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Retours d’expériences

Complémentarités entre élevage et cultures : un levier pour réduire les IFT


TNC le 15/09/2023 à 13:56
Paturage_ble_brebis

« Le maintien ou la réintroduction de l’élevage sur une exploitation constitue un levier majeur pour diminuer l’utilisation des produits phytos en agriculture », indique Matthieu Babiar, en charge de la coordination et de la valorisation du réseau Dephy.

Les exploitations de polyculture-élevage disposent d’une meilleure résilience et donc d’atouts supplémentaires pour réduire le recours aux produits phytosanitaires. C’est ce qu’ont rappelé les fermes Dephy suite à leurs résultats publiés au printemps dernier. À l’occasion d’un webinaire, le réseau a mis en avant les retours d’expériences d’éleveurs des groupes concernant les pratiques de pâturage des couverts et de déprimage des céréales par les animaux.

« Les systèmes de polyculture-élevage ont des IFT initiaux plus faibles que les systèmes de grandes cultures, et présentent une réduction du niveau d’IFT plus forte en proportion que celle observée pour les systèmes de grandes cultures », indiquent les résultats des fermes Dephy obtenus entre 2010 et 2020 (IFT total hors traitement de semences : – 30 % en polyculture-élevage, – 23 % en grandes cultures). Pour le réseau, « cette évolution est, entre autres, liée aux possibilités plus nombreuses, dont disposent ces systèmes pour faire évoluer leurs pratiques et leurs rotations dans la durée (accès aux prairies, cultures pluriannuelles, cultures fourragères…) ».

« Le maintien ou la réintroduction de l’élevage sur une exploitation constitue un levier majeur pour diminuer l’utilisation des produits phytos en agriculture », indique Matthieu Babiar, en charge de la coordination et de la valorisation du réseau Dephy à l’occasion d’un webinaire. Installé depuis 2016 sur l’exploitation familiale dans les Deux-Sèvres, Mathieu Baudoin est venu présenter son retour d’expériences sur le sujet. Dès son arrivée, il décide de créer un atelier d’élevage ovin allaitant, en plein air intégral, afin de diversifier ses revenus. L’agriculteur est aujourd’hui à la tête d’un troupeau de 360 brebis limousines (béliers Romney).

Pâturage des couverts par les brebis

Pour les nourrir, il a notamment remis 30 ha de cultures en prairies au début. L’exploitation compte aujourd’hui environ 160 ha dont 50 ha de prairies temporaires et 12 ha de prairies permanentes. Les brebis permettent également de valoriser les couverts végétaux déjà en place sur l’exploitation, depuis le passage à l’agriculture de conservation des sols (ACS).

L’agriculteur voit ainsi dans la pratique du pâturage des couverts, un moyen de « consolider son autonomie fourragère et de maintenir son IFT à bas niveau (IFT total = 2,4, en diminution moyenne sur 4 ans, malgré l’utilisation d’herbicides en ACS) ».

Les avantages et les limites de la technique selon Mathieu Baudoin :

Avantages

Limites

Une ressource fourragère complémentaire du système herbager et des cultures

Plus d’astreinte et risques de sorties des animaux amplifiées par les clôtures mobiles

Appétence pour les animaux

Levée des couverts très dépendante de la pluviométrie

Forte valeur alimentaire

Possibilité de maladie du pied de la brebis liée à une portance des sols minime

Bons résultats zootechniques

Restitution de fumure organique directement au champ

La réussite des couverts reste, pour cela, un point très important, tant pour le sol, que pour les animaux. En effet, « la reproduction du troupeau en dépend », souligne Mathieu Baudoin. « Je mets les béliers (Romney) autour du 10 octobre. À ce moment-là, les brebis pâturent dans les couverts d’été, de mi-septembre jusqu’aux semis de blé (vers début novembre) précisément. Ces derniers sont composés, par exemple, de radis, sorgho fourrager, lin, tournesol et pois fourrager. Très nourrissant et appétant, le mélange est tout à fait adapté pour le flushing des brebis (boost alimentaire pour le groupage des chaleurs, NDLR), explique l’agriculteur. Nous avons de bons résultats depuis le début : un taux de remplissage de 96 % et un taux de prolificité de 1,6. Et cela évite aussi d’attaquer les stocks dans les prairies pour l’hiver. »

Pour maximiser les chances de réussite des couverts, Mathieu Baudoin retient alors cinq critères clés :
– « Semer le plus tôt possible après moisson (dans les 24 h suivants au mieux) » ;
– « Semer profond (au moins 5 cm) » ;
– « Compter au moins 5 espèces dans le mélange » (pour diversifier la ration des animaux et optimiser les effets agronomiques des couverts) ;
– « Adapter la gestion des pailles (fauche courte pour un semoir à dents/haute pour un semoir à disques) » ;
– « Effectuer un passage de rouleau derrière ».

