Reportage chez N. Grégoire

« Dans le Puy-de-Dôme, les estives s’arrachent jusqu’à 10 000 €/ha »


TNC le 23/10/2023 à 09:57
NathalieGrEgoire

Nathalie Grégoire et ses Aubracs. (© TNC)

Près de Saint-Nectaire dans le Puy-de-Dôme, c’est la ruée sur l’herbe. Chaque année, Nathalie Grégoire monte près de 40 animaux en estive. Si la pratique est ancestrale, la succession d’années sèches en Auvergne place les montagnes au cœur des convoitises.

Les estives se méritent. Si vous accompagnez Nathalie dans sa tournée hebdomadaire, vous n’aurez pas moins de 700 m de dénivelé à escalader. Sur le chemin caillouteux, même le 4×4 a tendance à patiner ! Et pourtant, les parcelles de montagne sont plus que jamais convoitées. « J’ai beau avoir 150 ha d’herbe en bas, je ne pourrais pas tenir 70 vaches sans estives. Les sols sont trop séchants », explique l’éleveuse du Puy-de-Dôme. 110 ha à 1 400 m d’altitude lui permettent de nourrir une trentaine de couples mères-veaux, ainsi que ses doublonnes (génisses de 2 ans) durant la période estivale. L’herbe n’y est pas très riche, « c’est du poil de bouc », sourit l’éleveuse, mais au moins elle pousse.

Entre 200 et 250 € l’été en estive par couple mère-veau

Question prix, « compter entre 200 et 250 € par couple pour l’été, et 180 € pour des génisses », détaille Nathalie Grégoire. Cela chiffre vite certes, mais « c’est toujours plus avantageux que d’acheter du fourrage ». Les cinq mois d’estives reviennent à 6 000 € pour une quarantaine d’animaux. Avec 6 000 € de foin, l’éleveuse n’aurait que trois mois et demi d’autonomie devant elle.

Si bien que les montagnes font des envieux. Au-dessus de pâtures de Nathalie, ce sont des salers aveyronnaises qui profitent de l’herbe du Puy-de-Dôme. « Les éleveurs n’hésitent plus à envoyer leurs vaches à plusieurs centaines de kilomètres de la ferme pour avoir de l’herbe l’été », nous confie l’éleveuse. Et certains vont même jusqu’à acheter des montagnes. « Les estives s’arrachent parfois jusqu’à 10 000 €/ha. Tout ça pour 5 mois de pâturage par an ! ».

Car les années sèches se suivent et se répètent. « Je sors dans les 900 balles de foin sur la ferme chaque année », poursuit l’éleveuse. Assez pour affourager les bovins lorsque l’herbe ne pousse plus, mais pas suffisamment pour se passer des estives. « La sécheresse est là pour tout le monde, c’est ce qui fait monter le prix des parcelles ».

Sélectionner des vaches robustes

Mais « ne monte pas qui veut », avertit l’éleveuse. Seuls les bovins les plus rustiques ont leurs quartiers dans les estives. Si Salers et Aubracs se prêtent particulièrement à l’exercice, l’agricultrice sélectionne avec soin les animaux qui auront la chance de passer l’été à la montagne. Chez Nathalie, la moitié des vaches montent. Les premières vêlées ont la primeur. L’objectif : envoyer des veaux de deux ou trois mois, déjà robustes. Les velles sont également favorisées. « Je préfère garder les vaches qui ont un veau mâle en bas, comme ça, je peux les complémenter pour le marché du broutard ».

L’éleveuse monte voir ses Aubracs deux fois par semaine. (© Terre-net Média)

L’état sanitaire doit également être irréprochable. « Il me faut des vaches avec des bons aplombs, qui n’auront pas de problème là-haut ». Autre précaution, la vaccination contre le charbon : « on observe quelques cas en Auvergne alors mieux vaut être prudent ». Redescendre une vache malade ou blessée peut vite se transformer en chemin de croix…

Car envoyer des vaches à 1 400 m d’altitude, c’est tout une organisation. Pendant les trois dernières semaines de mai, Nathalie Grégoire n’effectue pas moins de 6 trajets en bétaillère pour monter vaches et génisses. Le trajet n’a rien d’une sinécure. En tracteur, trois quarts d’heure sont nécessaires pour rejoindre les herbages. La carrière laisse rapidement place à un raide sentier aux cailloux grossiers, et la pente ferait pâlir bien des éleveurs des plaines. L’éleveuse effectue ensuite le trajet inverse sur la fin du mois d’octobre.

D’autant que chez Nathalie, les vaches sont en plein air intégral. Seules les génisses passent l’hiver à l’étable. « C’est la période durant laquelle je crée un lien avec l’animal », note l’éleveuse. « Je les paille et leur donne à manger tous les jours. C’est important de travailler sur la docilité. Sinon après 5 mois en estive, on retrouve des lions ! ». Et cela semble fonctionner. En montagne, les Aubracs accourent à l’appel de l’éleveuse.