Chez Emilie Massu, les Salers pâturent à 50 km de leur stabulation


TNC le 18/07/2025 à 05:16
EmilieMassuSalers

Avec des animaux loin du siège d'exploitation pendant la période estivale, Emilie Massu mise sur des vaches rustiques et autonomes. (© TNC)

Dans le Calvados, la géographie n’effraie pas Emilie Massu. Éleveuse de Salers hors berceau, l’agricultrice a pensé son exploitation pour combiner impératifs familiaux, et passion pour la race au poil acajou.

« Quand j’étais petite, un voisin de la ferme avait des Salers. C’était un Auvergnat qui était venu s’installer en Normandie », se remémore Emilie Massu, éleveuse de vaches allaitantes dans le Calvados. « À force de les voir en pâture, mon père s’est laissé séduire et en a acheté une première, puis une deuxième. Il a tout de suite été conquis par la facilité d’élevage ».

Trente ans plus tard, le virus Salers a touché toute la famille. En 2021, Emilie a repris le flambeau, et l’éleveuse ne compte pas les kilomètres pour ses vaches acajou. Installée dans la plaine de Caen avec son mari, elle a fait ériger une stabulation sur la ferme céréalière de son compagnon. Une manière de garder un œil sur ses 50 mères en hiver.

L’été, les vaches rejoignent le Pays d’Auge à une cinquantaine de kilomètres pour gagner leurs pâtures d’estive. « Ce ne sont pas les mêmes estives que dans le berceau », sourit l’éleveuse. Deux fois par an, elles « prennent le bus », s’amuse l’agricultrice. Trois trajets en bétaillère permettent aux Salers d’effectuer cette transhumance un peu particulière, mais qui permet à Emilie de valoriser des prairies de famille, et de faire perdurer la race sur une zone céréalière.

Tout le fonctionnement de l’exploitation est pensé autour de cette contrainte. « L’objectif, c’est de faire tous les soins au bâtiment pour être tranquille en pâture, et sevrer les vaches avant le retour au bâtiment pour ne pas avoir à ramener les broutards ». Les vêlages se déroulent donc du 25 décembre au 28 février. S’ensuit le début de la période de reproduction au bâtiment pour les vaches à l’IA. La repro se poursuit ensuite en monte naturelle une fois les animaux en pâture. « Je passe régulièrement voir les vaches et mon papa les surveille, mais l’objectif reste d’avoir des animaux assez autonomes pour se dégager du temps pour les travaux des champs sur le reste de l’année », explique l’agricultrice, également double active au sein d’une collectivité territoriale.

Avec des animaux loin du siège d’exploitation pendant la période estivale, Emilie Massu mise sur des vaches rustiques et autonomes. (© Terre-net Média)

Sur la ferme, les veaux mâles sont valorisés en broutards. Mais la Salers a parfois la réputation de faire des plus petits veaux que les autres races allaitantes françaises. « Cela fait quelques années que je fais du croisement charolais sur les multipares en semence sexée », précise Emilie. Elle est passée de 38 mères à 50 en quelques années, le croisement charolais est une manière pour elle de sécuriser sa trésorerie en période d’installation. « C’est moins vrai aujourd’hui, mais quand je me suis installée, les veaux Salers étaient un peu moins bien valorisés que les Charolais ».

Côté poids, compter 350 kg de moyenne au sevrage pour les mâles en race pure sans complémentation au champ, et 400 kg pour les croisés charolais. À terme, l’éleveuse envisage de se concentrer totalement à la Salers, une fois la période d’installation derrière elle.

L’éleveuse compte sur la voie femelle pour valoriser la génétique de l’exploitation. « Le troupeau est inscrit depuis 2017, alors on essaie de valoriser la génétique en vendant les génisses en reproductrices », précise Emilie. D’autant que la demande en Salers se porte bien. « Au début, c’était un peu difficile de vendre de la génétique hors berceau, mais ça n’est plus vrai aujourd’hui », estime l’éleveuse. « La Salers est très demandée en création de cheptel comme à l’agrandissement dans le Grand Ouest, voire sur toute la France. Il m’est déjà arrivé de vendre des génisses dans le berceau ».

La Salers à l’honneur au Space 2025

À l’honneur à l’occasion du Space 2025, la race Salers bénéficie d’un véritable engouement sur la Bretagne et la Normandie. « Si l’on regarde les chiffres de près, on voit que la Salers recule dans le berceau et se développe dans l’Ouest. Bien sûr, nous ne sommes pas sur les mêmes effectifs, mais cela montre que ça a du sens de faire des concours à Rennes », estime l’éleveuse, également présidente du syndicat Salers de Normandie. « On est au global dans une conjoncture d’arrêt du lait dans l’Ouest. Souvent, les éleveurs veulent s’affranchir des contraintes et se tournent vers la Salers car elle a la réputation d’être peu astreignante ».

Les éleveurs font en sorte de maintenir ces qualités de race. Le premier critère de sélection tourne généralement autour des qualités maternelles « il faut que la vache fasse un veau par an et l’élève toute seule sans complémentation », tranche l’éleveuse. Comme toujours, les qualités maternelles doivent aller de pair avec une certaine conformation. « On essaie de trouver un compromis entre le lait et la viande ». Enfin, l’éleveuse accorde une importance toute particulière à la docilité. « Étant une femme, et souvent seule à m’occuper du troupeau, c’est un critère indispensable. Je n’ai pas d’état d’âme à faire partir une vache qui n’est pas coopérative. Je ne veux pas vendre pour la repro une vache qui pourrait causer un accident ».

D’autant qu’avec des vaches à distance pendant une bonne partie de l’année, l’agricultrice met un point d’honneur à élever des vaches rustiques et autonomes.

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Ravissante se prépare pour le Space

Cette génétique made in Normandie sera visible sur le ring du Space de Rennes le 16 septembre en début d’après-midi. La ferme sera représentée par une génisse et une vache suitée. « On mise sur la voie femelle avec Ravissante ». La vache porte bien son nom. Âgée de six ans, elle se distingue par un fier port de tête et une belle rectitude dans le dos. Elle offre également un bassin très ouvert qui illustre les qualités de la race autour du vêlage facile. Mais la compétition promet d’être rude. « Il y a environ 35 places pour des vaches du Grand Ouest, l’autre moitié va être complétée par des vaches du berceau et quelques-unes de l’Est. On devrait voir de belles choses », s’enthousiasme Emilie.

D’autant que l’exploitation a déjà brillé au Space. En 2019, alors que la Salers était à l’honneur, Emilie est montée sur la deuxième marche du podium avec le taureau Madrigal. « C’est pas mal pour un Normand ! » plaisante Emilie. « Mais au-delà des prix, c’est surtout l’occasion de présenter sa génétique, de se comparer, et de voir ce qui se fait sur d’autres fermes ».