Concernant le choix des espèces, « mieux vaut éviter le sarrasin en pur, sinon les brebis mangent de tout globalement », ajoute l’agriculteur. « Une fois que le troupeau est passé dans les couverts, on peut semer la culture suivante et on effectue un passage de glyphosate (2 l/ha) dans la foulée. Pour les parcelles concernées par une culture de printemps, on repasse fin septembre avec le semoir pour un mélange composé principalement d’avoine, de féveroles et de phacélie ». « L’hiver, les brebis sont généralement dans les prairies, en rotation de 24 h (pâturage tournant dynamique). » Mais quand l’hiver est froid, l’éleveur peut faire face à un déficit alimentaire aux alentours de début janvier. « Dans ce cas-là, on remet les animaux dans les couverts longs », précise-t-il. Mathieu Baudoin a également plusieurs voisins agriculteurs, qui mettent leurs parcelles de couverts à disposition de son troupeau. C’est un échange « gagnant-gagnant » : ils n’ont pas besoin de broyer leurs couverts et c’est une ressource fourragère supplémentaire pour l’éleveur.

Déprimage des céréales par les génisses

Autre pratique mettant en avant la complémentarité élevage/cultures, évoquée lors du webinaire Dephy : le déprimage des céréales par les animaux. « C’est l’action de faire pâturer les céréales au stade tallage », rappelle Salomé Caupin, ingénieur du réseau Civam du Limousin. Si cette technique était historiquement utilisée par les éleveurs ovins, Bruno Vaillant a choisi de la tester avec ses génisses, à la suite d’une journée d’échanges avec d’autres agriculteurs/éleveurs en 2019.

Il en est plutôt satisfait, cela permet de « mieux faire taller les céréales, nourrir le troupeau en transition entre l’hivernage et les premiers tours de pâturage (environ une quinzaine de jours, rappuyer le sol et réduire la pression des bioagresseurs ». « Les animaux mangent les feuilles malades, ça permet aussi de réguler la densité des céréales et de remplacer le roulage au printemps », relaie Salomé Caupin. La technique requiert toutefois plusieurs points d’attention. Si en ovin, on peut prendre tous types d’animaux, l’agriculteur privilégie, en bovin, des animaux légers comme son lot de génisses de 18 mois. Le chargement doit être faible : « jusqu’à 10 UGB/ha maximum ». Et les animaux restent 24 h dans la parcelle.

Quel est le meilleur moment pour le déprimage ? « Tout va dépendre de la maturité de la céréale. On privilégie plutôt le début du tallage, quand l’épi n’est pas trop haut (épi 1 cm). Et il faut être opportuniste : si la portance le permet, il faut y aller ! Mais éviter, par exemple, s’il a trop plus avant ou s’il y a eu trop de gel la veille… C’est une pratique basée sur l’observation et l’opportunisme », résume Salomé Caupin.

Elie, un éleveur ovin du groupe, témoigne aussi dans la fiche « pratiques remarquables » du réseau Dephy dédiée au déprimage des céréales : « je le fais tous les ans, je mets 100 brebis sur 1 ha pendant 1 jour. C’est difficile de dire si ça améliore vraiment le rendement des céréales, mais ça me permet de faire la jonction entre l’hivernage et mon premier tour de pâturage. Par contre, je ne sais pas si c’est bon de faire décaler la date de maturité, car ces dernières années, on est en pleine sécheresse quand le blé est au stade remplissage du grain.

De son côté, Gaspard a testé, une seule fois, cette pratique : « ​ j’avais fait pâturer mes brebis sur un blé où il y avait pas mal de ray-grass qui ressortaient. Le problème c’est que les brebis ont préféré manger le blé plutôt que le ray-grass. Celui-ci a ensuite pris le dessus. Je pense que si on a des problèmes de ray-grass sur une parcelle, il faudrait la faire déprimer tôt. Sinon, ça peut le favoriser car il a une croissance rapide ».

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Retrouvez les avantages et les limites du déprimage des céréales, selon Bruno Vaillant :

Avantages

Limites

Améliore le tallage des céréales et la densité de la culture

Nécessite d’avoir un sol portant

Permet de rappuyer le sol en fin d’hiver

Être réactif

Réduit la pression des bioagresseurs

Retarde la récolte de la céréale (1 semaine)

Apporte de la fertilisation

Ressource fourragère limitée pour le troupeau

Ressource fourragère pour le troupeau

Remplace un ou plusieurs passages d’outils