« Il n’y a pas, en l’état, de stratégie de lutte contre les culicoïdes »
TNC le 07/05/2025 à 14:15
Presque invisible à l’œil nu, le culicoïde fait pourtant de grands dégâts dans les campagnes françaises. Entre sa petite taille qui favorise sa dispersion, et le changement climatique qui rend nos contrées particulièrement accueillantes, le moucheron n’est pas prêt de plier bagage. D’autant que les entomologistes peinent à trouver des moyens de lutte concluants.
Malgré son nom barbare, le culicoïde s’est fait une place dans le vocabulaire agricole. Initialement craint dans les zones tropicales pour les maladies dont il est vecteur, il est peu à peu devenu une problématique pour l’élevage européen. FCO, MHE : « des maladies qu’on considérait comme exotiques touchent aujourd’hui les zones tempérées », note Claire Garros, entomologiste au Cirad dans l’écho santé des élevages, proposé par GDS France.
Un adversaire de taille
Aujourd’hui, le contexte oblige les éleveurs à composer avec le moucheron. L’ennemi est d’autant plus dur à contrer que presque invisible. « Le culicoïde, c’est un tout petit moucheron », décrypte l’entomologiste. Compter entre 1 et 3 mm. « On a du mal à le voir à l’œil nu ». Entre 80 et 100 espèces quadrillent le territoire français.
Sa taille lilliputienne joue en sa faveur. Elle complique son étude et le rend difficile à éviter. « On n’a pas beaucoup de stratégies de lutte ». Bien que sensibles aux insecticides, les culicoïdes sont diffus et pondent dans des endroits peu caractéristiques. Autrement dit, impossible de les impacter sans utiliser des produits de manière diffuse, et « l’utilisation d’insecticides sur des animaux et l’environnement pose des questions », rappelle Claire Garros. D’autant qu’on sait que la désinsectisation des animaux « ne permet pas une protection à 100 % sur une longue durée ».
Côté piégeage, les entomologistes ne sont pas beaucoup plus riches. « Les moustiquaires fonctionnent, mais la maille à moustique classique est trop grande pour les stopper, il faut vraiment opter pour quelque chose de très resserré ». En bref, une option difficile à appliquer en élevage.
Cette petite taille favorise également leur dispersion. Le culicoïde a la particularité de se laisser porter par le vent. Si bien que les maladies se propagent dans les 2 km par jour du fait des mouvements des vecteurs, soit entre 10 et 15 km par semaine. Si bien qu’en Espagne, la MHE avait progressé du sud du pays à la frontière pyrénéenne en 10 mois pour atteindre la France à l’été 2023. La vaccination apparaît toutefois comme une manière de contenir cette progression.
Des lieux de ponte peu caractéristiques
La lutte contre certains insectes, comme les moustiques, passe par le traitement des lieux de ponte. Mais encore une fois, le culicoïde est difficile à débusquer. Durant sa vie « immature », de l’œuf jusqu’à la pupe (le dernier stade avant l’émergence de l’adulte), il se trouve dans des sites humides, riches en matière organique. En bref, des endroits plus qu’abondants sur une exploitation agricole. « Ce peut être des litières, des zones de surpâturage, des bords de mare ou points d’eau… »
Seuls les culicoïdes adultes transmettent la maladie. Les femelles, en quête d’un repas de sang permettant la maturation de ses œufs, piquent les bovins, et peuvent éventuellement transmettre le virus.
Le changement climatique favorise leur prolifération
Les culicoïdes n’aiment pas le froid. Les adultes subissent les intempéries : « en hiver, on a une disparition des populations ailées, même si on sait que certaines femelles peuvent s’abriter dans les bâtiments d’élevage où ils ont de la chaleur, de l’eau, du sucre et le repas de sang ». Autrement dit, ils ont gîte et couvert. Les immatures, bien au chaud dans la matière organique, survivent également pour reprendre leur activité au printemps.
Mais les hivers français sont de moins en moins rudes. « On a quelques jours de température froide, mais ça ne suffit pas à impacter les populations adultes. On ne connaît plus des températures négatives pendant 5 ou 6 jours, qui peuvent vraiment tuer les populations », explique l’entomologiste.
La dernière étude sur la période d’inactivité des culicoïdes dans l’hexagone porte sur des résultats récoltés entre 2009 et 2012. Il y a 10 ans, certaines régions comme les Pyrénées-Atlantiques ou la Bretagne affichaient déjà des périodes d’inactivité minimale des culicoïdes autour de 4 semaines. Le bassin méditerranéen et la façade atlantique affichaient quant à eux entre 5 et 8 semaines d’inactivité : « on voit bien que l’on a presque plus d’hiver, les températures douces permettent la survie des populations »

D’autant que la chaleur favorise le cycle de vie des culicoïdes, ainsi que la vitesse de réplication du virus au sein de l’insecte. « On a des collègues qui travaillent sur ces questions. Le futur n’est pas très rassurant. Il va falloir accepter de vivre avec ces maladies ».
À défaut de pouvoir lutter directement contre le moucheron, l’entomologiste propose de se rabattre sur la vaccination, lorsqu’elle est possible. « On n’a pas de vaccins contre tous les virus et tous les sérotypes, mais il faut accepter qu’il n’y a pas, en l’état, de stratégie de lutte contre les culicoïdes ».