Accéder au contenu principal
Gilles Salvat (Anses)

Contre l’influenza aviaire, renforcer la biosécurité et réduire les déplacements


AFP le 21/01/2022 à 10:18

La grippe aviaire, qui contraint la France à des abattages massifs de volailles, devra conduire à une stricte « observance des mesures de biosécurité » dans les élevages et à « réduire les transports d'animaux », estime Gilles Salvat, directeur délégué au pôle recherche de l'agence sanitaire Anses, dans un entretien à l'AFP.

La France s’apprête à abattre plus d’un million de volailles, ce qui pourrait porter à 2,5 millions le total d’animaux euthanasiés depuis le début de l’épizootie de grippe aviaire fin novembre. Un nouveau coup dur pour la filière avicole, après la crise aiguë de l’an dernier.

AFP : Quel est le profil du virus de l’influenza aviaire cette année ?

Gilles Salvat : « Le virus de cette année est un H5N1, qui est aussi virulent que celui de l’an dernier (un H5N8) pour les canards et semble plus contagieux pour les poules et dindes. En France, un des premiers foyers était un élevage de poules pondeuses. En Italie, on a recensé 250 à 300 cas sur des dindes dans la vallée du Pô. Les animaux infectés excrètent le virus 5 à 7 jours avant l’apparition des premiers symptômes, contre 4 à 5 jours pour le virus de l’an dernier. »

AFP : Comment a-t-il été introduit ?

Gilles Salvat : « À l’origine, il est transporté par la faune sauvage : les oiseaux migrateurs, qui viennent d’Asie, arrivent en France via la Baltique ou le delta du Danube. Au mois d’août, nos collègues russes avaient fait des échantillonnages sur le lac d’Oubsou-Nour en Sibérie parmi les oiseaux sauvages : là où on a d’habitude entre 0,1 et 0,2 % d’animaux contaminés, on avait 15 %, ce qui est énorme. Nous sommes à un carrefour migratoire, nous savions que nous allions avoir plus de risques cette année. »

AFP : Qu’a-t-on fait contre la propagation ?

Gilles Salvat : « Des mesures de confinement précoces ont été prises (dès début novembre) et les animaux des foyers infectés systématiquement abattus. Les contrôles sont systématiques avant un déplacement d’animaux : nous avons réduit de dix à trois jours le délai entre la prise de test et le transport des animaux vers le gavage ou l’abattoir. Malgré cela, nous avons vu cette année des animaux testés négatifs au contrôle arriver positifs sur le lieu de gavage. »

AFP : Cela remet-il en cause les mesures imposées, notamment le confinement des volailles de plein air ?

Gilles Salvat : « Non, la mise à l’abri des animaux reste très importante car la première contamination est un contact avec la faune sauvage ou un environnement contaminé par celle-ci, surtout en période migratoire. Mais on est face à une augmentation exponentielle du nombre de cas, nous devons comprendre ce qu’il s’est passé. Les premières contaminations n’étaient pas dans des élevages de plein air, mais ceux-ci restent à risque.

Les situations sont différentes selon les régions. La Bretagne, qui compte 50 % de la production de volaille française, n’a pas eu de cas en élevage bien que des cas y aient été recensés dans l’avifaune sauvage : est-ce parce que les mesures de biosécurité y ont été mieux appliquées ? Dans le Gers, le premier élevage infecté est très proche d’un lac où se posent des canards migrateurs. La moindre erreur de biosécurité va entraîner des contaminations. »

AFP : Que faut-il changer ?

Gilles Salvat : « Premièrement, il y a des progrès à faire sur l’observance des mesures de biosécurité, tout au long de l’année. Cela veut dire changer de bottes et de tenue en entrant dans l’élevage, se laver les mains, désinfecter systématiquement son matériel, ne pas échanger de matériel avec son voisin sans précaution, stocker la paille à l’abri des oiseaux migrateurs. Deuxièmement, il a une réflexion à avoir sur la densité des élevages pendant la période de migration, mais aussi de la proximité des élevages entre eux. Troisièmement, il faut limiter les distances de transport : on a vu un cas de contamination avec des animaux transportés sur 80 km, d’un village des Landes à un village du Lot-et-Garonne.

Il faudrait réorganiser les filières pour que les salles de gavage des palmipèdes se trouvent le moins loin possible des élevages, pour éviter le transport d’animaux sur de trop longues distances. Pour l’instant, il n’y a aucun vaccin ayant une autorisation de mise sur le marché contre l’influenza aviaire. Et même quand il en existera, il devra s’ajouter et non remplacer les autres mesures de prévention. »