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Veaux laitiers

Élever les veaux en groupes pour profiter de l’effet d’émulation


TNC le 13/02/2024 à 05:01
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Veaux au cornadis (© © TNC)

Le consensus est désormais établi : il vaut mieux loger les veaux nouveaux nés collectivement que seuls. Lors d’un webinaire organisé par R4D (Resilience For Dairy) le 11 janvier dernier, Margit Bak Jensen, chercheuse en sciences vétérinaires, a proposé un récapitulatif des études qui mènent à cette conclusion.

Elever les veaux collectivement stimule leur croissance et leur développement. C’est la conclusion de Margit Bak Jensen, chercheuse au sein du département des sciences vétérinaires de l’université d’Aarhus (Danemark). Au cours d’un webinaire organisé par R4D (Resilience For Dairy), projet européen visant à contribuer au développement social, économique et environnemental de l’élevage laitier, elle a fait le tour des études sur le logement des veaux. La conclusion de cette synthèse est à l’origine du consensus scientifique sur le bien-être des veaux qui a été adopté l’année dernière : l’EFSA (autorité européenne de sécurité alimentaire) recommande d’éviter l’hébergement individuel et de privilégier l’élevage des veaux en petits groupes, de deux à sept animaux, d’âge similaire.

Le contact avec un congénère est apaisant

Des essais ont été réalisés sur le comportement des veaux en rapport avec le type de logement dans lequel ils se trouvaient. Différentes situations ont été comparées, avec un échelonnement du contact entre animaux : veau totalement isolé, contact visuel avec les congénères, contact tactile avec les congénères (avec une barrière ajourée entre les cases) et logement par paires. Résultat : la peur exprimée par les veaux lors de la survenue d’un événement est proportionnelle à leur degré d’isolement.

« De nombreuses études ont montré l’intérêt de garder les veaux en petits groupes, rapporte Margit Bak Jensen. On sait, par exemple, que ceux qui côtoient leurs congénères supportent mieux les soins et les manipulations que les autres ». Et cela est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’animaux qui se connaissent bien. S’ils sont logés ensemble entre la naissance et l’âge de trois semaines et qu’ils restent ensemble pendant toute leur croissance, ils auront de bien meilleures réactions pendant les soins, mais aussi en cas de changement d’environnement, d’alimentation, etc.

Margit Bak Jensen révèle en outre qu’on observe une réduction de la peur vis-à-vis de leurs congénères chez les veaux logés en groupe. Côté éleveur, il est aussi plus facile de les approcher.

Développer les capacités d’apprentissage

Mais il n’y a pas que les réactions de peur. Les veaux logés en petits groupes ont aussi une meilleure capacité d’apprentissage que les autres. Des tests d’habileté dans un labyrinthe en Y en ont été réalisés avec des veaux logés individuellement et d’autres logés en groupes. Les deuxièmes ont montré une meilleure capacité d’apprentissage que les premiers.

Cet effet est d’autant plus important que les veaux ont été ensemble plus tôt. La même expérimentation réalisée avec des veaux mis ensemble à l’âge de six semaines, à six jours ou dès la naissance a montré un effet positif du regroupement précoce.

D’autres essais ont concerné la période du sevrage et du post-sevrage. Ils ont consisté à enregistrer le nombre de meuglements émis par les animaux. Les résultats montrent que les veaux mis en groupe au cinquième jour ont moins meuglé que ceux qui l’ont été à quatre semaines. La différence est encore plus grande avec ceux qui sont en logement individuel durant toute la phase lactée.

« Ces études montrent qu’il y a un bénéfice à loger les veaux par paire dès la première semaine plutôt qu’à partir de la quatrième ou sixième semaine », commente Margit Bak Jensen.

Le mécanisme de facilitation sociale encourage les veaux à manger plus de concentré s’ils sont en présence de congénères qui en mangent aussi. (© Emmanuelle Bordon)

Plus de concentré consommé

Vers l’âge de cinq à six semaines, lorsque la consommation de concentré devient significative, une différence peut être observée sur les quantités absorbées : les veaux logés par paires en mangent sensiblement plus que ceux qui sont logés individuellement.

Cela n’est vrai, cependant, que s’ils ont la possibilité de manger en même temps. « Ce phénomène est dû à un mécanisme appelé facilitation sociale, explique Margit Bak Jensen. Le fait de voir un autre veau manger stimule le veau à manger lui-même ». On peut donc en conclure que le contact social stimule la consommation de concentrés, à condition que tous les veaux aient accès à la nourriture en même temps. Elle ajoute que le contact social les encourage aussi à consommer les aliments nouveaux.

Par extension, les animaux groupés précocement supporteront mieux le sevrage, les changements d’environnement et d’aliment. La chercheuse précise toutefois que pour obtenir ce résultat, il faut que le contact social soit complet. Un simple contact visuel ou même à travers une barrière ne suffit pas. Elle souligne par ailleurs que l’effet est le même avec un logement par paires ou en petits groupes.

Le logement collectif dès le premier jour

La compilation de tous ces résultats suggère que l’on pourrait loger les veaux ensemble dès le premier jour. « Encore faut-il avoir au moins deux animaux », pointe Margit Bak Jensen.

« Quoi qu’il en soit, dans de nombreuses études, les veaux ont été logés par paire dès les premiers jours, et cela a bien fonctionné, à condition de veiller à ce que chaque animal reçoive du colostrum et boive ensuite du lait en quantité suffisante, précise-t-elle ». Elle suggère que « la vache peut aussi faire partie de la solution » : laisser le veau avec la mère assure la prise de colostrum par les veaux et économise du temps de travail.

Reste la question de la santé de l’animal et de la possible contagion entre les individus d’un même groupe en cas de maladie. « Des essais ont été réalisés avec différentes tailles de groupes, expose Margit Bak Jensen. Ils ont montré une prévalence plus faible des maladies respiratoires dans les petits groupes (six à neuf veaux) que dans les grands (plus de 15) ». La comparaison entre l’élevage individuel et l’élevage par paires a quant à elle montré un risque de maladie équivalent entre ces deux modalités. C’est en réalité la taille du groupe, et non pas le groupe en lui-même, qui est en cause dans la contagion entre animaux.