement, la rapide amélioration des taux permet de compenser la baisse de production enregistrée. Avant l’arrivée des croisés, la ferme expérimentale valorisait son lait à hauteur de 472 €/1 000 l. Depuis l’introduction des vaches croisées, le lait est vendu aux environs des 508 €/1 000 l en moyenne sur 2019 – 2021. À l’échelle du troupeau de 75 VL, cela représente un gain annuel de 8 925 €.

Le croisement aura également permis de mieux détecter les chaleurs : « nous sommes passés de 27 % d’animaux non vus en chaleur avec le troupeau Prim’holstein, à 5 % avec les croisés », estime Claire Caraes.

L’impact sur le pâturage semble également positif : celui-ci constitue 60 % de la ration, et pour la chargée d’études agriculture biologique, « les animaux valorisent mieux l’herbe, on voit qu’ils gardent un meilleur état corporel en fin d’hiver ».

L’effet d’hétérosis semble donc porter ses fruits, reste maintenant à déterminer si ce dernier se maintient dans le temps. Le croisement trois voies ne semble pas avoir eu d’effet sur la conformation de la mamelle, critère d’autant plus important que la ferme expérimentale de Trévarez est en traite robotisée. 

Une valorisation de la viande en demi-teinte

Les veaux croisés issus de l’agriculture biologique sont plus difficiles à écouler que les veaux issus de troupeaux conventionnels. Les veaux croisés de pères laitiers se sont vendus en moyenne 64 € (moyenne de 2016 à 2021 des prix des veaux de 3 semaines), contre 91 € pour les veaux Prim’holstein. Le croisement viande, avec des taureaux Limousins, Charolais, Blanc Bleu Belge ou Inra 95 permet de tirer un meilleur profit du produit viande, à hauteur de 106 € en moyenne par animal, ce qui reste bien inférieur à la valorisation d’un veau issu d’un père de race à viande sur une vache Prim’holstein (autour de 230 €). 

La valorisation des réformes s’avère également hétérogène. Sans surprise, les réformes croisées Prim’holstein x Normandes sont celles qui ont présenté le poids moyen le plus élevé (341 kg, contre 300 kg en Prim’holstein), et donc le meilleur prix par animal (1 211 € contre 984 € en Prim’Holstein) avec + 36 €/1 000 l grâce à la valorisation des taux TB et TP. Les croisés Jersiais sont plus difficiles à valoriser, avec un prix de vente moyen autour des 723 € pour des animaux autour des 230 kg. Les résultats quant à la valorisation des réformes vont cependant être amenés à s’uniformiser au fur et à mesure que la proportion d’animaux issus de croisement trois voies deviendra majoritaire dans le troupeau. 

Une stratégie de long terme 

Pour Claire Caraes, « le croisement tend à se développer pour proposer des animaux en adéquation avec les spécificités des différents systèmes d’élevage, mais cette stratégie prend du temps. » Si au bout de 7 ans de croisement, la ferme expérimentale de Trévarez dispose d’un troupeau constitué intégralement d’animaux croisés, c’est au prix de réformes précoces, et de la mise en place du vêlage 24 mois, mais « un éleveur peut se lancer sur le croisement sur 10 ou 15 ans, et tirer profit de l’effet d’hétérosis dès les premières générations ».